Benalla: «Je n’ai jamais été le garde du corps d’Emmanuel Macron!»

Depuis Paris A posteriori, on se demande pourquoi l’Elysée était aussi fébrile à l’approche de cette audition. Non seulement la commission parlementaire d’enquête du Sénat n’a pas débordé de son rôle au point de mettre en péril la séparation des pouvoirs, mais surtout Alexandre Benalla n’a pas été le chien fou dont l’exécutif pouvait redouter les aboiements incontrôlés. C’était même à se demander si l’homme qui s’est présenté ce mercredi matin dans la cohue devant la chambre haute était le même que celui qui vitupérait il y a quelques jours encore contre le président de la commission, Philippe Bas, qualifié de « petit marquis ». D’emblée, l’ancien chargé de mission de l’Elysée, se disant « bien élevé », a regretté et s’est même excusé pour des propos « sortis de leur contexte ». « J’ai ressenti un acharnement médiatique et politique », a-t-il dit comme pour expliquer sa saillie. Sur le fond, durant deux heures trente, Alexandre Benalla n’a pas vacillé. Le cogneur qui avait frappé les manifestants lors de la manif du 1er mai sait aussi verser dans la maîtrise. Jamais mis en réelle difficulté, il a donné sa version, non pas des faits (ceux-là sont du ressort de la justice), mais du rôle qu’il occupait à l’Elysée. Une partition qui colle dans les grandes largeurs à celle du Château. Ce qui ne veut pas dire que celui qui témoignait sous serment n’a pas pris manifestement quelques libertés avec la vérité… « Je n’étais pas le garde du corps d’Emmanuel Macron, je ne l’ai jamais été », a-t-il répété en dépit de toutes les apparences. Alexandre Benalla décrit ainsi son parcours. Après un premier office auprès de Martine Aubry et d’Arnaud Montebourg, un camarade, dont il taira le nom, le met en relation avec Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle. « J’étais séduit, raconte Benalla. Mon rôle, c’était de mettre en musique les meetings et les déplacements, pas de m’occuper de la protection rapprochée ». Macron élu, son directeur de cabinet, Patrick Strzoda, le recrute comme chargé de mission. « Le niveau le plus bas », dit-il. Salaire : 6.000 euros net, dixit Benalla, qui se présente désormais comme sans emploi. Au Palais, il rempile pour des missions comparables à celles de la campagne. Il organise les déplacements, les événements à l’Elysée, les sorties privées et participe à la coordination des services de sécurité. Une fonction purement administrative, pas opérationnelle, souligne-t-il. Il ajoute pour l’anecdote qu’il s’occupait aussi des cadeaux diplomatiques offerts aux invités étrangers. La fiche de poste, que l’Elysée refuse de fournir à la commission ? Trop aimable, il est prêt, lui, à la fournir aux zélés sénateurs. Une arme, à « titre personnel » Les choses se corsent quand vient le sujet de son port d’arme. « J’ai fait une demande à titre personnel », dit-il. Sa version n’engage que ceux qui la croient. « Je me sentais personnellement en danger », lance-t-il sans vouloir en dire plus sur la nature de cette supposée menace. Mais au président Philippe Bas, on ne la fait pas. Incisif, précis, gourmand, le président LR de la commission relève que l’autorisation de port d’arme, accordée par la préfecture, mentionne une « mission de police ». Benalla ne se laisse pas démonter. Il décrit sa relation à son Glock 43 comme un autre parlerait de son parapluie. Il prend le pistolet le matin pour venir au travail. Il le récupère le soir pour rentrer chez lui. S’il se rend directement à un déplacement présidentiel, il le porte, oui. Tout comme il peut lui arriver de le garder à l’Elysée parce qu’il pouvait parfois se perfectionner au tir avec le GSPR, le groupe de sécurité de la présidence. Benalla, bouffon malgré lui, exhume l’histoire en renfort : « Michel Charasse avait un port d’arme. Est-ce qu’il était le garde du corps de Mitterrand ? Non ! » Le reste est à l’avenant. Pourquoi disposait-il d’une carte d’accès à l’Assemblée nationale ? « Je dispose depuis que j’ai travaillé pour le PS d’un badge pour la bibliothèque et la salle de sport. Quand vous êtes collaborateur du président, on vous le délivre automatiquement. C’était un caprice personnel, je continuais à aller à la salle de sport. » L’aveu fera rire. Avant même son audition, le député de la France insoumise François Ruffin avait tourné une petite vidéo dans ladite salle de sport. Quelques engins dans une salle sans fenêtre : un équipement qui ressemble d’après lui à celui d’une salle de quartier… Le passeport diplomatique ? Tous ceux qui sont susceptibles de se déplacer avec le président en possèdent, fait valoir Benalla. « Même le personnel de cuisine ». L’appartement de fonction, curieusement accordé après les faits ? « Il n’y avait pas de logement libre avant ». L’ancien chargé de mission prétend n’être jamais sorti des clous de sa fonction et avoir vécu comme une « humiliation » sa rétrogradation. Et si on l’a encore vu dans des déplacements après sa sanction supposée, c’est seulement parce qu’il était désormais cantonné à la « synchronisation des cortèges ». Au sortir de l’audience, les sénateurs, parmi lesquels aucun élu de la LREM puisqu’ils avaient boycotté la séance, disent leur frustration. La vérité n’a pas éclaté, regrettent-ils en chœur. La vérité, peut-être pas, mais une effrayante évidence, si, et qui n’a pas échappé au président de la commission. Si son chargé de mission était sans cesse à l’épaule du président Macron, où était le garde du corps du chef de l’État ? Il en faut plus à Benalla pour perdre son assurance. S’agissant de la sécurité du président, c’est lui qui le garantit : « Il n’y a jamais eu de trou dans la raquette ».

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