Thomas Meunier au «Soir» après le Mondial: « Au PSG, on m’a dit qu’on méritait de battre la France »

Le 5 septembre, Thomas Meunier est d’une humeur mélancolique. Ce jour-là, son fils rentre à l’école pour la première fois et il râle de n’avoir pas pu se libérer. Finalement, il recevra son bon de sortie le lendemain pour le conduire à sa 2e journée. Moins de deux mois après la fin de la Coupe du monde, le joueur du PSG a accepté de revenir sur cette épopée et de préfacer la nouvelle Nations League qui débute ce mardi. Thomas Meunier, qu’est-ce qui vous permettait avant la Coupe du monde d’afficher une telle confiance ? J’étais conscient des qualités de ce groupe. Quand je disais qu’on allait en Russie pour les demi-finales, ce n’était pas une blague. J’étais certain qu’on allait y arriver. Il y a deux ans, on avait déjà ce noyau, mais il n’y avait pas encore ce liant qui nous a menés si loin en Russie. L’arrivée du nouveau staff a consolidé l’équipe nationale. Et puis, il y a eu une prise de conscience chez certains qu’il s’agissait d’une dernière chance. Comment avez-vous vécu cette épopée ? On a continué sur la lancée de la campagne qualificative, avec beaucoup de sérénité et d’envie. Il y avait une soif de vaincre indéfinissable. Les entraînements ou le coaching ont toujours été très adultes et réfléchis. Tout cela est sans doute lié à la maturité. Avez-vous profité de vos résultats ? Oui, pleinement. Moi, j’étais triste de quitter la Russie. J’aurais aimé rester dans cette ambiance de tournoi pendant encore quelques semaines. C’était une super-expérience. On sentait qu’on vivait quelque chose de fantastique. Ce n’est pas donné à tous les footballeurs de faire partie d’un groupe qui a la capacité de gagner la Coupe du monde. Avez-vous douté durant le tournoi ? Le seul moment où on aurait pu douter, c’était à 0-2 contre le Japon. Mais, même là, je n’ai pas été surpris qu’on ait renversé la situation. A 1-2, j’ai senti qu’il pouvait se passer quelque chose. Certes, je ne m’attendais pas à gagner sur la fin, je voyais davantage la prolongation ou les tirs au but. Mais l’état d’esprit ne m’a pas surpris. C’est là qu’on voit la différence par rapport aux autres tournois. Au lieu de s’effondrer comme il y a deux ans, on y a cru. Cette capacité de renversement est devenue un atout majeur. Comment expliquez-vous cette première heure face au Japon ? On a peut-être sous-estimé l’adversaire. Comme je l’ai dit à l’époque, si on perdait ce match, on n’aurait pas osé atterrir à Bruxelles mais à Francfort et on se serait tiré directement en vacances. Cela aurait été catastrophique, sans doute la plus grosse déception de l’histoire du football belge. Est-ce que cette réflexion a pu pousser le groupe dans ses derniers retranchements ? Oui. On n’avait pas envie que ce match nous poursuive toute notre carrière. Et puis, derrière, il y a cette qualification contre le Brésil… On n’avait pas été impressionné par leurs matchs de poules. Le Brésil gagnait, mais n’était pas dominateur. Il y avait des erreurs défensives, ils éprouvaient du mal à trouver la faille avant les fins de rencontre. Beaucoup d’individualités, mais un bloc collectif pas encore rodé. Le Brésil n’était pas inspiré et on en a profité. On a très bien géré la rencontre, avec deux buts en contre et en bloquant défensivement. On savait aussi que l’absence de Casemiro, le gars qui régule tout, leur serait préjudiciable. A vos yeux, était-ce votre meilleur match du tournoi ? Oui, car il y avait un réel challenge avec Neymar. Eliminer le Brésil, c’est juste incroyable : c’est l’équipe que tu supportes quand tu es petit. Avez-vous douté d’être à la hauteur face à Neymar ? Toute la semaine, on m’a charrié à table avec Neymar. Le coach m’a même appelé la veille de la rencontre pour savoir si ça allait. Je lui ai répondu : “ Vous ne pouvez même pas douter. Neymar, je le connais, ça fait un an que je joue avec lui, je sais comment il fonctionne. ” J’ai totalement confiance dans mes capacités. Et de fait, j’ai probablement joué le meilleur match de ma carrière sur le plan défensif. Je me suis sacrifié pour l’équipe, j’étais frustré de ne pas avoir pu monter plus de deux fois sur le match, mais j’ai pris vite conscience, avec le résultat, que c’était plus important de travailler pour les autres que pour moi. La défaite contre la France était-elle inéluctable ? Il n’y avait qu’une équipe qui pouvait nous battre : la France. C’était très frustrant de jouer face à eux. Nous, on voulait un match avec deux équipes. Or, sur le terrain, il n’y en avait qu’une désireuse de développer un jeu offensif et d’apporter de l’intensité et du spectacle. La France a joué de manière très intelligente, en faisant de la gestion pendant toute la rencontre, avec un bon bloc défensif. On ne s’attendait pas spécialement à ce type de jeu. On pensait que la France allait sortir davantage. Avec un bloc haut, elle nous aurait sans doute laissé plus d’espaces, mais on aurait pu aussi prendre très cher vu les individualités qu’elle possède. Ne vous êtes-vous pas trop focalisés sur les points forts des Français ? C’est