Geraint Thomas: «Je suis devenu une machine»

Pour éviter l’animosité envers la Sky et gagner son premier Tour de France, Geraint Thomas s’est enfermé dans sa bulle. Une technique qu’il a apprise sur la piste. Sa victoire « C’est incroyable. Presque insensé. Il va me falloir du temps pour réaliser quand je rentrerai chez moi, parce que c’est surréaliste en fait. J’ai vécu la course au jour le jour, comme quand je courais sur la piste, pour ne pas m’enflammer. Chaque nuit, je ne pensais qu’au lendemain. Jamais à Paris. Je savais que la troisième semaine serait cruciale mais c’était, aussi et surtout, une grosse inconnue pour moi. C’est comme si j’avais construit un mur autour de moi et que, d’un coup, je le laissais s’effondrer. Quand j’ai coupé la ligne d’arrivée du chrono (NDLR : samedi), j’ai tout lâché. Toute l’émotion que je contenais. En plus, je savais que ma femme était présente et ça a rendu les choses encore plus émouvantes. La dernière fois que j’ai pleuré, c’était lors de mon mariage. Cette victoire, c’est aussi fort. Enfin, presque… En fait, je n’arrive toujours pas à réaliser. Jamais je n’aurais pensé, quand j’ai découvert le Tour en 2007, que j’allais finir en jaune un jour. » Les tensions autour de la Sky « Les sifflets et les huées ont été compliqués à gérer à certains moments, évidemment. Ce n’est jamais agréable à entendre mais nous étions concentrés sur la victoire. Je ne lis pas trop tout ce qui s’écrit sur l’équipe, je ne lis que le rugby en fait. Sans offense hein… Du coup, je suis dans ma bulle. La course m’oblige à me mettre dans une sorte de tunnel, dans un autre monde, loin des facteurs extérieurs. J’ai appris ça avec la piste. Sur ce Tour, je suis devenu une machine. Je ne peux pas laisser ces critiques m’atteindre. D’ailleurs, je vis à Monaco, presque en France. Et tous les Français que je connais sont incroyables. La grande majorité d’entre eux nous a soutenus. » Sa cohabitation avec Froome « Prendre le leadership de l’équipe a été assez facile puisque jamais Chris et moi n’avons roulé l’un contre l’autre. On a toujours dit que c’est la route qui devait décider de la hiérarchie. Froomey est une légende, le meilleur coureur de l’histoire pour les courses à étapes. J’ai beaucoup appris avec lui. Lui et moi, nous sommes amis. » Ses adversaires « Tom Dumoulin a vraiment été impressionnant. La façon dont il a abordé la course, la troisième semaine particulièrement, m’a saisi. Après, il fait la course de manière précise. Très calculée, sans jamais se laisser envahir par ses émotions. Il sait gérer son effort, sans se mettre dans le rouge en répondant à toutes les attaques. Il se connaît, ça se voit directement. Quand il y a un coureur aussi fort, ça complique la donne pour les autres. Dans un sens, il me fait un peu penser à moi. Nous sommes assez similaires. Je pense aussi à Romain Bardet et Mikel Landa lors des dernières étapes de montagne. En attaquant comme ils l’ont fait, ils nous ont mis sous pression. » Le fonctionnement de la Sky « C’est la sixième victoire de l’équipe sur le Tour, c’est vrai. Mais moi, ça me va plutôt bien (sourire). Sur ce Tour, les gens ont vu comme nous travaillions en équipe, avec la puissance du collectif. Notre force n’est pas seulement dans les jambes, elle est aussi et surtout dans la tête. C’est sur ce point qu’on fait la différence, dans notre façon d’évoluer ensemble. Après, il y aura toujours des gens pour critiquer mais je peux juste dire qu’on travaille dur, qu’on essaye d’être les meilleurs possibles. » La course « Chaque étape de montagne, j’étais sous pression. J’ai juste essayé de rester fort, dans ma forme, même dans les moments un peu plus compliqués. Je pense particulièrement aux Pyrénées, quand Froomey a connu un coup de moins bien et que nos adversaires l’ont bien compris. En fait, je n’avais plus qu’une mission, assez simple sur le papier : suivre Tom Dumoulin, ne pas lâcher sa roue. J’ai réussi, à chaque fois, ce qui a boosté mon mental. » Le déclic « Je n’y ai jamais cru avant vendredi soir, à Laruns. Je sais que c’est difficile à croire mais, honnêtement, la dernière étape de montagne a été très réellement difficile, une bataille incroyable. J’étais sous pression toute la journée. Comme lors de toutes les étapes de montagne, en fait. Celle qui m’a le plus marqué reste l’Alpe d’Huez. Y gagner, avec le maillot jaune, c’est complètement fou. En plus, je tentais juste de suivre, jamais je n’avais rêvé, un jour, d’y lever les bras. J’y ai vraiment souffert mais quelle victoire. L’Alpe mec… » La suspicion « Je ne sais pas quoi dire. Juste que le team et moi faisons les choses de la bonne manière. Nous nous entraînons vraiment super dur. Comment le prouver ? En continuant à pédaler comme nous le faisons. Notre palmarès résistera au temps. Je ne peux rien dire de plus que ça, que nous travaillons dur. » Son retour à Cardiff « J’avoue ne pas trop savoir à quoi m’attendre même si je suis certain que ça va être la folie. Je ne sais pas si je deviendrai une légende. La seule certitude pour le moment, c’est que ma vie va changer, mais je vais juste essayer de rester tel que je suis. Je vous dirai dans quelques années si j’ai réussi ou pas. » La cohabitation en 2019 « Je sais que je suis en fin de contrat chez Sky mais là, je veux juste en profiter mec. Du coup, mon futur, je ne sais pas. On verra. Là c’est trop tôt. »

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