Michel Delbaere: «Ce pacte n’est ni communautaire, ni gauche-droite, ni confessionnel»

Il fait part aussi de son souhait majeur : « Qu’il y ait une prise de conscience au nord, au sud, à gauche et à droite de cette nécessité de réinvestir en Belgique, quelles que soient les coalitions au pouvoir dans les deux prochaines législatures ». Un pacte d’investissement national, pour quoi faire ? Pour mobiliser les régions, les partis et la société au sens large : on doit investir. Nous investissons 25 % du PIB chaque année, dont 2,4 % pour le compte des pouvoirs publics – 2 % pour le maintien des infrastructures et 0,4 % pour assurer la croissance du capital. Ce n’est pas une catastrophe mais ce n’est pas suffisant. L’objectif est de passer à combien ? Notre plan suggère d’investir 150 milliards d’euros à l’horizon 2030, répartis à 55 % pour le privé et 45 % pour le public. C’est gigantesque, mais réaliste. Lorsque Charles Michel m’a demandé de présider ce groupe, j’ai eu des sueurs froides car ce n’est pas mon domaine, mais ce rapport tient la route : il a été largement partagé et fixe clairement des priorités. On n’a pas réécrit la politique économique, mais répondu au cahier des charges : combien investir et comment. Que proposez-vous concrètement ? Le Pacte comporte deux volets. Le premier propose des investissements dans six domaines travaillés dans des groupes de travail présidés par des membres de notre comité stratégique : la santé (Jean Stephenne, ex-patron de GSK Belgique), l’éducation (je m’en suis chargé), la mobilité (Peter Timmermans de la FEB), l’énergie (Michèle Sioen de Sioen), le digital (Dominique Leroy de Proximus) et la cyber sécurité (Dominique Leroy et Michael De Bruyckere). Dans chacun de ces six domaines, de nombreuses personnes (recteurs, profs d’unifs, consultants, juristes, banquiers.) ont été consultées et des priorités fixées et quantifiées. Qu’est-ce que cela va coûter ? Qui assume entre le privé et le public ? Le deuxième volet du plan, géré par Marc Raisière (Belfius), vise les « conditions générales » à l’investissement. Pour citer un exemple de proposition qui ne coûte pas d’argent : les autorisations et permis. A toutes les extrémités de ce pays, on est d’accord qu’il faut, dans le respect de l’état de droit, mieux gérer les recours et les appels en revoyant le droit administratif et public. Le monde politique est un frein ? Je suis allé voir les ministres-présidents à deux ou trois reprises. J’ai rencontré des administrations, les chefs de groupe au Parlement. Je n’ai eu alors aucune plainte d’aucune nature que ce soit. Des partis ont été consultés, à gauche, à droite, au nord, au sud. J’ai vu Magnette deux fois, avant et après l’Elysette. Nous avons été dans l’ensemble bien, très bien reçus parce que c’est un plan à 10 ans, qui ne s’identifie à aucune coalition. Qui que ce soit qui forme les prochains gouvernements pour les deux prochains quinquennats, il n’aura pas le choix et devra tenir compte de ceci et l’exécuter, d’une manière ou d’une autre. Mais pas d’illusion : pour la véritable mise en route, il faudra attendre la prochaine coalition. Entre-temps, il faut mobiliser, conscientiser, communiquer. Sur base de trois principes. Lesquels ? Primo : le bottom up. Si les régions et les communes, où se trouvent les moyens les plus importants, ne souscrivent pas au Plan, on n’ira pas très loin. Ceci n’est pas une initiative de Charles Michel, mais de la société civile. A nous de voir comment les régions et le fédéral sont prêts à se mettre ensemble pour porter le travail à faire. Secundo : il faut que ce soit inclusif, le citoyen doit se rendre compte qu’il est partie prenante. Tertio : il faut que ce soit durable. Pas de but politique donc ? Ce n’est ni communautaire, ni gauche droite, ni confessionnel. Et le mot « Pacte » n’est pas innocent. Cela veut dire que les parties se mettent d’accord parce qu’il y a un travail à faire. C’est le quatrième Pacte dans l’histoire récente du pays depuis l’invention de la concertation sociale, après le « Pacte de 44 » où des gens se sont mis ensemble pour reconstruire le pays, après « Poupehan » en 1982 pour remettre le pays à flot et après le « Plan Global » en 1992 pour faire partie de l’euro et de Maastricht. C’est du même acabit ? 150 milliards, ce n’est pas rien ! Les trois pactes précédents étaient curatifs – réparer ce qui a dérapé –, mais celui-ci est préventif. Les dépenses de pensions seront élevées dans les 20 ans à venir, la dette est élevée : donc oui, si on veut maintenir et faire grandir la prospérité, ce serait idéal qu’on s’entende sur ces investissements, quelle que soit la majorité au pouvoir. Le Plan est vertueux pour l’économie ? Oui. Nous sommes face à une stagnation de la productivité, à l’inadéquation du marché du travail, à 52 % de prélèvements publics et au manque de grandes entreprises pour tirer l’économie. Si on met notre plan au point, l’investissement privé reprendra – si on décongestionne le ring d’Anvers, des sociétés qui le boudent aujourd’hui, y réinvestiront. Idem si on baisse le coût de l’énergie ou si on amène de la sécurité juridique. L’investissement privé dopera la macroéconomie, on créera des jobs, on améliorera la balance commerciale et les recettes fiscales et donc la prospérité dans la foulée. Ou faut-il mettre le paquet ? L’énergie, mais qui devra surtout être financée par le privé, la mobilité et la santé. Le public a déserté partout par manque de moyens. L’argent public est là ? Le levier c’est le taux de participation au marché de l’emploi. S’il s’accroît de 6 %, cela génère 13 milliards de rentrées pour l’Etat. Les investisseurs privés, eux, sont déjà là : en Belgique, nous sommes les champions d’Europe des investissements privés. Quels sont les liens avec le Pacte énergétique, avec l’ex plan Marshall ? On ne parle pas des F 35 ici ! On n’a été conditionné par aucun des choix faits auparavant. Nous n’avons pas été nommés pour juger des propositions préalables. Nous avons fait des choix et pas tout traité. Comment passer au projet concret ? On ne peut que proposer à la politique de traduire tout cela. L’idéal serait la mise en place d’une cellule de coordination à la manière de la « delivery unit » de Tony Blair ou « Catch » à Charleroi pour Caterpillar. Le comité stratégique remettra son mandat à une prochaine coalition en recommandant une série d’actions. Le Plan qu’Ecolo-Groen a proposé au Parlement, vous a inspiré ? Leur angle était très différent, avec des propositions pas toujours calculées. Vous avez vu les syndicats ? Ils n’ont pas répondu à notre invitation et je le regrette car nous n’avons aucun agenda politique. J’ai travaillé 15 mois par engagement et pas pour défendre tel ou tel parti. Ils sont les bienvenus quand ils veulent. L’ex patron du Voka, le patronat flamand tout puissant, comme pilote de ce comité, cela les a braqués ? Peut-on devenir adulte, s’il vous plaît ? Allez, arrêtons !

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