COP21: les traditionnelles tensions retardent l’accord de Paris

Le calme qui régnait à la conférence des Nations unies sur le climat, la COP21, de Paris, ne pouvait faire illusion. Sous les discussions policées des ministres et délégués de 195 pays du monde, les enjeux sont énormes. Dans la nuit de jeudi à vendredi, au moment de négocier la dernière proposition d’accord présentée par la présidence française, ils sont clairement réapparus à la surface, menant les travaux à une impasse. Rendez-vous samedi matin Résultat : les négociations suspendues à 05h45 vendredi reprendront samedi matin avec la présentation d’un (ultime ?) nouveau texte par le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius. Ce dernier espère un accord des ministres samedi en tout début d’après-midi. D’ici là ? Le téléphone va chauffer entre les capitales. Surtout celles des principaux acteurs du grand marchandage : Paris, Washington, Pékin, Berlin, Delhi… C’est alors que se dénoueront les derniers nœuds. La discussion nocturne a montré que personne n’a abandonné ses priorités. Au contraire, on a le sentiment que chacun s’est raidi sur ses positions. Les débats ont été très techniques, mais deux axes apparaissent clairement. Un point non tranché sur la « différenciation » entre pays industrialisés et pays en développement. Et une opposition sur l’objectif ultime du futur « accord de Paris ». Sur ce dernier point, les pays se sont partagés en deux camps : ceux qui veulent que l’accord fixe l’objectif ultime de limiter la hausse de la température mondiale à 1,5ºC. Ce sont les petites îles du Pacifique, les pays les plus pauvres, les Africains… Pour eux, les impacts négatifs des dérèglements climatiques (hausse du niveau des mers, sécheresses…) sont déjà très sensibles. Et ils s’aggraveront en proportion de la montée du mercure. Il faut à tout prix monter sur les freins. En face d’eux, les pays qui jugent que cet objectif est trop contraignant et trop coûteux pour les économies. Ce sont surtout les pays pétroliers (Arabie Saoudite, Koweit…) qui se sont attachés à démonter toute ambition dans le projet de traité. Mais on sait que derrière ceux-ci se cachent d’autres pays émergents et des pays industrialisés. Deux mondes différents La « différenciation » est l’autre sujet fondamental qui divise. En 1992, lorsque la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques a été conclue, on ne connaissait que deux catégories de pays : les pays industrialisés et les pays en développement. Aux premiers les efforts de réductions d’émissions et de financement. Aux seconds le temps de se développer et une aide financière adéquate. C’est la philosophie du protocole de Kyoto, signé en décembre 1997. La situation a radicalement évolué depuis. Des nouvelles puissances ont émergé : la Chine, l’Inde, le Brésil, l’Afrique du Sud, Singapour… Ces pays se sont enrichis. Ils se sont aussi hissés aux premiers rangs des pollueurs mondiaux. Les pays riches leur demandent désormais de contribuer aux efforts collectifs – les réductions d’émissions de gaz à effet de serre, le financement des pays les plus vulnérables… Mais l’affaire ne va pas sans mal. Parce que s’ils « émergent », les nouveaux poids lourds de l’épure climatique ont beau jeu de rappeler que la responsabilité historique des changements climatiques pèse surtout sur les épaules des pays industrialisés. Que leurs émissions par habitant restent nettement inférieures à celles de nos pays (16 tonnes de CO2 pour un Américain, 7,2 pour un Chinois, 9 pour un Belge). Que les pays occidentaux ont « délocalisé » une bonne partie de leurs émissions dans les pays émergents devenus les ateliers du monde. Qu’enfin, s’ils sont devenus objectivement plus riches et plus puissants, les pays émergents connaissent toujours de profonds déséquilibres internes entre populations riches et pauvres ; ces déséquilibres nécessitent la poursuite d’un développement que pourraient menacer de trop fortes contraintes. Signature samedi midi ? Ce sont ces deux tensions qu’il va falloir apaiser, au-delà d’un grand nombre de points techniques contenus dans les 27 pages du projet d’accord. Notamment la question de savoir quand et comment les pays augmenteront leurs engagements de réduction de gaz à effet de serre. Autre sujet non tranché : la manière dont l’aide financière des pays développés aux pays pauvres (100 milliards de dollars par an d’ici 2020) sera dégagée et augmentée après 2020. La conclusion attendra donc samedi. « Nous préférons nous donner le temps de consulter les délégations tout au long de la journée de vendredi », a déclaré la présidence française de la COP estimant que « les choses vont dans le bon sens ». Le nouveau texte, « j’en suis sûr, sera approuvé et sera un grand pas en avant pour l’ensemble de l’humanité », a déclaré Fabius, samedi matin, aux côtés du secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon. « Nous sommes presque au bout du chemin, je suis optimiste », a-t-il ajouté.

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