«Un film sur toutes les femmes»

Pour son premier long-métrage, le Brésilien Gustavo Pizzi met en images une histoire de tous les jours, une histoire de famille et une histoire de femme – ses aspirations, ses peines, ses émotions. Et parvient à sublimer des sentiments communs à toutes les mères du monde. [scald=23869077:sdl_editor_representation] « Benzinho » pourrait être un documentaire… Merci, c’est un compliment pour moi. J’ai essayé de regarder à l’intérieur de la tête des personnages et de transformer en images une histoire de tous les jours. C’était un énorme défi parce qu’il est très difficile de rendre les choses simples à l’écran. Vous vouliez rester accroché au réel ? Oui et c’est quelque chose qui n’est pas aisé à faire au cinéma. Faire en sorte que le spectateur ressente les sensations des personnages, ces sentiments d’amour que l’on connaît tous. Mais il y a aussi des moments plus poétiques, des pauses qui permettent de réfléchir aux personnages, à leurs émotions, à leur situation. Comment vous est venue l’idée de cette histoire de famille ? Quand j’ai eu mes enfants. C’est la première fois où j’ai repensé au moment où j’ai quitté la maison. A l’époque, je ne pensais pas à mes parents et aux personnes que je laissais derrière moi. Je ne pensais qu’au futur qui m’attendait. Mais à la naissance de mon premier enfant, pour la première fois, je me suis retourné sur le passé et je me suis rendu compte que ça avait dû être très difficile pour mes proches de me voir partir. Et j’ai pensé au moment où mes enfants voudraient quitter la maison. Vous travaillez étroitement avec votre femme (Karine Teles, co-scénariste et actrice principale du film). Est-ce aussi un film sur elle ? Pas exactement. Benzinho est un film sur toutes les femmes. Dans le film, Irene voit son fils partir et meurt un petit peu à l’intérieur. Elle lutte pour avancer dans sa vie, des petites luttes du quotidien au niveau familial, professionnel. Son mari est présent, c’est une bonne personne, mais il ne fait qu’aider. C’est à la femme de faire en sorte que le foyer tourne. Je pense que c’est une situation générale en Amérique latine et dans beaucoup de parties du monde, c’est le poids du patriarcat qui pèse sur les épaules de tellement de femmes… S’agit-il également d’un film politique ? Oui. En arrière-fond, il y a la situation économique du pays qui se dégrade. Cette femme essaie de terminer ses études et de trouver un job alors que la crise économique s’est emparée du Brésil. C’est un énorme défi. Cette famille est typique de celles qui avaient beaucoup de possibilités du temps de la présidence Lula, mais aujourd’hui, c’est terminé. Elle doit lutter sans cesse. Les gens pauvres souffrent toujours plus que les autres. La situation politique au Brésil vous inquiète-t-elle ? Enormément. On ne sait pas ce qu’il va se passer. Nous avons un gouvernement qui n’est pas élu démocratiquement. Dilma Rousseff, qui avait succédé à Lula, a été destituée sans qu’il n’y ait aucune preuve formelle qui justifie un tel acte et Lula est en prison, là aussi sans véritable preuve contre lui. C’est une décision politique. Les élections sont dans un mois. Nous sommes très inquiets pour le futur. Est-ce facile de trouver les financements pour réaliser un film dans ces conditions ? Ce n’est jamais simple. C’est comme partout. Ce serait plus facile si on faisait un film à but commercial. Cela dit, nous sommes très heureux des résultats de Benzinho . Le film marche très bien au Brésil, mais aussi en Espagne. Il est sorti au festival de Sundance, ce qui nous a permis de le vendre dans une vingtaine de pays. Les festivals internationaux sont très importants, ils offrent les meilleures possibilités pour qu’un film comme celui-ci soit distribué dans le monde.

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