Les Belges s’intéressent-ils encore aux droits humains?

A l’occasion de ses 70 ans, Amnesty international a sondé un millier de Belges francophones sur leur intérêt pour les droits humains. Résultat : la défense des droits fondamentaux recueille un sentiment plutôt positif mais une part significative – et socialement marquée – de la population ignore complètement la Déclaration universelle des droits de l’homme. Explication de Philippe Hensmans, le directeur d’Amnesty Belgique. 75 % des Belges se disent sensibles aux droits humains. Rassuré ? Oui, surtout que nous ne savions pas du tout à quoi nous attendre. Quand on creuse, on se rend compte que les 25 % restant n’y sont pas récalcitrants mais ne savent pas vraiment de quoi il s’agit. 37 % des jeunes de 18 à 34 ans n’en ont jamais entendu parler. Pour nous, c’est inquiétant, forcément. La Déclaration universelle des droits de l’homme imprime des valeurs universelles que tout le monde peut réclamer. Cela concerne tout le monde. Un enfant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté en Wallonie, c’est contraire à la DUDH. L’article 22 consacre le droit à la sécurité sociale, c’est très concret. Que comptez-vous faire pour vous faire connaître ? Chaque foyer belge francophone recevra un exemplaire du texte pendant la semaine qui précédera le 10 décembre. Et on va renforcer nos actions dans les écoles et avec les mouvements de jeunesse. Lorsque vous demandez de citer des droits fondamentaux importants, l’asile arrive en bas du classement. Paradoxal, alors que c’est celui dont on parle le plus ces dernières années. Ce n’est pas une source de préoccupation, non. A l’inverse, les droits le plus souvent évoqués touchent à la pauvreté, l’environnement, l’accès à la justice et la santé. C’est normal, on parle en priorité de ce qui nous touche directement. Les gens estiment globalement que le respect des droits humains s’est dégradé partout, sauf en Europe. Leur sentiment est-il conforme à la réalité ? Il y a eu beaucoup de progrès mais en même temps la situation s’est dégradée dans un grand nombre de pays – pas seulement en Afrique : on a une population déplacée record. Il y a aussi d’autres types de violation. Il n’y a pratiquement presque plus de dictature militaire en Amérique du Sud mais le niveau de violences est très élevé. En Europe – je ne parle même pas de la Hongrie qui est au hit-parade de la transgression des droits humains –, les lois adoptées notamment contre le terrorisme sont assez préoccupantes. La disparition progressive des classes moyennes, la paupérisation posent des problèmes relatifs aux droits économiques et sociaux. D’un autre côté, on a développé ces dernières décennies un arsenal juridique qui est devenu un outil très important : la Convention européenne des droits de l’homme, la convention contre la torture, la cour pénale internationale… Ces textes et institutions sont de plus en plus souvent attaqués par la classe politique. Une avocate belge me disait il y a quelques mois : « On se fait traiter de gauchiste juste parce qu’on essaie de faire respecter le droit. » Oui, les attaques de Trump contre la CPI rappellent qu’il est important de lutter contre l’impunité. En Belgique aussi, je m’inquiète quand je lis que le MR envisage de supprimer la déduction fiscale des dons parce que les associations sont trop « gauchistes » à son goût. On fait pression sur les ONG, ça commence à devenir problématique…

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