Ilaimaharitra: «Chaque étape de ma vie est une fierté pour mes parents»

Un peu plus d’un an après son arrivée au Mambourg, Marco Ilaimaharitra (23 ans) est déjà un joueur indispensable de l’effectif de Felice Mazzù. Révélé dès sa première touche de balle alors qu’il avait 8 ans, il revient sur le parcours qui l’a conduit là où il est aujourd’hui. Marco, commençons par le commencement : vos premiers pas dans le foot, pour lesquels votre oncle vous a « aidé », pour vous citer… Oui, je dirais que c’est grâce à lui que j’ai commencé, il m’a un peu forcé. Il ne jugeait pas bon que je traîne dehors et j’ai alors rejoint le club de mon quartier, l’AS Côteau Mulhouse (Haut-Rhin), à huit ans. Il était un peu comme un second père ? Disons que j’ai eu la chance de grandir avec énormément de famille autour. Je pouvais dormir chez l’un ou l’autre comme si j’étais à la maison. Mes oncles, mes tantes, ont tous été comme des seconds parents. Pour votre premier match amical à l’âge de 8 ans, vous avez marqué les esprits. Défenseur central, vous jouez contre le club de la ville, le FC Mulhouse et inscrivez quatre buts pour l’emporter 5-4… tout en ayant l’air de vous en foutre complètement. (Il sourit) Oui, je cueillais des fleurs, je faisais la roue et je parlais aux gens derrière les barrières délimitant le terrain. Une de mes tantes a toujours des vidéos où l’on me voit concrètement faire tout ça. Puis quand j’avais la balle, je courais avec, uniquement dans l’optique de marquer. Plus tard, vous avez justement rejoint le FC Mulhouse. Comment ça s’est passé, là-bas, en ville ? Je faisais la route avec celui qui était mon président à l’AS Côteau et qui y conduisait son fils. Mais à un moment, je n’ai plus voulu y aller. J’ai terminé des matches en pleurant tellement ça me soûlait. Je ne répondais pas aux appels puis un jour, quelques semaines plus tard, j’y suis retourné. On m’a puni en m’envoyant dans les équipes plus basses mais je m’en foutais. Vous avez un jour été qualifié dans la presse d’« avenir du foot français ». Vous aviez cinq sélections chez les U19 tricolores (puis six autres en U20). Vous avez longtemps rêvé des Bleus ? Oui, ça a été un rêve comme tout jeune qui veut jouer à haut niveau et donc représenter son pays. Aujourd’hui, je représente Madagascar et je ne regrette aucunement mon choix. Parce que ça fait la fierté de votre père, et votre mère, vous qui êtes 75 % malgache et 25 % réunionnais ? Oui. J’ai des parents qui ne sont pas très démonstratifs. Mais je sais, par un regard, quand ils sont fiers de mes décisions ou de ce que je fais. Ils n’ont pas besoin de me le dire ou l’écrire. Le fait d’avoir choisi Madagascar, ça m’a d’abord rendu content moi-même, et je pense que oui, je les ai rendus fiers aussi. C’est la décision qui les a rendus le plus fiers ? Je pense que chaque étape de ma vie est une fierté pour eux. Grandir dans un quartier et ne pas avoir un fils qui fait un peu n’importe quoi, c’est déjà une victoire pour eux. Que j’en sois sorti, que je m’en sorte dans la vie et que j’aie un travail, pour eux, c’est l’essentiel. Un jour, vous avez dit que vous souhaitiez « sortir (votre) famille des Côteaux ». Que dire de ce quartier où vous avez grandi ? Disons que ce n’est pas un quartier à bonne réputation. On a eu des histoires, on en a et on en aura encore. « On » ? Oui parce que moi, je fais partie de ce quartier. J’ai grandi dans un immeuble, sans balcon et où mon jardin, c’était le jardin de tout le monde, c’est-à-dire en bas du bloc. Mon rêve à moi, c’est que mes parents aient leur propre maison, à leur compte, qu’ils aient leur jardin et puissent faire ce qu’ils veulent. Et non dépendre d’une ville. Parce que quand tu vis dans ces appartements, tu ne peux pas faire ce que tu veux. Tu as des voisins qui te cassent les pieds parce qu’ils font du bruit en forant des trous dans les murs. J’ai grandi dans une tour, il y avait 18 étages, on habitait au 9e. Tu prends l’ascenseur mais des fois, il ne fonctionne pas, il faut monter les escaliers. Pour l’instant, mes parents y sont toujours mais je bosse pour qu’ils n’aient plus toutes ces galères. Elle est là votre principale motivation à réussir dans le foot ? Oui. Je dirais que dans mes moments les plus compliqués, je pense à mes parents. Parce qu’ils n’ont pas grandi en France mais à Madagascar. Quand je passe par un moment un peu compliqué, quand lors d’un entraînement physique je souffle : « Oh je suis fatigué », je me dis que je n’ai pas le droit de me plaindre, en fait. Parce que mes parents, eux, ils ont souffert. Moi, je souffre, mais ça dure deux minutes. Même s’ils n’ont pas déménagé aujourd’hui encore, vous pouvez leur apporter un certain confort de vie ? Oui je les aide. Ils savent que quand je peux, je donne et je ne compte pas. Maintenant, je sais que mes parents savent que je m’en sors mais ils ne sont pas demandeurs. Mais quand je peux faire plaisir à mon père ou ma mère, je le fais sans hésiter. Quitte à moi ne rien avoir derrière parce que leur faire plaisir à eux, c’est de toute façon me faire plaisir à moi. Et eux ont toujours tout fait sans se dire qu’un jour j’allais leur rendre la pareille. C’est ma façon à moi de dire merci, même si je veux toujours leur donner plus. Chaque chose vient à son rythme et j’espère qu’un jour, je pourrai vraiment leur donner ce que je veux vraiment.

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