Le gendre et la milliardaire monégasque: polar sur la Riviera

Paris, de notre envoyée permanente Le 6 mai 2014, Hélène Pastor, 77 ans, quitte l’hôpital L’Archet, à Nice. Comme tous les soirs, elle s’est rendue au chevet de son fils Gildo, victime d’un AVC quelques mois plus tôt. La Lancia Voyager noire, conduite par son majordome, quitte le parking pour rejoindre Monaco. C’est là qu’un tueur surgit. De la vitre, côté passager, il tire avant de s’enfuir. L’arme est un fusil de chasse. Et la victime, qui décédera quinze jours plus tard de même que son chauffeur, assurément un gros gibier. La septuagénaire est l’une des plus grandes fortunes de Monaco. Son père y a construit un empire immobilier. À la mort du patriarche, le bâtisseur a livré ce conseil à ses trois enfants : ne vendez jamais, mais louez toujours. Hélène Pastor a suivi la recommandation et encaisse tous les mois les loyers de six gratte-ciel, sans parler des dizaines de milliers de m2 de bureaux dans la ville la plus chère du monde. Sa fortune est estimée à 12 milliards d’euros. Homme d’affaires et imposteur A-t-on voulu l’abattre pour voler son sac à main ? Toutes les hypothèses sont d’abord envisagées. Avant que l’une d’elles soit privilégiée : un meurtre commandité par son propre beau-fils. Wojciech Janowski, « monsieur gendre », comparaîtra à partir de ce lundi avec neuf coaccusés devant la cour d’Assises des Bouches-du-Rhône, à Aix-en-Provence. La personnalité du principal accusé aurait de quoi inspirer un auteur de polar. Côté pile, Janowski, 69 ans, est une figure de Monaco. Consul honoraire de Pologne (un titre purement honorifique), l’homme d’affaires donne de somptueuses réceptions en l’honneur de ses compatriotes. Il verse aussi dans le caritatif. Il aide ainsi les autistes, via une fondation que préside la princesse Charlène elle-même. Côté face, celui qui vit depuis vingt-huit ans avec la fille d’Hélène Pastor, Sylvia, que tout le monde appelle « Sissi », est un imposteur. Prétendument diplômé de Cambridge, il s’est inventé des affaires florissantes. Ancien croupier, embourbé dans des placements scabreux, il profite surtout de la situation de sa compagne. Celle-ci reçoit tous les mois un chèque (une « chouquette ») de 500.000 euros de sa mère. Follement amoureuse, Sylvia Pastor n’est pas très regardante. Alors Janowski fait de l’argent à peu près ce qu’il veut et le place parfois même sur ses propres comptes. Morte avec ses secrets Officiellement, c’est l’entente parfaite avec la belle-mère. « Jamais une dispute », dira-t-il. Mais ni l’un ni l’autre ne peuvent en réalité se sentir. Hélène Pastor se méfie dès le début de son gendre. Un « gourou » qui manipule sa fille, craint-elle. Elle le fait suivre dès 1990 par un détective privé. S’aperçoit de ses mystifications. Et envisage même qu’il puisse l’empoisonner quand elle souffre d’ennuis de santé. Sur son lit d’hôpital, quelques jours avant de mourir, elle convoquera encore les enquêteurs. « J’ai d’autres choses à vous dire. » Trop tard, elle s’éteint avec ses secrets. De son côté, Wojciech Janowski décrit sa belle-mère comme une harceleuse. C’est ainsi que, pour soulager sa femme, il aurait sollicité son coach sportif, lui demandant d’organiser sa liquidation. Pascal Dauriac a avoué être l’organisateur du guet-apens. À l’en croire, le fils d’Hélène Pastor, Gildo, était la prochaine victime sur la liste pour hériter davantage. Le coach a recruté, via son beau-frère, un tueur et un guetteur. Issus de la pègre marseillaise, ces deux pieds nickelés ont permis rapidement aux enquêteurs de remonter la piste. Visage à découvert, ils ont été filmés par la vidéosurveillance de l’hôpital et par les caméras de la gare de la cité Phocéenne d’où ils étaient partis. Ils avaient reçu 140.000 euros pour effectuer leur mission : 100.000 pour abattre Hélène Pastor, 20.000 pour tuer son chauffeur, et 20.000 pour dérober le sac de la milliardaire, histoire de faire croire à un crime crapuleux. Le détail vaut son pesant d’or : l’argent promis aux tueurs à gage provient de la victime elle-même. « Problème de traduction » Wojciech Janowski, arrêté un mois et demi après le double assassinat, a avoué lors de sa garde à vue. Avant de se rétracter en évoquant « un problème de traduction ». Mais pourquoi aurait-il voulu se débarrasser de cette belle-mère qui était la vache à lait du couple ? D’autant qu’il n’était pas marié, sa compagne Sissi ayant toujours refusé la noce au motif de « ne pas mettre d’argent entre eux » ? L’accusation a son idée : en 2012, Sylvia Pastor avait découvert qu’elle était atteinte d’un cancer. Janowski aurait alors lâché : « Mais s’il t’arrive quelque chose, je n’aurai plus rien ! » Il aurait ainsi fait assassiner sa belle-mère en pensant qu’il pourrait ensuite s’arranger avec sa compagne quand elle aurait touché le pactole. Le procès doit durer jusqu’au 19 octobre.

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