Adrien La Marca, un altiste pour toutes les saisons, à Liège

Sa carrière accumule les expériences : master avec Jean Sulem, cours de perfectionnement à Leipzig et Berlin, International Music Academy de Seiji Ozawa, il travaille avec Kremer, cumule les concours et master classes. A Liège, il interprétera le concerto de Walton, Harold en Italie de Berlioz, animera un « Music Factory » et créera deux œuvres écrites pour lui par Gwenaël Grisi (le quintette Time de Grisi et l’œuvre pour alto et orchestre) dans le concert des chefs du 28 avril. C’est dans le train qui l’emmenait à Liège début septembre que nous l’avons rencontré pour un portrait-surprise. Vous sortez d’une famille de musiciens ? Mon père était pianiste, chef d’orchestre, directeur de conservatoire. Mes frères ont étudié le violon et le violoncelle (NDLR : Christian-Pierre poursuit également une carrière de soliste et fut le violoncelle du Trio Dali, bien connu à la Chapelle Reine Elisabeth) . La musique était partout à la maison. Pour jouer, j’allais m’installer au piano et à 4/5 ans, je me suis retrouvé avec un violon dans les mains et je suis ensuite passé à l’alto tout en continuant le piano en parallèle… Pourquoi avoir choisi l’alto ? C’est une question de son. J’adore ressentir la vibration du son près de moi mais je n’adore pas les sons parfois suraigus du violon. Le choix de l’alto est devenu naturel, particulièrement après un concert de musique de chambre où son rôle de fédérateur m’a fasciné. J’en ai parlé immédiatement à mes parents et j’ai commencé de suite son étude. On dit parfois que l’alto est l’instrument le plus proche de la voix humaine. Je crois que tous les musiciens disent cela de leur instrument… à l’exception des pianistes ! En fait tout dépend aussi de l’instrument. J’ai la chance de jouer un superbe Bergonzi, un nom idéal pour vous inviter à chanter ! Le son d’un instrument définit sa personnalité et c’est à vous de vous en inspirer. Et en musique le son est l’indice d’un dialogue. En musique vous parlez à tout le monde, à tous ceux qui vous écoutent : c’est très différent du langage parlé. La musique a quelque chose d’universel : vous allez dans les plus petits lieux où vous rencontrez des gens qui viennent entendre de la musique pour la première fois et ils sont touchés. Alors ils s’approprient le son entendu. C’est absolument fascinant. Comment définiriez-vous le rôle de l’alto à l’orchestre ou dans un ensemble ? C’est la voix centrale qui fait le lien. Haydn et Mozart écrivent pour lui les harmoniques qui permettent l’accord de tout le monde. Jusqu’au XXe siècle, il joue rarement un rôle soliste. Brahms et Bruch composent beaucoup pour lui. Il s’émancipe au siècle suivant grâce à William Primrose et surtout à Hindemith qui lui offre un rôle moteur, relayé par Bartok et Walton. Aujourd’hui, la situation s’est inversée. Alors qu’il y a 25 ans, il était peu vraisemblable qu’un jeune altiste commande une œuvre à un compositeur, aujourd’hui, c’est une pratique courante. C’est important car les œuvres réussies vont rester après l’écoulement des années de passage et le répertoire va s’enrichir comme ce fut le cas pour celui pour violoncelle avec Rostropovitch. J’aime par exemple beaucoup ce que fait Widmann car c’est un interprète artiste, débordant d’une énergie vitale qui invente sans cesse quelque chose de nouveau. À Liège et Saint Vith, vous jouerez le concerto de Walton qui est un de vos chevaux de bataille. C’est une partition très bien écrite où le compositeur sert l’instrument sous toutes ses formes. Elle a subi l’influence du premier concerto pour violon de Prokofiev que Walton adorait. On y retrouve toute la force de Prokofiev, avec en sus un côté British : une façon de tout dire sans jamais aller trop loin. C’est une musique à la fois profonde et pudique à la fois. Vous allez aussi collaborer avec Gwenaël Grisi le compositeur en résidence à l’orchestre. Cela me semble logique et la rencontre se passe bien. Il a un sens magnifique de l’orchestration et est très créatif : il n’écrit jamais deux fois la même chose. Et puis surtout, il raconte une histoire, ce qui est capital vis-à-vis du public. Vous jouez dans le quatuor Adolf Busch créé par Renaud Capuçon. Pour un musicien, le quatuor à cordes représente l’exigence ultime. D’autant plus que nous avons d’emblée décidé de nous attaquer aux ultimes chefs-d’œuvre, le 15e de Schubert l’op.131 de Beethoven ! Nous travaillons par session quand nos agendas le permettent. Cela va très vite car nous sommes techniquement au point et qu’une grande simplicité règne entre nous. Nous n’avons pas l’ambition de constituer un grand ensemble : notre approche est différente mais nous voulons travailler dans l’énergie. Pour moi, le quatuor était un besoin essentiel. En fait, on ne peut pas être un grand musicien si on n’est pas un musicien complet. Le programme de la résidence d’Adrien La Marca.

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