Emile Mpenza, invité foot du samedi: «Avec mon niveau, aujourd’hui, je serais au Real»

Emile, comment vous sentez-vous dans votre nouvelle vie d’entraîneur ? Bien. J’avais quelques appréhensions car c’est nouveau pour moi. Mais j’ai été bien accueilli et ça me plaît de voir qu’il y a beaucoup de travail à réaliser. L’Antwerp recommence de zéro, avec des jeunes qui n’ont pas encore le niveau pour se frotter à des équipes comme Bruges et Anderlecht. À moi de tenter à ma manière de les faire grandir. Quelle est votre fonction exacte ? Je m’occupe des attaquants dans les différentes catégories d’âge. Après le mois de décembre, le club va mettre sur pied une élite avec les meilleurs jeunes à chaque position. Je m’occuperai alors d’une dizaine de joueurs offensifs. Le club voit déjà maintenant quels joueurs il peut mettre à ma disposition. Avec Gil Swerts et Chris De Witte par exemple, plusieurs anciens professionnels sont là pour encadrer les jeunes. Était-ce une envie de longue date ? Je me suis essayé à beaucoup de choses depuis ma fin de carrière en 2014 mais quand tu es dans le milieu du football toute ta vie, tu te rends compte qu’y rester est ce que tu as de mieux à faire. Ailleurs, je sentais que je n’avais pas assez d’expérience, ce qui est logique. Je n’avais jamais pensé à entraîner puis Luciano (D’Onofrio) m’a contacté, je suis venu voir les jeunes au club et j’ai changé d’avis. Ceci dit, je me considère plus comme un formateur que comme un entraîneur. Je préfère ce terme-là. [scald=23762399:sdl_editor_representation] Vous retrouver sur le banc d’une équipe première à court terme n’est donc pas envisageable ? Non, je n’ai pas le coffre et la notoriété pour ça. Il faut être exigeant. Je ne dis pas que je suis cool mais je préfère comprendre les joueurs, qu’ils viennent parler avec moi. Un entraîneur doit également être un psychologue, il doit penser à ce qui est le mieux de manière individuelle. Et de toute façon, il était logique d’entamer ma nouvelle vie chez les jeunes. Même Zinédine Zidane, alors qu’il était au Real et aurait pu revendiquer le poste d’entraîneur principal directement, a préféré ne pas sauter les étapes. Peut-être que je vous dirai dans dix ans que je suis prêt pour franchir le cap mais ce n’est pas encore le cas. Possédez-vous les diplômes requis ? C’est paradoxal. Mon frère Mbo les a tous mais rêve plutôt de devenir dirigeant, à la Luciano. Moi, je n’en ai aucun mais me voici formateur (rires). Les sessions démarrent le 5 septembre et j’espère pouvoir raccourcir au maximum la durée de la formation pour être diplômé le plus vite possible. C’est important d’être sur le terrain tout en suivant les cours. Le football vous manquait-il ? Oui, surtout en période de match international, de Ligue des champions, de grandes affiches. Quand on est actif, on ne se rend pas compte de ce que signifie l’après-carrière. Quand tout s’arrête du jour au lendemain, on a très vite la sensation de manque. Depuis quelques semaines, je me réveille à nouveau avec le sourire. Vous êtes également consultant pour Eleven Sports. Tout à fait. Je me suis essayé au métier de journaliste radio mais ce n’était pas fait pour moi. Je tournais toujours autour du pot parce que je ne suis pas quelqu’un qui aime critiquer. Mais j’ai accepté de collaborer avec Eleven pour suivre quelques matches et je me suis senti à l’aise. Auriez-vous imaginé atterrir à l’Antwerp ? Oui bien sûr. Luciano connaît ma mentalité de travailleur et a directement pensé à moi. J’ai accepté pour lui mais aussi pour le club. Le stade est toujours rempli, il y a une vraie ferveur ici. Je me souviens de l’époque où le club évoluait en Coupe d’Europe. Et il m’a plutôt bien réussi, avec une victoire 0-4 avec le Standard lors de laquelle j’avais inscrit un doublé (sourire). L’Antwerp est ambitieux et l’arrivée de Dieumerci Mbokani vient combler un vrai manque. L’équipe défend très bien, encaisse très peu, mais avait