Biennale de Venise: Alda Greoli persiste et signe

En juillet dernier, le cabinet de la ministre de la culture Alda Greoli annonçait que le duo d’artistes Harald Thys et Jos De Gruyter représenterait la Belgique à la prochaine Biennale de Venise. La semaine dernière, un groupe de professionnels du secteur (artistes, directeurs d’institution, commissaires d’exposition, galeristes) signaient une carte blanche dans La Libre Belgique et De Morgen, pour s’insurger contre ce choix, par la Communauté française, d’un duo d’artistes flamands. Depuis des années en effet, la Flandre et la Communauté française se succèdent à tour de rôle pour choisir l’artiste occupant le pavillon belge. Au fil des ans, pour ne pas être absent de cet événement majeur du secteur de l’art contemporain, la Communauté qui n’était pas au pavillon proposait un artiste dans le programme Off. Une double présence belge qui brouillait les choses pour le public et les professionnels étrangers tout en multipliant les coûts pour chacune des deux communautés. Dans le cadre de leur accord de coopération, Alda Greoli et Sven Gatz, ministres francophone et flamand de la culture, ont décidé de mettre fin à cette présence dans le Off et d’amplifier les collaborations entre les deux communautés. [scald=23729398:sdl_editor_representation] Si les signataires de la carte blanche ne remettent nullement en cause la qualité du travail des deux artistes choisis, ils s’inquiètent par contre du fait que ce choix puisse passer pour un désaveu des artistes francophones. Et ils remettent en cause la procédure de désignation, appelant à un choix plus directement assumé par la ministre. Avez-vous été surprise ou inquiète des réactions possibles en constatant que le jury avait choisi un duo d’artistes flamands ? Quand un avis d’un jury nous arrive, on examine toujours cet avis avec les mêmes règles que celles qui sont imposées au jury lui-même. Plus encore lorsqu’il s’agit, comme dans le cas présent, d’un marché public. A aucun moment, je ne me suis demandée si le choix des experts représentait pour moi un danger quelconque. Il respecte toutes les règles et donc je l’assume. J’ajouterai même que je le fais avec enthousiasme. Et je me réjouis que personne, même parmi ceux qui contestent ce choix, ne remette en cause la qualité du travail artistique du duo en question. Il est quand même curieux de voir un duo d’artistes flamands choisi par la Communauté française… Il s’agit d’un marché public avec un certain nombre de conditions. Parmi celles-ci, il fallait que les artistes aient été actifs sur le territoire de la Communauté française. Idem pour le ou la commissaire. C’est bien le cas pour Harald Thys et Jos De Gruyter qui vivent à Bruxelles et ont déjà exposé en Communauté française, tout comme leur commissaire. Je signale par ailleurs que le BPS 22 avait rentré une candidature (qui n’a pu être retenue en raison du non-respect des délais), concernant Kendell Geers, artiste sud-africain qui travaille chez nous. Et par le passé, qu’aurait-on fait si un Victor Horta, né à Gand, avait posé sa candidature pour la Biennale d’architecture ? Je redis que je ne veux pas m’enfermer dans une logique territoriale et je ne peux pas imaginer que le monde culturel puisse souhaiter un tel enfermement. D’autant que, par ailleurs, on ne cesse de se réjouir que notre pays, en particulier à Bruxelles, en Communauté française, ait une telle vivacité et que des artistes du monde entier viennent s’installer ici parce que c’est un espace de création particulièrement ouvert. Et d’un seul coup… on ferait quoi ? Une étude d’ADN pour déterminer l’origine des artistes ? Les signataires appellent notamment à un choix directement assumé par la ou le ministre de la culture comme en France… En 2013, l’artiste qui représentait la France était albanais (Anri Sala) et la même année, l’Allemagne avait choisi le Chinois Ai Wei Wei (NDLR : celui-ci figurait parmi un groupe d’artistes internationaux et les deux pays avaient échangé leurs pavillons respectifs appelant à une réflexion sur la notion même de pavillon national). On ne cesse de critiquer le côté désuet des pavillons nationaux et ici, on se rebiffe dès qu’on sort d’une logique territoriale. La culture me semble être un des garants essentiels de la démocratie et je ne crois pas que ce soit compatible avec un quelconque repli identitaire. De quand date le système actuel ? Il a été mis en place par Fadila Laanan qui a été confrontée deux fois de suite à des recours d’un artiste de la Communauté française qui avait posé sa candidature et n’avait pas été choisi. Dans le premier cas, il n’y avait pas de procédure clairement définie. La deuxième fois, elle avait mis en place une procédure qui a permis de réagir plus efficacement au recours déposé. Nous avons gardé ce système et l’avons conforté, afin que la procédure soit inattaquable. [scald=23729396:sdl_editor_representation] Vous n’êtes donc pas pour un retour à un système où la/le ministre choisirait un artiste directement comme le proposent les signataires de la carte blanche ? Les deux dernières fois où une ministre a fait cela, ça a conduit à des recours qui ont failli empêcher toute présence à Venise. Par ailleurs, on est sur un petit territoire où tout le monde se connaît. Je ne peux pas m’imaginer prendre une décision de ce type sans être conseillée par des experts du secteur. Il ne s’agit d’un choix du type « j’aime ou j’aime pas ». La question est de miser sur un projet d’envergure pour le pavillon, sur la qualité du projet artistique. Or, cette année par exemple, tous les dossiers étaient d’un excellent niveau. De quel droit pourrais-je, seule, décréter que c’est celui-ci plutôt qu’un autre. Il me semble important qu’il y ait des gens capables de faire le tri entre différents dossiers de qualité, pour proposer un choix sérieux et motivé. Vous savez, si je vais au théâtre voir un spectacle, en sortant, j’ai un avis sur celui-ci. Ca ne fait pas de moi une experte pour décider s’il faut ou non donner un contrat-programme à la compagnie concernée. Pour cela, il faut aller plus loin dans l’analyse et on a besoin d’experts. Autrement, c’est de l’entre-soi, le fait du prince. Les experts qui se sont prononcés sur ce dossier étaient au nombre de sept, tous bien connus dans le secteur, dont cinq francophones et deux néerlandophones. Vous souhaitez donc poursuivre avec ce système lors des éditions prochaines ? Bien sûr. Fadila Laanan l’a commencé, je l’ai poursuivi et consolidé. C’est un système qui fonctionne.

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