Tim Wellens: «Les courses au Québec m’inspirent»

Tim Wellens n’a manqué aucune édition des classiques du Québec depuis qu’il est professionnel. Il a posé pour la septième fois de rang les pieds sur le sol canadien pour y disputer deux épreuves qu’il adore (GP du Québec vendredi, GP de Montréal dimanche). Vainqueur à Montréal en 2015, le Limbourgeois aborde la fin de saison avec énormément d’ambitions et d’enthousiasme, en finale d’une année 2018 très riche pour lui, avec la perspective, aussi, d’endosser un rôle essentiel pour l’équipe belge aux Mondiaux d’Innsbruck (30 septembre). Tim, vous avez préféré les classiques canadiennes à la Vuelta, où figurent beaucoup de candidats aux Mondiaux. Pourquoi ? Pour rien au monde je ne manquerais les courses à Québec car les deux courses me plaisent ardemment. Je n’y conserve que de bons souvenirs. L’environnement est optimal pour les coureurs, l’hébergement est somptueux, les conditions de travail exemplaires. On me dit souvent que j’ai des goûts de luxe, c’est un peu vrai en ce qui concerne les hôtels. J’estime que notre métier est suffisamment exigeant pour qu’on puisse bénéficier d’un confort nécessaire à notre récupération, notre bien-être. Au Canada, les organisateurs ont compris cette évidence. L’idéal serait qu’il en soit ainsi partout. À l’approche d’un Mondial aussi sélectif que celui d’Innsbruck, il semblait pourtant que la Vuelta était un passage obligé ? Sans doute ne suis-je pas comme les autres ? Le Tour d’Espagne ne m’inspirait pas, pas seulement à cause de la chaleur. Ensuite, je n’ai pas besoin de beaucoup rouler en compétition. Quand j’étais plus jeune, je pensais que le nombre de jours de course déterminait la qualité de ma condition. C’était une erreur. D’autres ont besoin d’être en course souvent. Moi, après une coupure je m’entraîne et, quand je prends le départ, ce n’est pas pour préparer la course suivante, c’est pour gagner. Après mon refroidissement à Paris-Nice, mon épreuve de rentrée était la Flèche brabançonne et je l’ai remportée. Idem en juillet au Tour de Wallonie. Enfin, je ne suis pas au Canada pour préparer les Mondiaux mais pour tenter de ramener un bouquet. Innsbruck, c’est dans plus de trois semaines. Je me suis fixé trois objectifs : le Canada, les Mondiaux et le Tour de Lombardie, une autre classique qui me plaît, pour conclure en beauté. Je débute par deux courses qui m’inspirent au Québec. Votre victoire à Montréal sous un déluge avait marqué les esprits en 2015. Elle reste importante pour vous ? Très, puisque c’était ma première victoire dans une course d’un jour classée en WorldTour et cela l’est toujours (rires) ! Ce jour-là, Tom Boonen avait dit qu’il avait vécu la pire course de sa carrière. Cette réflexion avait renforcé mon sentiment par rapport à ma performance. Le parcours de Montréal me convient davantage, il est plus sélectif mais j’aime aussi la course de Québec (cinquième en 2017) où il y a plus de virages, où il convient d’anticiper pour éviter le sprint des puncheurs. Dans un groupe de 30, je n’ai aucune chance. Pourrions-nous dire que c’est votre saison la plus complète ? J’ai sept victoires, comme l’année passée, mais la saison n’est pas finie. Il en faudrait une huitième pour déclarer qu’elle est plus complète. Ce qui est certain, c’est que je roule plus lucidement. J’attends la finale plutôt que d’attaquer trop tôt ou à mauvais escient. L’expérience m’apporte plus de force et de sérénité. Le fait d’habiter à Monaco a aussi contribué à améliorer vos entraînements ? Certainement. Là-bas, on peut s’entraîner l’hiver avec le sourire, sans être obligé de prendre un VTT. Je roule le plus souvent seul, même si nous sommes 47 coureurs professionnels sur le Rocher. Je préfère, car je peux imprimer le rythme que je souhaite derrière le scooter piloté par ma copine (Sophie, qu’il épousera en octobre ou novembre 2019). Quel sera votre statut aux Mondiaux car, depuis plusieurs années, la sélection tournait autour de Boonen, Gilbert ou Van Avermaet ? La question est compliquée car le parcours est différent des standards que l’on connaît au Mondial. Je ne peux pas prétendre à un statut de leader comme pouvait le faire Boonen au Qatar par exemple. Lorsque le circuit est plat, c’est une évidence, le meilleur sprinter d’une sélection est protégé. Quand le parcours est sélectif, un leader n’a pas besoin d’équipiers autour de lui, ils ne l’aideront pas à monter plus vite. En côte, c’est moins tactique, la sélection se fait par l’arrière. Je ne nie pas pouvoir revendiquer un poste à protéger mais nous serons plusieurs dans une équipe qui ne part pas avec le statut de favori mais avec la possibilité de gagner. Et je fais partie de ces vainqueurs potentiels. C’est difficile de parler d’une sélection qui n’est pas encore officielle (elle le sera lundi) même si… je la connais ! Vous semblez éviter de parler du sujet de leader. En course, cela ne se ressent pas, ou alors vous agissez discrètement ? Un leader c’est celui qui roule pour gagner, pas pour une deuxième place ou juste pour terminer. La discrétion, c’est la meilleure arme. Je suis partisan des décisions prises en course, quand celle-ci devient décisive. Ici, au Québec, je suis le leader naturel de l’équipe Lotto-Soudal par rapport à mes qualités. L’année dernière, nous étions dans la finale avec Tiesj Benoot et nous n’avions pas « choisi » un leader, c’était peut-être une erreur. Nous en avons longuement discuté durant l’hiver. La répartition des missions entre nous et nos calendriers ont éclairé les choses. Puis Tiesj a gagné sa grande course, c’était important, car on ne devient leader que si on gagne. C’est une évidence et un signe rassurant pour les équipiers. Vous aimez les coups qui partent de loin. On peut imaginer un tel scénario aux Mondiaux ? Surtout ! Dès lors qu’il n’y a pas un nom, même un pur grimpeur, qui se détache sans aucune discussion dans une sélection, la course peut s’ouvrir très tôt. Quelques pays auront plusieurs grimpeurs, comme la France. Si une échappée part avec une dizaine de types de dix pays, la poursuite risque d’être compliquée. Ce sera intéressant. Le circuit ressemble à la course de Montréal, mais il est forcément plus long par sa distance et, par conséquent, plus difficile. Que représente pour vous un championnat du monde ? Jusqu’ici, je n’ai que deux expériences, à Ponferrada (2015) et à Bergen (2017). En Espagne, j’avais été ému par la gentillesse de Boonen et de Gilbert qui m’avaient accueilli chaleureusement, alors que nous étions tous concurrents par équipe interposée. L’esprit collectif est capital en sélection, par rapport aux egos. Quand j’étais petit, j’estimais que le maillot le plus magique, c’était le maillot jaune. Adulte, je constate que la seule tunique que je pourrais éventuellement porter à cet échelon de notoriété, c’est l’arc-en-ciel. Or, mon premier souvenir, c’est Cipollini, en 2002, et le trouvais très beau ! Dernière chose : Lotto enregistre beaucoup de départs pour 2019. Cela vous inquiète ? La qualité des noms sur la liste des partants répond à votre interrogation. Il est clair que notre équipe sera moins forte la saison prochaine.

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