besoin d’un joueur rapide, complet, précieux dans les reconversions offensives. Il l’a trouvé. Vous rapprocher du noyau A ne vous tente pas ? J’ai repris le sport avec les petits, je cours avec eux. J’ai dit à ma femme que dans deux mois j’aurai perdu dix kilos. Peut-être que je serai amené à rejoindre l’équipe A en tant que joker (rires). Plus sérieusement, je me suis remis dans la peau d’un footballeur et ça me fait le plus grand bien. [scald=23762399:sdl_editor_representation] En quoi votre carrière de footballeur vous sert-elle aujourd’hui ? J’ai commis des erreurs et j’ai compris très tard, vers 29 ou 30 ans, l’importance de la discipline. Ce n’est qu’après avoir eu ce déclic que j’ai réalisé mes meilleures saisons, au Standard et à Sion. J’essaye donc d’inculquer cette valeur aux plus jeunes, ainsi que le fait de ne jamais baisser les bras. J’ai côtoyé des joueurs bien plus forts que moi qui n’ont pas eu ma carrière. Ce n’est pas parce que tu es moins fort qu’un équipier que tu n’auras pas la chance de percer. Il faut juste travailler. Amener les jeunes très tôt vers le monde professionnel, est-ce une bonne idée ? Oui, pour autant qu’ils soient bien entourés et patients. Aujourd’hui, tu joues une demi-mi-temps et tu as l’impression d’avoir déjà dix matches dans le ventre. Vous reconnaissez-vous dans le football actuel ? Honnêtement, non, tant il a changé. Mais cela ne signifie pas que tout est moins bien. Aujourd’hui, les jeunes sont aux petits soins, on leur donne toutes les chances de réussir en leur offrant de meilleures conditions de travail et un bon encadrement. Si j’avais eu ça à mon époque, j’aurais peut-être pu évoluer à un niveau encore plus haut. À l’inverse, le nombre de matches officiels grimpe en flèche et je me dis que les joueurs ne sont pas des robots et qu’il y a un moment où ils ne parviendront plus à suivre le rythme imposé. Et l’argent a pris une place bien trop importante. Organiser une Coupe du monde avec 48 équipes n’a aucun sens, ce n’est que du business. Je ne suis pas non plus favorable à l’apport de la technologie. Utiliser un moyen pour voir si la balle a franchi la ligne de but ou pas, pourquoi pas. Mais je suis contre l’utilisation du VAR qui enlève toute la spontanéité du travail des arbitres. On va arriver à des matches de trois heures à force d’arrêter le jeu sans arrêt. Vous parlez du Mondial. Vous avez évolué en équipe nationale à une période intermédiaire, entre la génération de 1986 et l’actuelle. Est-ce frustrant ? J’ai quand même joué avec une bonne partie de l’équipe actuelle et avec des grands noms plus anciens comme Philippe Clement et Francky Van der Elst. Sans oublier Enzo Scifo, l’équipier qui m’a le plus marqué par ses qualités, sa classe et le volet humain. Le 5-5 aux Pays-Bas reste un souvenir incroyable, tout comme la victoire 1-3 en Turquie avec le triplé de Luis Oliveira. J’aurais aimé faire partie de l’équipe actuelle, qui sort d’une belle Coupe du monde mais tombée sur une équipe de France plus maline tactiquement, mais avec la concurrence, ça n’aurait pas été facile de jouer (rires). Vous avez connu une trajectoire particulière. Nourrissez-vous des regrets quand vous jetez un œil dans le rétroviseur ? Les gens me demandent pourquoi je n’ai pas plutôt été jouer dans tel ou tel club mais ce sont les présidents qui décident, pas moi. Avec mes performances de l’époque, je pourrais évoluer au Real ou au Barça facilement. À l’époque, ces clubs ne sont jamais venus frapper à la porte. Mon seul regret est d’avoir raté un transfert de Schalke à la Juventus car Rudi Assauer, le manager général du club allemand à l’époque, n’avait rien voulu entendre alors que Luciano avait tout réglé. J’ai commis des erreurs, j’ai pu compter sur la présence de Mbo à mes côtés pour me gérer, mais je suis content de tout ce que j’ai connu durant ma carrière, qui paraît déjà si lointaine…

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