Activités extrascolaires: «La vie nécessite des limites aux envies d’activités extrascolaires»

Des enfants aux multiples activités extrascolaires ? Isabelle Roskam connaît bien les dérives que cela peut engendrer. Cette professeur de psychologie à l’UCL tient aussi une consultation spécialisée en burn-out parental. Elle y entend les questionnements et les dégâts, tant chez les parents que chez les enfants, causés par des agendas trop chargés. [scald=23848653:sdl_editor_representation] Qu’est-ce qui amène un papa et une maman à inscrire leur enfant dès le plus jeune âge à plusieurs activités après l’école ? Les pères et les mères ont conscientisé les injonctions de la société pour être de bons parents. Elever son enfant aujourd’hui, c’est lui donner toute la stimulation lui permettant de s’épanouir pleinement. Les parents se retrouvent ainsi dans la volonté et dans l’urgence de ne rien louper qui puisse exprimer le plein potentiel de leur enfant, tant sur le plan artistique que sportif. Des clubs de sports et des ateliers d’éveil musical prennent ces enfants dès le plus jeune âge, partant d’une demande fondée sur cette idée : plus on s’y prendrait tôt et à fond, moins on risquerait de passer à côté d’un talent inné. Des parents en viennent même à culpabiliser de refuser des possibilités à leur enfant. Nous vivons à une époque où les parents trouvent que c’est mal de frustrer son enfant, de le castrer dans son envie de se développer. Dans ce contexte, qu’observez-vous en consultation ? Nous rencontrons des parents qui ont une vie impossible : ils ont plusieurs enfants ayant chacun plein d’activités à des endroits différents. Ils se retrouvent à jouer le taxi et à manquer de temps pour eux. Notre travail est de leur faire comprendre que poser des limites à leurs enfants ne revient pas à les castrer. Au contraire, la vie nécessite des limites aux envies. Au travers de leur éducation, les enfants doivent comprendre qu’ils ne peuvent pas multiplier à l’infini les activités. Les limites permettent à la vie en famille de rester possible, en n’épuisant ni les enfants, ni les parents. A défaut, on produit des enfants éternellement insatisfaits et source d’épuisement parental important. Apprendre les limites, cela consiste en quoi, dans le cadre des activités extrascolaires ? C’est apprendre à choisir et à se tenir à ses choix, compétence très importante dans la vie. L’enfant apprend ainsi à résister à son impulsivité et à projeter toutes les conséquences d’un choix pour lui et les autres. Par exemple, choisir une nouvelle activité et donc l’abandon une équipe sportive qui compte sur moi, cela a des conséquences pour moi mais aussi pour les membres de l’équipe et pour mes parents qui devront parcourir 20 kilomètres pour me conduire à la nouvelle activité. Inculquer cela à son enfant mène les parents à s’interroger sur les valeurs qu’ils souhaitent transmettre. Il ne s’agit bien entendu pas d’interdire aux enfants d’avoir des activités extrascolaires mais de les choisir correctement et d’en limiter le nombre. Ainsi, on défend cette valeur familiale : vivre du temps de qualité ensemble. On peut expliquer aux enfants qu’au-delà de s’épanouir chacun dans ses activités, il est précieux de se retrouver tous ensemble sans agitation permanente. Les enfants peuvent eux aussi se trouver sous pression… Effectivement, des enfants vont aussi au bord de l’épuisement car leurs activités extrascolaires peuvent prendre une dimension chargée de performance, de compétition. Ils se retrouvent finalement avec autant de contraintes qu’à l’école. Il ne s’agit par exemple plus seulement d’aller jouer au foot ; il faut faire partie des meilleurs afin d’être sélectionné pour le match du dimanche. L’enfant peut se retrouver face aux exigences du responsable de l’activité mais aussi de ses parents refusant qu’il ne fasse que la figuration au bord du terrain ou au fond de la salle de musique. Dans une société qui prône la performance et la compétition, c’est beaucoup plus valorisant d’avoir un enfant qui déborde d’activités. A contrario, c’est vécu comme un échec. Ne l’oublions pas : les parents se réalisent au travers de leur enfant… Comment éviter d’entrer dans l’engrenage de la performance ? On peut avoir des loisirs juste pour le plaisir, sans que cela rime avec la performance. On peut faire de l’équitation car on aime être en contact du cheval. Mais on n’est pas obligé de participer à tous les concours et d’essayer de les gagner. Le principe même du jeu, c’est qu’il n’y ait pas de finalité, si ce n’est la détente et le plaisir. C’est essentiel de transmettre cela à ses enfants. De même que l’importance d’avoir du temps mort pour trouver par soi-même ce que l’on va faire de son temps. Les parents remplissent tellement l’agenda de leurs enfants que ceux-ci ne savent rien faire d’autre que de se planter devant un écran quand ils ont une heure à tuer. Ils ne savent plus comment s’occuper. Certainement parce que l’ennui est déconsidéré… Ça dépend ce qu’on appelle « l’ennui ». On s’ennuie dès le moment où on ne sait pas quoi faire de son temps si quelqu’un ne vous indique pas comment le remplir. Pourtant, quand votre enfant est seul dans un jardin et qu’il a du temps devant lui, c’est génial de le voir capable de s’inventer un jeu. Cela m’est arrivé un après-midi de cet été : ma fille a spontanément organisé des musées sur les appuis de fenêtre avec des objets qu’elle avait ramassés. En consultation, je suis effarée de voir le nombre de parents culpabiliser quand ils ne s’occupent pas en permanence de leurs enfants à la maison. C’est comme si les enfants, par eux-mêmes, ne pouvaient jamais trouver de quoi s’occuper et explorer le monde par eux-mêmes.

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