Pierre François sur la réforme du championnat: «Il ne faut pas mettre les playoffs à la poubelle trop vite»

Depuis le 5 juin, Marc Coucke est le président de la Pro League. C’est un autre style que son prédécesseur, Roger Vanden Stock… Tout le monde sait que j’avais une excellente relation avec Roger, et c’est également le cas avec son successeur. Ils ont des points communs. Le fait d’être président d’Anderlecht au moment de leur élection, et la dimension de celle-ci, Roger ayant été élu à l’unanimité, puis Marc avec une écrasante majorité de plus de 80 %. Et nous travaillons bien ensemble, et avec toute notre équipe et nos clubs. Nous ne sommes que la face visible de l’iceberg. Ils ont aussi des différences… Ce n’est pas la même façon de travailler. Roger laissait se développer les dossiers avant, in fine, de me dire oui ou non. Marc plonge davantage dedans, donne plus d’instructions en amont. Pourquoi a-t-il décidé de se lancer ? En décembre dernier, à Glasgow où j’accompagnais Anderlecht en Coupe d’Europe, Roger m’a dit qu’il se retirerait de la présidence de la Pro League quand il quitterait celle d’Anderlecht, ce qui était imminent. Et il m’a demandé de lui chercher un successeur. Moi, j’ai dit que je verrais bien Marc Coucke. Il m’a alors demandé de le contacter. Marc m’a demandé 48 heures de réflexion avant de se porter candidat. Je précise qu’à l’époque, il n’était pas du tout question de lui pour le rachat d’Anderlecht ! Ensuite, personne d’autre n’a été candidat. Comment s’organise-t-il, avec ses multiples activités ? Il a une force de travail extraordinaire et s’entoure bien. Ce que j’apprécie surtout c’est qu’à la Pro League, il est vraiment le président des 24 clubs pros, pas celui d’Anderlecht. Voici quelques mois circulait la rumeur d’un grand deal entre Bart Verhaeghe et Marc Coucke : « à moi l’Union belge, à toi la Pro League, et on contrôle tout le football belge. » On en est là ? Ce n’est pas un bon résumé. D’ailleurs, quand le président du FC Bruges est devenu vice-président de l’Union belge, en 2015, Marc Coucke a claqué la porte du Comité Exécutif, sans relation de cause à effet (NDLR : c’est la réélection de François De Keersmaecker à la présidence, aux dépens de Joseph Allijns, le président de Courtrai, qui l’avait rendu furieux). À l’époque, la situation était plus que tendue entre l’Union belge et la Pro League. Depuis, le climat s’est apaisé et nous avons travaillé ensemble, notamment sur tout ce qui concerne les finances et la réforme des championnats nationaux. Il ne s’agit pas d’un partage des territoires mais d’un travail commun, en tenant compte des particularités de chaque entité. Le fait que Bart et Marc s’entendent bien va dans ce sens, et la collaboration est également franche entre le président de l’Union belge Gérard Linard, son CEO Peter Bossaert et moi-même. Personnellement, vous semblez moins clivant qu’à l’époque où vous étiez directeur général du Standard, de 2003 à 2012. Clivant ? Je ne suis en tout cas jamais allé au civil contre les instances… Disons que je n’étais pas « facile » mais je ne le suis toujours pas. Simplement, à la place que j’occupe, je me dois d’être davantage dans la concertation que dans la division. À propos de division, ça part dans tous les sens pour l’éventuelle réforme du championnat, en 2020-2021. Alors qu’il y avait voici quelques mois une sorte de consensus pour 14 clubs en D1A avec Playoffs mais sans division des points, et 10 clubs en D1B, on entend aussi parler maintenant d’un championnat classique à 18, voire à 20… C’est un dossier dont Marc Coucke s’est emparé, à juste titre. Il a déjà organisé une réunion avec le G11 et va voir aussi le G5 et les 8 clubs de D1B. Il veut écouter tout le monde et voir si des accords sont possibles. Je rappelle que pour un changement en 2020-2021, il ne faut « que » 66 % des voix, même en votant maintenant, contre 80 % pour une modification plus précoce. Vous avez bien un avis ? Dans la note que vous aviez rédigée sur tous les scénarios possibles, c’est la formule 14-10 qui présentait le moins d’inconvénients… Oui. Mais il y en a un, majeur, c’est que pour y arriver, il faut qu’il y ait trois descendants au lieu d’un la saison précédente ! Tout dépend alors du nombre de clubs qui ne craignent pas de descendre… Alors, si cette formule 14-10 se heurte à la réalité du terrain, il faut peut-être chercher autre chose. En espérant une solution fin 2018, afin de pouvoir lancer l’appel d’offres pour les droits TV, le contrat actuel se terminant en juin 2020. Mais trois descendants, il y a cela dans la plupart des championnats étrangers ! Et on était bien passé, en 2009, de 18 à 16 clubs en D1A, en offrant des parachutes financiers aux relégués (Dender, Tubize et Mons). Il y a aussi d’importants parachutes prévus dans le plan 14-10… L’un des points centraux, c’est la conservation ou non des playoffs, qui plaisent aux TV et auxquels les fans se sont habitués. Pour les TV, ce n’est pas déterminant. Mais il est clair qu’avec cette formule, un match entre le 8e et le 9e en février a plus d’intérêt que dans un championnat classique. L’intensité est terrible, dans la lutte pour intégrer le Top 6. Moi, je pense qu’il ne faut pas mettre les playoffs à la poubelle trop vite. Le Standard, par exemple, est contre mais sans playoffs, il était où la saison dernière ? Mais bon, mon rôle est de réfléchir, de proposer, pas de décider. La nouvelle réforme du championnat (ou pas, si aucune formule ne recueille 66 % des voix) coïncidera donc avec le nouveau contrat TV. Où on espère enfin atteindre les 100 millions annuels ? Je rappelle d’abord que le contrat actuel pour les droits domestiques, qui court de 2017 à 2020, se monte à 80 millions annuels, contre 65 pour le précédent, soit une augmentation de plus de 20 %. Et nous sommes loin devant des pays comparables puisque les droits annuels se montent à 12 millions en Suisse, 14 en Autriche, 19 en Ecosse et 70 aux Pays-Bas ! Seul, à cette échelle, le Portugal fait mieux avec 125 millions. La priorité, c’est que les droits restent collectifs, ce qui n’est pas acquis. En France ou en Allemagne, c’est automatique. Ici, ça se rediscute à chaque fois. Le risque existe qu’un ou plusieurs grand(s) club(s) envisage(nt) de la jouer en solo ? J’espère qu’il y aura accord sur l’éventuelle réforme, et sur la clé de répartition. Et je pense qu’il sera difficile de faire table rase de la solidarité qui prévaut. Mais oui, le risque existe…

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