Les Etats européens jugés trop laxistes contre le blanchiment d’argent

Après les nombreux scandales fiscaux qui ont éclaté ces dernières années, 2018 aura été le moment où l’UE s’est réveillée face à un autre mal qui la gangrène, malgré ses efforts : le blanchiment d’argent. Depuis le début de l’année, les scandales se sont en effet accumulés, principalement dans les petits pays de l’UE (voir ci-dessous). De quoi tomber de haut, pour les Européens, puisque l’encre de leur cinquième législation commune contre le blanchiment n’était pas encore sèche. L’arsenal de l’UE en la matière « n’a pas très bien fonctionné », reconnaît une source de la BCE. Malgré ses pouvoirs de supervision bancaire, celle-ci n’a pas d’attributions contre le blanchiment. Pourtant, d’où elle se tient, les flux qu’elle voit passer l’inquiètent. « On voit de petites banques dans de petits pays qui concentrent des montants importants de fonds étrangers (hors de l’UE, NDLR) et postent de larges bénéfices. D’où viennent ces fonds ? », s’interroge notre source. Mais la vraie campagne pour un changement de cap dans la lutte contre la fraude est surtout menée par l’Autorité bancaire européenne (ABE). Cette agence de l’UE veille à garantir la stabilité financière dans le marché unique. Sa principale tâche est d’adopter des normes techniques contraignantes qui précisent davantage les législations européennes en matière financière, afin d’enrober l’os de chair. Mais la lutte contre le blanchiment est l’affaire des autorités nationales. Et l’ABE veut que cela change. Réduire la marge des Etats Cela tombe bien, une discussion a justement été initiée entre Etats membres sur la révision des pouvoirs de ces agences indépendantes (ABE, autorité européenne des marchés financiers…). « Avec les problèmes que l’on voit à Malte, en Lettonie et en Estonie, l’ABE estime qu’il est nécessaire d’harmoniser davantage les pratiques. Dans ce contexte, elle juge qu’elle pourrait avoir plus de pouvoirs », nous explique une source proche des discussions. A ce stade, il n’y a pas d’entité européenne pour centraliser ou superviser la lutte contre le blanchiment, elle pourrait donc endosser ce rôle. [scald=23575229:sdl_editor_representation] Mais ce n’est pas tout. Elle voudrait également que l’UE abandonne la directive existante anti-blanchiment pour en faire un règlement. Cela a l’air technique, mais c’est d’une importance capitale. Avec une directive, les Etats membres ont une marge de manœuvre considérable pour interpréter les textes européens. Ainsi, par exemple, il appartenait aux Etats de définir quelles personnes avaient un « intérêt légitime » à avoir accès aux données sur les bénéficiaires effectifs des trusts et sociétés écrans, ces véhicules souvent utilisés pour dissimuler des avoirs ou des activités douteuses. Dans certains pays européens, cet « intérêt légitime » est défini si étroitement qu’il faudra une autorisation de justice pour y avoir accès. En juillet dernier, la Commission est aussi partie en guerre devant la justice européenne contre une flopée de pays qui n’ont tout bonnement pas transposé le texte dans leur droit national. Ils devaient le faire pour juin… 2017. Avec un règlement, aucune marge n’est laissée aux Etats membres pour l’interprétation d’un texte. Mieux, il est applicable tout de suite et de la même manière partout, sans besoin de transposition nationale. Prendre les mesures préconisées par l’ABE permettrait d’accélérer la lutte sans l’aide des maillons faibles, désespérément nombreux dans la team européenne.

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