La vengeance de Pitje Snot le conduisit en prison

Le meilleur ennemi du Commissaire Courtois, Pitje Snot, de son vrai nom Pierre Danze, était une légende du quartier des Marolles. Il y était connu, comme Jef Porceleyntje (et avant eux Luppe Cassuel, Witschapraetje, Scheersliep, Pitje Lamijn, ou Pitje Cotonnette), pour des beuveries insensées qui se terminaient invariablement en bagarres. Il finançait ses excès par son commerce ambulant de pipes et de tabac mais aussi par le produit du jeu de bonneteau, piège à pigeons. L’amour de la Lambic Le commissaire Alexandre Courtois le connaissait plus que tout autre Marollien. En poste au commissariat de la rue de la Régence, qui avait autorité sur les Marolles, il avait dû plus d’une fois intervenir pour se saisir de Pitje Snot, dont le surnom rendait compte de cette éternelle snottebelle (la morve) qui pendouillait de ses narines. Pierre Dauze comptait à son casier plus d’une quinzaine de condamnations. Courtois partageait avec lui l’excès de boisson. L’amour immodéré de la Lambic le faisait traîner dans les estaminets de sa juridiction où il en profitait pour entretenir quelques « relations d’affaires ». Pitje Snot se vantait de ce qu’il croyait être une « amitié » intéressée avec le policier. Il avait conçu une grande amertume lorsqu’un soir de 1893, il en était venu aux mains avec Courtois dans un caberdouche. Le commissaire l’avait convoqué le lendemain au poste de la Régence. Pitje Snot avait eu droit à un passage à tabac mais n’avait pas été arrêté. Pierre Danze était sans doute un crétin aviné. Il avait aussi la mémoire de ce qui se disait sur le commissaire des Marolles, ses embrouilles et ses relations douteuses avec des complices-informateurs. Il décida de se venger, répandant dans ses estaminets favoris – « A la barre de Fer », « La grappe de raisin » ou le « Fermier de Dieghem » – que Courtois, son ennemi, était impliqué dans l’affaire, demeurée mystérieuse, du vol des bijoux de la princesse Marie, épouse du comte de Flandre, fille du frère de Léopold II et mère du futur Albert Ier. Un vol audacieux Le 2 février 1893, des cambrioleurs astucieux étaient parvenus à dérober les bijoux de la princesse, d’une valeur d’un demi-million de francs de l’époque, en s’introduisant dans son palais de la rue de la Régence (l’actuelle Cour des comptes). Alexandre Courtois était en charge de la sécurité. Pitje Snot se répandait partout : « M. Courtois est le voleur du comte de Flandre », disait-il dans les estaminets et à tous les agents de ville qu’il croisait. La presse avait rapporté cette étonnante rumeur, démentant les certitudes de la justice qui estimait que le coup avait été commis par des « professionnels anglais ». Pitje Snot n’en démordait pas. Il impliqua Restiaux, le « chevalier Mic-Mac » de la rue Blaes, complice de Courtois condamné pour le crime de l’Arbre bénit, assurant qu’il lui avait proposé de participer au fric-frac. Pitje Snot y avait renoncé, assura-t-il, sur les conseils de sa femme. Il racontait aussi qu’il avait appris que la veuve Thienpont, dont le mari tenait un cabaret-bijouterie, avait reçu le soir du vol la visite de Restiaux, qui lui avait proposé un lot de bijoux. Le parquet fut bien en peine de confirmer toutes ces allégations. Pitje Snot fut condamné à un an de prison ferme pour calomnie, prix de sa vengeance contre le commissaire Courtois pour les coups reçus. Des chants à sa gloire Alexandre Courtois fut aussi soupçonné de plusieurs vols, dont celui de la fortune d’un couple d’épiciers auxquels il avait recommandé de planquer leur magot dans leur cave. Comme dans l’affaire Pitje Snot, le parquet estima que les dénonciations portées à l’encontre du commissaire relevaient de la malveillance de criminels en mal de revanche contre un policier efficace. Après l’arrestation de Courtois dans l’affaire Herry, Pitje Snot fut érigé au rang de héros dans la Marolle. Lui qui avait osé dénoncer le commissaire dans l’affaire du vol des bijoux de la comtesse de Flandre n’avait peut-être pas eu tort. Des chants à sa gloire se répandaient dans le quartier, dont la « Pitjesnotade ». Au procès Courtois, Pitje Snot fut appelé à la barre. Il comparut, entouré de gendarmes. C’est qu’il s’était fait une nouvelle fois arrêter pour un vol et ne put donc participer à la fête qui célébra dans les Marolles l’acquittement de Devos. Pitje Snot, rongé par l’alcool, mourut dans une salle de psychiatrie. Son delirium tremens fatal lui faisait voir des rats sortir des murs capitonnés de sa chambre. Le commissaire Courtois mourut en 1904 dans sa cellule de la prison de Louvain.

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