Le cri de Jean Van Hamme pour le Kivu

Au Kivu, le malheur porte le nom de coltan, le minerai indispensable à la fabrication des puces électroniques, un composant clé de nos smartphones. Dans un pays divisé, livré au chaos, des groupes armés se financent en exploitant les ressources minières. Les Congolais ne perçoivent rien de cette manne financière. C’est dans ce décor de corruption et de violence, que Jean Van Hamme campe le destin de Violette, une jeune-fille de douze ans rescapée d’un massacre collectif, sauvée d’un viol par son frère, Jérémie. Il a fait la peau à son bourreau, le colonel Malumba, directeur de production de la Metalurco. Pour échapper aux représailles, Violette et Jérémie n’ont qu’un espoir : se réfugier à la clinique du Docteur Mukwege… [scald=23701263:sdl_editor_representation] Kivu précipite brutalement le lecteur dans le quotidien des hommes, des femmes et des enfants sacrifiés au profit des bénéfices de Metalurco, une multinationale fictive. Mais le héros caché de l’aventure crée par les auteurs belges Jean Van Hamme et Christophe Simon, le docteur Denis Mukwege, est lui bien réel. Il a fondé l’hôpital de Panzi, où il répare les corps mutilés des victimes de violences sexuelles avec l’aide du Docteur Cadière, chirurgien à l’Hôpital Saint-Pierre. Guy-Bernard Cadière est à l’origine du déclic de cette aventure humaniste. Montrer l’enfer du quotidien « Qui est au courant de ce qui se passe au Kivu ?, nous dit Jean Van Hamme, les yeux emplis d’émotion. Mon dentiste m’a fait rencontrer le docteur Guy-Bernard Cadière, qui m’a ouvert les yeux sur ce qui se passe là-bas. Il m’a proposé de raconter l’histoire de l’hôpital de Panzi mais je n’aime pas les BD didactiques. Je sentais pourtant qu’il y avait moyen d’écrire une fiction. J’ai imaginé le personnage de Violette, une fillette de douze ans qui a échappé à un viol grâce à son frère. Pour la sauver, il a tué le directeur d’exploitation d’une multinationale du coltan. Le Kivu est une terre agricole mais pour le malheur des habitants le sous-sol regorge d’une profusion de métaux rares. C’est le vécu, le ressenti de Violette qui m’intéressaient. J’ai choisi une fin positive mais tout le reste est terrifiant comme peut l’être la réalité. Au Kivu, les hommes capturés servent d’esclaves dans les mines. Les femmes sont violées, mutilées, y compris les gamines. Cela va au-delà du meurtre. Il s’agit de détruire le ciment de la civilisation, qui repose sur la famille. Au milieu de cette horreur, l’hôpital de Panzi est un début de solution non politique à une partie des problèmes. Il est l’œuvre d’un sauveur : Denis Mukwege, que l’on surnomme “l’homme qui répare les femmes”. Il a déjà vu deux fois sa tête mise à prix. » Eveiller les consciences Jean Van Hamme tente d’éveiller les consciences. Sa langue est crue, contrairement à celle des reportages dans les journaux ou à la télévision. Son scénario est un classique de l’aventure. Le dessin du jeune Christophe Simon s’inscrit dans la ligne réaliste de l’école belge du journal Tintin. C’est ce qui donne sa force au récit. « Le scénario de Jean est extrêmement efficace avec une densité d’informations inouïe, un style d’écriture classique qui me convient totalement. Je ne me suis mis aucune barrière graphique, confie Christophe Simon. J’ai d’abord cherché à rendre l’émotion. La tête du colonel Malumba, le violeur de Violette, n’est pas celle d’un méchant classique de bande dessinée. Il est vraiment méchant. Guy-Bernard Cadière m’a aidé à rendre les scènes d’opération à l’hôpital de Panzi le plus crédible possible. Je me suis aussi rendu sur place. C’était nécessaire pour bien comprendre la situation. J’ai vu des choses bien plus dures que ce que j’ai dessiné. » Au fond des cases, le trait de Christophe Simon ne triche pas. Le dessinateur a ressenti la douleur des Congolais. Il est revenu hanté par leurs témoignages. « Même si ce n’est pas ce qu’on appelle de la BD reportage, on attaque, précise Jean Van Hamme. On dénonce ce qui se passe en République démocratique du Congo. Les Nations-Unies devraient bouger. La Belgique fait aujourd’hui partie du Conseil de sécurité. L’hôpital de Panzi est protégé par des soldats tanzaniens et égyptiens des Nations-Unies mais sous les fenêtres, des flics du gouvernement de Kabila violent. On ne fait rien. Officiellement, le coltan est revendu au Rwanda qui n’en a pas un gramme dans son sol et n’a pas de mines encombrées d’esclaves sur son territoire. Le problème donc n’existe pas. En fait, Kivu raconte une histoire qui, aux yeux du monde, n’existe pas… » Exposition des planches originales de Kivu du 19 octobre au 24 novembre à la galerie Huberty & Breyne, 33 place du Châtelain, 1050 Bruxelles

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