Mexique: une lueur d’espoir dans l’affaire des 43 disparus

Depuis Mexico Ils nous les ont enlevés vivants… Nous les voulons de retour vivants… » Dans le centre de Mexico, sous le soleil de midi, une centaine de voix, masculines pour la plupart, rugissent à l’unisson. Cheveux ras sur les côtés et écusson de rigueur, ces élèves d’écoles normales rurales mexicaines, où l’on alterne entre labeur aux champs, éducation politique et formation pour devenir professeur des écoles, sont venus à Mexico soutenir les familles de quarante-trois d’entre eux, disparus une nuit de septembre il y a quatre ans. Une commission pour relancer l’enquête Cette fois-ci, la mobilisation n’a pas le goût amer des précédentes. Le président-élu Andrés Manuel Lopez Obrador (dit AMLO), qui prendra ses fonctions le 1er décembre, vient d’apporter aux familles des victimes une lueur d’espoir : il s’est engagé à créer une commission dédiée et à ouvrir les portes du pays aux experts internationaux pour relancer l’enquête sur le cas Ayotzinapa, qui piétine depuis quatre ans. « C’est la première fois que nous dialoguons avec un gouvernement qui a envie de résoudre l’affaire, qui ne va pas chercher à trahir les 43 », se réjouit Mélito Ortega, l’oncle de Mauricio Ortega, 18 ans. Mauricio a disparu en 2014 avec 42 camarades à Iguala, à 200 km de l’école d’Ayotzinapa dans l’Etat méridional de Guerrero. Alors que les étudiants de la normale rurale réquisitionnent comme chaque année des bus pour se rendre à une manifestation à la capitale, ils se retrouvent sous le feu de la police municipale. Trois d’entre eux sont tués, et 43 autres ne seront jamais retrouvés. [scald=24393975:sdl_editor_representation] Une théorie officielle peu crédible Où sont-ils ? Pourquoi ont-ils disparu ? La conclusion officielle, qui veut que les 43 aient été livrés au cartel local qui les aurait éliminés, les prenant pour un groupe rival, a été largement discréditée depuis. Produite en 2015 et estampillée « vérité historique » par le gouvernement, cette théorie comporte, selon l’enquête d’experts internationaux, incohérences et failles scientifiques. Une version « intenable », cingle alors l’ONU. Malgré un accueil tiède de la part du gouvernement (espionnage, refus de collaborer, actions pénales), les experts suggèrent que d’autres maillons de l’Etat seraient impliqués, mettant à mal la thèse de la dérive localisée. Pour Vidulfo Rosales, avocat des familles des 43, la création d’une commission d’enquête est l’opportunité « d’explorer ces pistes soulevées par les experts, ignorées par le gouvernement ». Intégrée au ministère de la Justice, la commission aura selon l’avocat de réels outils pour enquêter. « Nous avons subi quatre ans d’impunité, d’injustice et d’intolérance de la part de ce gouvernement », gronde Mélito Ortega. « Assez de temps perdu ! » Une lutte nationale « Ayotzinapa est devenu l’emblème d’un pays englouti par la violence » Au rond-point de l’Ange de l’indépendance, point de départ de toute manifestation qui se respecte à Mexico, la foule est dense. Associations, étudiants et badauds sont venus soutenir le combat de 43 familles dans ce qui s’est depuis longtemps mué en lutte nationale. « Ayotzinapa est devenu l’emblème d’un pays englouti par la violence », abonde Rosario Cuevos, vêtue en Kway rose pour défier la pluie qui douche le cortège. Derrière les 43 se dessinent les 36.000 disparus recensés en douze ans au Mexique. « Ce gouvernement a tout permis, se lamente Ciriaco Vazquez Flores, dont le fils Abelardo fait partie des 43. Regardez le nombre de fosses au Mexique… Nous ne sommes pas seuls. » Pas moins de 163 fosses communes auraient été découvertes depuis janvier 2017, selon un rapport de la Commission nationale des droits de l’homme. Margarito Guerrero marche en tête du cortège, ceint d’une bannière avec la photo de son fils disparu Ivan. Il est péremptoire : « Aucune piste n’indique que les 43 seraient morts. Je veux qu’on me rende mon fils vivant ! » Plus loin dans le cortège, les normalistes font écho, d’une voix de stentor : « Ils nous les ont pris vivants… Nous les voulons de retour vivants ! »

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