Max Jadot (BNP Paribas Fortis): «Nous optons pour la prudence en matière de crédits immobiliers»

Max Jadot est ce genre de patron que l’on entend rarement. Qui se cantonne à son activité de CEO de la première banque de pays, plutôt que de commenter l’actualité. Sur la guerre à laquelle se livrent les banques belges autour des crédits hypothécaires et les risques qui en découlent, il était pourtant le premier à alerter le grand public. Les chiffres présentés à ce niveau pour les six premiers mois de l’année par BNP Paribas Fortis confirment ses précédentes déclarations. Vous êtes leader du marché et pourtant, au premier semestre, la croissance des prêts immobiliers aux particuliers est moins élevée qu’à l’accoutumée. Une démarche volontaire ? J’ai déjà dit il y a plusieurs années que la guerre commerciale autour des prêts logement est forte en Belgique. Ce qui est bien pour la clientèle et un peu plus difficile pour les résultats des banques. Le marché va rester très compétitif : les dépôts continuent à augmenter, les institutions bancaires belges sont solvables, liquides, avec l’argent déposé, elles doivent réaliser des activités. Or, chez nous, il n’y a pas énormément de produits financiers à forte croissance en dehors du crédit hypothécaire et du crédit aux entreprises… Par définition, certains acteurs vont continuer à participer complètement à la compétition. D’autres commencent à être plus prudents. Notre croissance ces six derniers mois est de 1,3 % sur les prêts immobiliers, c’est nettement moins que ce que nous enregistrions les années précédentes, soit environ 3 à 4 %. Vous vous protégez contre une prochaine hausse des taux sur les marchés ? Un jour ou l’autre, je ne sais pas quand, les taux d’intérêt vont remonter. A ce moment-là, vous aurez des dépôts à maturité d’un jour d’un côté de votre bilan et des crédits hypothécaires à 20 ans de l’autre, et il sera plus compliqué d’opérer une bonne gestion. Nous allons nous ranger du côté des entreprises prudentes. Notre diversification, internationalisation et notre qualité de services nous offrent la possibilité d’être très dynamiques sur le segment des prêts aux entreprises (+ 7 % au premier semestre, NDLR). La compétition sur ces crédits, à court terme cette fois, est forte également mais nous sommes leaders du marché. En d’autres mots, les gestions individuelles des banques vont être plus marquées à l’avenir. Qui dit croissance plus raisonnable, dit aussi freiner la consommation. Vous allez augmenter vos tarifs aux particuliers ? En réalité, il s’agit d’un phénomène très transparent. Les prix des prêts immobiliers sont publiés tous les jours, il existe de nombreux comparateurs. Or le Belge va toujours là où c’est le moins cher. Vous pouvez donc en tant que banque facilement orienter votre part de marché ! Vous savez également que la Banque Nationale de Belgique a pris des mesures pour contenir certains risques potentiels. C’est un phénomène qui va aussi commencer à se marquer. Certaines banques sur le marché belge sont moins diversifiées ou moins prudentes que BNP Paribas Fortis. Si les taux remontent, y a-t-il des risques de difficultés pour ces dernières ? Le secteur bancaire belge est solide. Mais il est aussi peu rentable. Je ne pense pas qu’il faut s’attendre à des risques majeurs sur notre marché mais à un impact sur la rentabilité, oui. Parmi les faits marquants de ces dernières semaines, il y a la dévaluation de la livre turque. A laquelle vous êtes exposée via votre filiale, la banque TEB (Türk Ekonomi Bankasi)… Nous détenons 48 % de la TEB et nos activités en Turquie pèsent 6 % de notre bilan. Oui, la situation est complexe dans le pays et le restera probablement durant les prochains mois. Mais la TEB est bien capitalisée, environ au même niveau que BNP Paribas Fortis, soit un ratio de 14 %. Elle est par ailleurs très liquide, sensiblement plus que BNP Paribas Fortis (le ratio de cette dernière est de 111 %, NDLR) ! Cette banque est gérée depuis longtemps par le même management, qui est habitué à faire face à des situations économiques et politiques complexes. Notre position en Turquie est donc sous contrôle. Cependant, si l’effet sur nos résultats était faible au premier semestre, il faut s’attendre à un impact sensiblement plus important durant les six derniers mois de l’année. La TEB enregistre toujours une excellente croissance de ses activités, nous continuons à y investir d’ailleurs de l’argent, mais la conversion des livres turques en euros nous coûte de l’argent. Et dans le cas d’un scénario catastrophe pour le pays ? Nous avons connu là-bas des crises très importantes et sur des périodes très longues : la TEB est passée à travers. Je ne me permettrais pas de faire de commentaire sur la situation future du pays. La digitalisation, c’est l’obsession des banques. Au niveau des canaux de distribution, comment se passe la mutation chez BNP Paribas Fortis ? L’utilisation de notre application a grimpé de 40 % sur douze mois et celle de notre réseau d’agences a diminué de 7 %. Le PC Banking enregistre une légère baisse également tandis que les contacts avec notre call center sont stables. Une telle croissance des canaux digitaux, cela laisse de moins en moins de place pour l’agence bancaire ? Au total, sur six mois, nous enregistrons 192 millions de contacts client, soit plus d’1 million d’interactions par jour (sous toutes leurs formes, y compris les consultations de solde, NDLR). Sur la période, les contacts en agence se chiffrent à 5 millions seulement. Cependant, ce canal reste important, indispensable même, puisqu’il fournit un service plus long et plus riche. La tendance en termes d’agences est par ailleurs la même qu’en 2017, on ne voit pas d’accélération de la baisse de la fréquentation. Mais votre réseau rétrécit (705 agences actuellement pour 678) à la fin de l’année et se franchise de plus en plus… Nous organisons notre réseau année par année, nous n’avons pas de plan à plus de 12 mois, c’est impossible, la technologie avance trop vite ! Ce qui est certain c’est que l’on s’adaptera à ce que veut le client. Nos collaborateurs sont nombreux à vouloir se franchiser, on remarque également une tendance au regroupement de plusieurs agences, deux ou trois, chez les indépendants. La franchisation, c’est un bon business pour eux et pour la banque. Robotisation et intelligence artificielle prennent de plus en plus de place dans le secteur financier. Quel est le sort à terme du personnel « administratif » ou « back-office » ? Chez nous, la diminution du nombre de collaborateurs n’est le résultat que d’une utilisation socialement responsable de la pyramide des âges, preuve que la transition fonctionne. Les gens qui n’entrent pas dans ces catégories, nous les formons et nous les encourageons une mobilité interne raisonnée. L’accord social court justement jusqu’à la fin de l’année chez BNPPF. Qu’y a-t-il sur la table du côté de la direction ? Les contacts avec les syndicats ont toujours été bons et je ferai tout pour qu’ils le restent. Mais nous négocions d’abord avec eux et, ensuite, nous annonçons les résultats. On parlera flexibilité, notamment. Tiens, vous allez rempiler pour un nouveau mandat ? Je serai effectivement candidat à ma succession en avril 2019. Le conseil d’administration tranchera.

