Agriculture : vivre du lait bio, c’est possible

La Foire de Libramont vivra ce lundi sa dernière journée sur le champ de foire, et le chapiteau « En terre bio » reste un des points de plus en plus forts à visiter. C’est là que la nouvelle coopérative Biomilk présente ses produits, dont la marque Bioterroir. Elle est née en 2002 sous l’impulsion de 3-4 fermiers flamands qui ont d’abord vendu leur lait à la laiterie Milk-Natuur, puis ont décidé de créer leur propre coopérative pour mieux valoriser leur production de qualité, en globalisant leur vente. Des producteurs wallons se sont ajoutés dans les années suivantes et la coopérative est aujourd’hui forte de 38 agriculteurs. Six plus gros producteurs vont toutefois quitter le système car ils ne sont pas d’accord sur le principe de la petite production telle que la plupart des coopérateurs la conçoivent, en essayant de la valoriser au mieux. Un lait payé au prix qu’il mérite Parmi eux, Daniel Boddez, producteur laitier à Feluy dans le Hainaut, très heureux de vendre son lait à un prix jugé équitable, car il permet de rentrer dans ses frais, d’offrir un salaire décent tout en permettant de réinvestir dans sa ferme. « Nous avons trois canaux de distribution, explique-t-il. Nous vendons à des laiteries et fromageries une partie de notre production commune, qui correspond à environ 20 millions de litres par an. C’est le quart de la production belge de lait certifié bio. 30 % de notre production est ainsi vendue de novembre à juillet sur le marché conventionnel à un prix… classique, parce que le marché bio n’est pas assez demandeur. Secundo, nous avons signé un contrat avec Delhaize qui commercialise notre lait bio depuis le 1er juillet sous sa marque, mais avec une identification Biomilk. Et ce lait est payé 49 cents, un prix équitable loin des 24-26 ou 28 cents du lait traditionnel Cette production est 100 % belge, du producteur à la laiterie Inex de Banegem. Ce lait est vendu sous forme de lait entier, chocolaté et demi-écrémé, de crème et de yaourt. Tertio, on a créé une marque qui nous appartient, Bioterroir. La fromagerie de Herve Sociétés nous fabrique deux fromages : un Herve baptisé Hervione, et un autre, Violet’. Et la fromagerie Baîrsou de Trois-Ponts produit le Dora. C’est petit, on a démarré en mars, et on démarche les grossistes et magasins spécialisés. On est donc en phase de développement. Et deux laits sont également vendus dans les magasins bios.» Vivre correctement avec 60 vaches Daniel Boddez se dit très heureux de ce type de vente. « Avec 55-60 vaches, sur une ferme de 76 ha, je prouve qu’on n’a pas besoin d’une ferme géante pour vivre à trois sur cette exploitation, mon épouse, un de mes fils et moi, tout en finançant les études de notre autre fils. Il faut trouver des créneaux de vente valorisants pour tous. Ce n’est pas simple, mais cela fonctionne. Nous le montrerons le 19 août prochain lors des journées « portes ouvertes » voulues par Delhaize dans notre exploitation de Feluy. » Des cultivateurs vont labelliser la protection de l’eau Pollueurs, les agriculteurs? Ce slogan revient souvent sur la table et n’est pas tout à fait faux pour une partie d’entre eux, qui utilisent pesticides et autres produits phytos de façon régulière et parfois exagérée. Daniel Boddez et d’autres cultivateurs bios et non bios sont convaincus qu’il fallait trouver une solution au problème de la pollution des eaux souterraines, ont voulu réagir et ont récemment créé une coopérative baptisée « Nos agriculteurs, notre eau ». « Il faut décontaminer l’eau des captages pollués, cela coûte cher et c’est répercuté via le coût-vérité sur tous les consommateurs. Cela représente 8 % de la facture wallonne, commente Daniel Boddez. Au lieu de gaspiller notre temps et notre énergie à dépolluer, il serait plus intelligent de ne pas polluer. C’est cela le bon sens paysan ! » A six cultivateurs bénévoles et non rémunérés, ils ont décidé de créer un label «Je protège l’eau de Wallonie», « un label apposé sur le produit et pas lié directement à l’agriculteur, précise Daniel Boddez. Par exemple, quelqu’un qui fabrique du pain pourra mettre en avant ce label si du semis des céréales à la récolte et la transformation, les produits sont indemnes de pesticides chimiques de synthèse. On s’attaque à ces produits, les plus dangereux pour la santé. » Le label se déclinera en trois niveaux: 3 gouttes pour les produits certifiés bios, puisque le cahier de charges bio interdit tout pesticide. Pour les gens qui n’utilisent pas de pesticides mais qui ne sont pas certifiés bio pour des raisons qui leur sont propres, ils pourront hériter de 2 gouttes. Le 1er niveau (1 goutte) concerne des gens qui font de la culture par rotation, en n’utilisant pas pendant un an sur deux des pesticides. La coopérative veut tendre la main à des gens qui font un effort sans faire du bio, en espérant qu’ils s’interrogent à terme sur leur production. Pour les fondateurs de cette coopérative, il s’agit désormais de créer un cahier de charges pour le 1er et 2e niveaux. « Un appel est lancé aux institutions qui ont un rapport avec l’eau pour établir ce cahier de charges, voir qui contrôle, qui finance, etc. Notre conseil d’administration est ouvert pour construire ce cahier ensemble », conclut Daniel Boddez.

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