Blanchiment: l’UE va scruter les États-Unis et la Russie

A Vienne Les prochains mois s’annoncent chargés, en matière de lutte contre le blanchiment d’argent. D’une part, la Commission européenne a arrêté une liste de pays prioritaires sur lesquels elle compte se pencher pour établir sa prochaine liste noire des juridictions à hauts risques en la matière, dont la Russie et les États-Unis en priorité. D’autre part, les ministres européens des Finances ont reconnu, depuis leur réunion à Vienne, vendredi, que le cadre anti-blanchiment tout juste renforcé était loin d’être infaillible. Début de la semaine, le parquet néerlandais annonçait qu’ING Bank à Amsterdam avait accepté de payer 775 millions d’euros (dont 675 millions d’amende) au terme d’une enquête sur ses manquements à la prévention du blanchiment d’argent. Ce cas est loin d’être isolé cette année en Europe, où des pratiques sulfureuses ont aussi été dénoncées chez ABLV Bank en Lettonie, Pilatus à Malte et une filiale estonienne de la Dankse Bank. « Toujours des failles » « Ces récents développements montrent que nous devons collectivement faire plus dans ce domaine que ce que nous faisons actuellement », a dit Mario Centeno, le président de l’Eurogroupe, cénacle des ministres de la zone euro, vendredi depuis Vienne. « Notre cadre a été considérablement renforcé mais il a toujours des failles », a-t-il constaté. « Nous avons vu certains cas récemment où les questions de blanchiment d’argent ont compromis le fonctionnement et même la viabilité de certaines banques », a surenchéri Benoît Coeuré, membre du directoire de la Banque centrale européenne (BCE). ABLV a été mise en faillite par la BCE au début de l’année, en raison de l’hémorragie provoquée par la décision américaine de la désigner comme institution financière « de première importance en matière de blanchiment ». Coeuré a insisté sur le besoin de davantage coordonner la lutte, probablement au moyen d’une instance européenne de surveillance des banques sur le plan du blanchiment. L’autorité bancaire pourrait être une option (Le Soir du 23 août). Le commissaire aux Affaires économiques et financières, Pierre Moscovici, a quant à lui précisé que la Commission était disponible pour présenter une proposition avant la fin de son mandat. Selon nos informations, une initiative pourrait être prise dans les prochaines semaines. 85 pays du monde dans le viseur La Commission a aussi lancé un processus visant à mettre à jour sa liste noire liée à la législation européenne anti blanchiment, accusée par les eurodéputés de copier bêtement les conclusions du GAFI (le groupe d’action financière, une instance internationale). Après avoir recoupé les données d’Europol, du FMI, du GAFI et tenu compte de l’importance de certaines économies du monde pour l’UE, elle a donc isolé 85 pays à analyser en 2018-2019. Font partie de son cru prioritaire, dont Le Soir a eu copie : les Etats-Unis, la Russie, la Chine, Singapour, la Suisse, la Turquie, l’Arabie Saoudite ou encore les Bahamas. Les Etats doivent approuver cette liste la semaine prochaine. La liste noire qui sera dressée après cette analyse est plus qu’un tigre de papier : les banques européennes doivent notamment pouvoir établir les bénéficiaires, tracer l’origine des fonds, ou encore les raisons de la transaction. Les Etats membres sont aussi encouragés à refuser l’établissement de filiales des banques de ces pays sur leur territoire. Contrairement à la liste noire des paradis fiscaux, il s’agit donc bien plus que d’un dommage réputationnel de s’y retrouver inscrit, comme en témoigne d’ailleurs l’intense lobbying de la Tunisie, il y a quelques mois. Le pays avait tenté d’inciter les eurodéputés à supprimer son nom de la liste, en les tentant avec des dattes et de l’huile d’olive. Des entreprises tunisiennes ont depuis traîné la Commission devant la justice européenne pour avoir ajouté le pays à la liste.

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