Le trio du Benelux en mission de déminage dans le chaudron de Sarajevo

Depuis Sarajevo C’est en trio, que les chefs des diplomaties des pays du Benelux ont débarqué ce jeudi à Sarajevo, pour une mission-éclair en Bosnie-Herzégovine. Le calendrier ne doit rien au hasard : on vote, ici, le 7 octobre. Or, ce rendez-vous démocratique fait déjà… frémir. L’atmosphère préélectorale est délétère. Brutale. Emaillée d’incidents et de discours inflammatoires. Certains, dans le sérail politique, vont jusqu’à évoquer (menacer !) le risque d’un conflit armé. Le casse-tête assuré du scrutin L’issue de ce scrutin présidentiel et législatif paraît bien certaine. Les 3,3 millions d’électeurs ayant le choix entre 53 partis, 36 coalitions et 34 candidats indépendants : casse-tête assuré. Et la loi électorale, qui régit l’équilibre de la représentation ethnico-religieuse au sein des institutions fédérales, a été jugée anticonstitutionnelle… mais elle n’a toujours pas été réformée. La formation d’un gouvernement va s’avérer des plus périlleuses. Le Belge Didier Reynders, le Néerlandais Stef Blok et le Luxembourgeois Jean Asselborn ont donc uni leurs forces pour afficher dans la capitale bosnienne leur volonté d’« accompagner » la Bosnie dans ses réformes… qui patinent. Une capitale, où tous les stigmates des tirs des années 1990 n’ont pas disparu… La stagnation (le recul ?) de la Bosnie préoccupe : son statut de candidat « potentiel » à l’UE – depuis… 2003 – dit bien qu’elle reste à la traîne dans le (très lent) processus d’intégration euro-atlantique des pays de Balkans occidentaux. En 2004, les autorités du pays s’y voyaient déjà à l’horizon 2009… Dans ce contexte, explique le ministre belge des Affaires étrangères, il s’agissait de montrer que le Benelux, agissant ensemble, peut avoir un « poids plus important ». Mais aussi que, malgré la distance, la situation dans les Balkans occidentaux nous concerne également, et pas seulement leurs plus proches voisins dans l’Union européenne, comme la Bulgarie ou l’Autriche, particulièrement actifs sur le dossier depuis le début de l’année. « C’est le jardin de l’Europe », rappelle Didier Reynders. Et une « zone de conflits récurrents ». Et le jardin, s’agissant de la Bosnie, ne se porte pas bien. Reynders parle « d’échec », de « système à bout de souffle », d’« exode des jeunes élites exaspérées », de « risque d’instabilité », de « fatigue » par rapport aux Balkans. Blok relève que « les rhétoriques nationalistes, qui divisent, érodent l’intégrité du pays ». La Bosnie est composé depuis les accords de paix de Dayton (1995) de deux entités, la Republika Sprska (où vivent surtout les Serbes de Bosnie) et la Fédération croato(catholique)-bosniaque(musulmane), chapeautées par une structure fédérale. Asselborn salue la « diversité ethnico-sociale » mais « dans un seul pays ». S’attaquer à la racine du mal : la corruption Dès lors, et pour autant qu’un gouvernement se mette en place après les élections pour diriger « une seule entité, unique et forte », le Benelux plaide pour rapidement aider à imposer des « mécanismes » effectifs afin de s’attaquer à la racine du mal : la corruption. L’heure n’est plus aux « rapports intérimaires » : place aux « actions concrètes », il faut« conditionner les financements », dit Reynders.« Il faut que des procureurs se saisissent vraiment de cas ». Les ONG rencontrées sur place le demandent – « L’UE doit s’impliquer dans les réformes », nous dit-on –, mais aussi les institutions internationales et européennes encore présentes en Bosnie et même… des politiques. Du moins... les interlocuteurs rencontrés jeudi par le trio, soit leur homologue bosnien et la présidence tricéphale de l’Etat. Les ONG du terrain soulignent en effet, que « la corruption reste le problème principal, avec l’influence étrangère » (la Russie, la Turquie, la Chine, etc. avancent leurs pions). « En cultivant les problèmes inter-ethniques, en jouant sur le facteur peur, le pouvoir cherche en fait à rester au pouvoir : pour cacher la corruption », explique-t-on à Sarajevo. Fièvre nationaliste A la veille des élections, la fièvre nationaliste est remontée. L’homme fort de la Republika Sprska (RS), le très pro-russe Milorad Dodik, joue à fond la carte du soutien de la Serbie pour décrocher le siège serbe à la présidence bosnienne. « Les Serbes en RS et la Serbie forment une seule nation », plaide Dodik. De son côté, Belgrade ne cache pas non plus son soutien à la RS. Les analystes régionaux suggèrent que l’attachement sur-souligné de Belgrade envers l’entité serbe de Bosnie viserait à « faire passer la pilule » d’une – toujours hypothétique – « normalisation » entre Belgrade et son ex-province sécessionniste albanaise du Kosovo… Laquelle normalisation pourrait passer par une « correction des frontières », voire un échange de territoires… qui pourrait, craignent de nombreux observateurs, encourager les velléités sécessionnistes de… la Republika Sprska. Où le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov est attendu lundi prochain. En présentant son dernier rapport devant le Conseil de sécurité de l’ONU, le Haut-représentant de la communauté internationale en Bosnie, le diplomate autrichien Valentin Inzko, avait insisté : il est impératif de maintenir « une attention continue et un effort concerté ». Car le pays est toujours loin d’avoir atteint l’objectif d’une « stabilité irréversible ». « La Bosnie n’est définitivement pas un pays pacifié, à moins d’une présence étrangère », disent les ONG. « Nous devons garder tous les instruments à notre disposition pour prévenir toute détérioration de la situation, qu’il s’agisse des mandats civils et militaires », recommande Valentin Inzko.

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