naturel. Se concentrer sur l’adversaire ne doit pas t’empêcher de développer ton jeu. Sauf si tu te concentres sur ta tâche défensive. Mais jamais le coach ne nous a demandé de nous focaliser sur l’adversaire. Dans quel état d’esprit sortez-vous de ce match ? Frustrés ou fatalistes ? Si on peut relever un seul défaut de notre parcours, c’est qu’on a tendance à jouer encore un peu trop la sécurité défensivement. Quand tu mènes, cela ne pose aucun problème. Mais, à 0-0, on doit jouer avec un bloc plus haut. Ce n’était pas toujours évident de trouver l’équilibre parce qu’avec une attaque adverse rapide, tu ne veux pas te retrouver avec 50 mètres entre ton gardien et toi au risque de te faire prendre de vitesse. Le profil de l’équipe de France est difficile à calculer et contrer. Etiez-vous cuits mentalement après avoir encaissé le but d’Umtiti ? Des tribunes, j’avais l’impression que le bloc paraissait infranchissable et très bien organisé. En voyant cela, une sorte de désespoir s’est installé. Notre seule chance était d’apporter des centres et du poids dans leur rectangle pour la tête de Fellaini. Ce que je trouve éblouissant dans la façon de travailler de Deschamps, c’est qu’il soit parvenu à rallier à sa cause des attaquants comme Mbappé ou Griezmann. En fin de match, Giroud faisait du marquage individuel sur Witsel ! Le gars, il est numéro neuf ! Comment avez-vous vécu le fait de manquer cette demi-finale ? J’étais déçu et démoralisé. Ma fraîcheur et ma motivation auraient pu apporter quelque chose à l’équipe. Le match pour la 3e place peut vous paraître du pipeau, mais, pour moi, c’était très important. Je voulais finir sur une bonne note. Perdre en trois jours face à la France et l’Angleterre aurait tout gâché. Sur le plan individuel, avez-vous eu l’impression d’être monté en puissance au fil des matchs ? Non, j’étais tellement concentré que j’ai abordé mes matchs de la même façon, avec la même envie. On peut avoir cette impression car, au fur et à mesure du tournoi, on rencontrait des équipes qui acceptaient d’ouvrir le jeu, comme le Japon, le Brésil ou l’Angleterre. On ne pouvait pas douter de mon implication, mais je suis défenseur, je dépends beaucoup du bloc équipe. Mes prestations doivent toujours être jugées à l’aune de mes coéquipiers. Quand ils sont à 100 %, je serai à 100 %. Dans les amicaux avant la Coupe du monde, je ne pouvais pas jouer le jeu car Mertens en gardait sous la pédale et qu’il a une énorme importance sur mon jeu. Je suis totalement dépendant de Mertens, Hazard ou Lukaku. Et s’ils calculent, je suis foutu. Mais on savait que les calculs prendraient fin dès l’entame du tournoi. Vous n’avez pas craint d’entamer le tournoi sur le banc ? Non, car j’étais frais et mes data physiques bons. Est-ce facile d’évoluer dans un club français après la Coupe du monde ? Les cinq premières personnes croisées à la reprise des entraînements du PSG m’ont dit qu’on méritait de gagner. Mes coéquipiers ont été très bons joueurs. Ils ne me charrient pas trop car ils se sont bien rendu compte que la Belgique était bien plus qu’un outsider. Après, parfois, dans la salle de kiné, on me lance – ce n’est que pour les champions du monde, ici. Mais cela reste bon enfant. Qu’attendez-vous de la Nations League ? Du positif. Il y a encore une osmose et une vague positive dans le groupe. Venons-en à votre club. Quels sont vos objectifs au PSG après une année frustrante ? Le nouveau staff cherche encore la bonne tactique pour l’équipe. Tuchel aime jouer à trois derrière, ce qu’il ne peut pas encore vraiment faire. Or, dans cette configuration à trois, je pense avoir toutes mes chances. Il y aura une tournante, mais je suis aussi motivé qu’à la Coupe du monde pour rester titulaire. La blessure de Dani Alves me permet de jouer, mais rien ne dit qu’à son retour, je continuerai. Avez-vous pensé relever un autre défi cet été ? Non. Je connais la situation. Les chances étaient très minimes de quitter le club, donc tu n’y penses pas. Je ne suis pas stupide : quand il te reste deux ans de contrat, que Dani Alves se fait les croisés, et qu’il n’y a pas de back-up, tu sais que jamais le club ne te lâchera. Et puis, je n’ai pas encore l’impression d’avoir fait ce que j’avais à faire avec le PSG. Ma première saison d’adaptation s’était bien déroulée. Puis, alors que je m’attendais à avoir plus de crédit, c’est l’inverse qui s’est passé. Mais cette 3e saison part sur de très bonnes bases. Le PSG ne réussira sa saison que s’il va loin en Ligue des champions ? Non. Selon moi, l’objectif reste les compétitions nationales. Ne pas être champion de France constituerait une catastrophe. Il y a deux ans, personne n’attendait Monaco. Le problème, c’est que les médias français ne nous jugent que sur la Ligue des champions. Si on ne fait pas le job sur le plan national, on nous tue. Et si on ne gagne pas la Ligue des champions, on nous tue. Le PSG est dos au mur. On a le groupe pour faire de bonnes choses en Ligue des champions, mais je ne m’aventurerai pas à dire que le PSG ne mise que sur elle cette saison.

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