«Unrest», un dialogue photographique

Des femmes, des hommes, des enfants en quête d’eau pour survivre aux quatre coins du monde, des migrants en Serbie, au Liban, en France, des lieux invitant au calme et à la communion avec la nature, des mouvements de résistance populaire… ce sont là quelques-uns des thèmes abordés par les photographes du collectif MAPS dans l’exposition Unrest qu’ils présentent actuellement à De Markten. Un tour d’horizon de l’état d’un monde agité, se défiant des habitudes de la photographie documentaire. Invalid Scald ID. Un parcours en dialogue Les photos ne sont pas rassemblées par auteur mais dialoguent entre elles sur deux étages, créant des chocs visuels, prenant parfois un sens nouveau et baignant dans la création sonore immersive composée par Dago Sondervan. Elles ne sont pas non plus légendées laissant au visiteur le soin d’établir les concordances, de devenir lui-même acteur du dialogue par le biais de son regard et de son imaginaire. Pour en savoir plus, il suffit toutefois de se plonger dans le petit journal servant de catalogue en trois langues. Tous les photographes y sont présentés et chaque image est légendée, dans le même ordre que le parcours de l’exposition. Avec en ouverture un texte de l’écrivain Laurent Gaudé qui, sans aucun didactisme, permet de mieux comprendre la démarche du groupe. Au fil des semaines, des rencontres, conférences avec Géopolis, lectures, et autres workshops seront aussi proposés de même qu’un concert de la pianiste Heleen Van Haegenborgh interprétant une composition créée spécialement pour l’occasion. Le trio belge Cette manière de faire inhabituelle est déjà une des marques de fabrique de MAPS, apparu pour la première fois en septembre 2017, à Perpignan, à l’occasion de Visa pour l’Image, grand-messe annuelle du photojournalisme. À la base de ce nouveau collectif, trois photographes belges, Gaël Turine, Cédric Gerbehaye et John Vink, complices depuis de nombreuses années. « Nous voulions reprendre les rênes de nos projets, explique Gaël Turine. Et trouver d’autres manières de faire dialoguer différentes formes d’expression en plus de la photographie documentaire : le graphisme, la musique… Puisque la presse n’est plus notre principal producteur, il faut trouver d’autres voies. Un groupe de départ s’est formé avec plusieurs membres de l’Agence Vu qui avaient la volonté de monter au créneau. Créer une nouvelle agence alors que tant d’autres ferment, c’est un vrai challenge. Dès le départ, on s’est dit que si on voulait trouver une plus-value, il fallait intégrer d’autres gens qui ont déjà une longue expérience du travail avec les photographes, sans l’être eux-mêmes. » Sortir du cadre photographique Très tôt, plusieurs personnes, spécialistes de leur secteur, sont donc intégrées à la réflexion sur ce nouveau projet : « Nous avons une personne qui vient du monde des ONG pour organiser des collaborations avec celles-ci. Elles sont de plus en plus présentes dans la production de projets photographiques ou autres, explique Cédric Gerbehaye. Par ailleurs, il y a tout un volet éducationnel avec des projets de formation, par nos photographes et nos créatifs. Sans oublier une partie éditoriale puisque l’on veut toujours fournir des sujets à la presse. » Court et long terme Ce dernier domaine a longtemps été la source de revenus quasiment unique des photographes documentaire. « On a eu un débat pour savoir s’il fallait poursuivre dans cette voie, explique Gaël Turine. Nous sommes tous des photographes documentaires, travaillant sur le long terme. La presse reste pour nous le secteur sur lequel on peut le plus compter afin d’assurer le financement de nos projets. En presse, on réalise le travail et on publie. C’est du court terme. Nos autres projets prennent plus de temps. » Un collectif international Forte d’une quinzaine de photographes, la nouvelle agence rassemble des personnalités fortes et travaillant sur des thématiques et des manières de faire très différentes. Outre les trois Belges, on y trouve des artistes comme le Franco-Suisse Matthieu Gafsou (notamment connu pour son impressionnant travail sur le transhumanisme récemment montré à Arles et à Bozar), le Suisse Christian Lutz (actuellement exposé à la Collection Lambert à Avignon avec ses séries sur les lieux de pouvoir et sur une église évangélique) ou encore la Polonaise Justyna Mielnikiewicz dont le remarquable travail sur l’Ukraine a été montré dans diverses manifestations. Le collectif s’enrichit ainsi de l’écriture et de la personnalité de chacun mais aussi de ses réseaux. Sa provenance géographique allant de Suisse aux Philippines en passant par le Canada, le siège étant basé à Bruxelles. Des membres qui se choisissent Et ce n’est qu’un début puisque la petite troupe vient d’accueillir trois nouveaux membres. « Le but est de promouvoir le travail de chacun, précise John Vink. Comme lors de la création de Magnum par exemple. Mais ce qui n’existe ni à Magnum, ni à Vu, ni dans aucune autre agence, c’est l’apport des non-photographes. Ici, tout le monde est sur le même pied et tout le monde a le droit de vote lors de l’entrée de nouveaux membres. » La graphiste Chiqui Garcia, par exemple, a participé à toutes les étapes de la construction du collectif. Et a lancé l’idée de l’exposition Unrest qu’on peut traduire par Troubles, Agitation, Instabilité… Elle en assure aussi l’énorme travail de scénographie et d’accrochage. Un certain état du monde Quant au nom du collectif, il a aussi son histoire. « MAPS (carte en anglais), cela vient de l’idée de cartographie, pointe Cédric Gerbehaye. Pour cartographier, il faut aller sur le terrain, revenir, analyser les données, y retourner, etc. C’est ainsi que travaillent aussi tous les membres de MAPS. On ne se contente pas d’un passage rapide sur un lieu. On y reste, on y retourne, on travaille sur le long terme… » Et Gaël Turine de conclure : « MAPS, c’est aussi comme quand on se trouve dans une ville et qu’on regarde un plan avec la mention “You are here” (vous êtes ici). C’est ce qui me vient à l’esprit quand je vois toutes les images rassemblées ici : c’est le monde dans lequel nous sommes, ici et maintenant. » « Unrest », jusqu’au 14 octobre à De Markten, 5 Vieux marché aux grains, 1000 Bruxelles, www.mapsimages.com, www.demarkten.be. Entrée libre.

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