Votre compte

Max Jadot (BNP Paribas Fortis): «Nous optons pour la prudence en matière de crédits immobiliers»

Découvrez la suite, 1€ pour 1 mois (sans engagement)

Avec cette offre, profitez de :

Le fil info

1 Commentaire

Aussi en Entreprises

Stoquart, l’entreprise de traduction qui grandit inlassablement

Entretien Georges Gilkinet sur la hausse des prix des tickets de train: «Ce n’est pas un choix politique, mais l’application du contrat de gestion»

Liège Airport: le gouvernement wallon s’accorde sur le renouvellement du permis unique de l’aéroport

Renouvellement du permis de Liege Airport: pourquoi ça bloque

La Belgique va perdre une de ses bières trappistes: quelles conditions une trappiste doit-elle remplir?

Allez au-delà de l'actualité

À la Une

Attaque au couteau à Schuman: trois blessés, dont l’un grièvement

Portrait Procès des attentats de Bruxelles: Ibrahim El Bakraoui, vie et mort d’un fanatique ultraviolent

Peter Bosz est l’autre candidat pour succéder à Roberto Martinez

Bruxelles: le secteur non-marchand va exprimer son ras-le-bol dans la rue

Manifestation à Bruxelles: voici les perturbations attendues ce mardi

Les Etats-Unis ne donneront pas d’avions de combat F-16 à l’Ukraine

L’indemnité vélo pour tous les travailleurs belges dès le mois de mai

Quels sont les avantages du travail intérimaire ?

Température du bureau et pause sanitaire : vos droits en tant que travailleur

Les sections du site

Les services

Groupe Rossel