L’archive du jour: «Un forcené tue quatorze élus à Zoug»

(article paru le 28 septembre 2001) Le parlement du canton suisse de Zoug (Zug), au centre du pays, a été le théâtre, jeudi matin, d’un terrible drame. Un forcené, qui portait une veste noire semblable à celles des policiers, a pénétré dans le bâtiment officiel et fait feu sur les mandataires occupés à siéger. Le bilan est terrible : quinze morts, dont le tireur fou, qui se serait suicidé, et quatorze blessés. Outre l’auteur des faits, les personnes décédées sont onze députés et trois membres du gouvernement cantonal, qui occupe les mêmes locaux que le parlement. Dix blessés se trouvaient encore hier soir dans un état grave, dont Hans-Peter Uster, président du gouvernement du canton de Zoug. La tuerie a évidemment provoqué une énorme émotion en Suisse. Les victimes sont onze députés et trois membres du gouvernement cantonal La fusillade est l’œuvre d’un désespéré. Friedrich Leibacher, 57 ans, habitait Zurich, mais était originaire de Zoug. Il était en litige avec les autorités locales. Dans sa voiture, outre des armes, la police suisse a retrouvé une lettre intitulée « Jour de colère contre la mafia de Zoug ». Selon Robert Bisig, un membre du gouvernement qui avait eu l’occasion de rencontrer Leibacher et qui a échappé à la tuerie, ses difficultés remontaient à deux ans : il avait eu à l’époque un « problème », dont la nature n’a pas été dévoilée, avec un chauffeur de bus. Il a dénoncé les faits dans la presse locale, ce qui lui a valu une plainte en diffamation de la part de la société de transport. L’homme a contre-attaqué en justice et venait d’être débouté. Ce qui a sans doute précipité la tragédie. C’est peu après 10h30 que Leibacher a fait son entrée dans une salle du parlement où étaient réunis les sept membres du gouvernement local et les députés, au nombre de 80. L’homme était armé d’un fusil d’assaut et d’un pistolet. Il a ouvert le feu à l’aide de la première arme. Il aurait eu le temps de vider cinq chargeurs. Des journalistes se trouvaient sur place pour rendre compte de la réunion : Tout le monde s’est jeté au sol dans un réflexe de protection, a raconté le correspondant de l’Agence télégraphique suisse. Selon un de ses collègues, le forcené hurlait entre les coups de feu pour exiger que son dossier soit traité immédiatement par le parlement. Leibacher a brièvement quitté la salle avant d’y revenir pour faire sauter un engin explosif. L’explosion a fait sortir les portes de leurs gonds. La déflagration a provoqué un début d’incendie. La panique était évidemment totale dans l’hémicycle dont les murs étaient souillés de sang. Le forcené a alors mis fin à ses jours. Plusieurs centaines de pompiers, secouristes et policiers ont participé aux opérations de secours alors que les blessés graves étaient évacués par hélicoptère. La police a bouclé le centre-ville de Zoug, et une équipe de psychologues s’est occupée du soutien aux victimes et à leurs proches. Le gouvernement suisse s’est dit totalement désemparé face à cet acte terrible et incompréhensible. Les drapeaux ont été mis en berne dans tout le pays. Le président de la Confédération s’est rendu sur place. Les funérailles des victimes devraient avoir lieu lundi 1 er octobre. REPÈRES Le canton de Zoug. Au centre de la Suisse, organisé autour du lac et de la ville du même nom, le canton de Zoug est un des 23 cantons de la confédération helvétique, 26 si l’on prend en compte les demi-cantons. Il est le plus riche de tous : en 1998, le revenu moyen par habitant y était de 68.320 francs suisses, soit plus de 1,7 million de francs belges ou 42.500 euros. Il est aussi le plus petit : 240 km 2. En février 2001, sa population était de 99.400 habitants. La ville de Zoug concentre à elle seule 21.600 personnes. La langue officielle du canton est l’allemand. Le canton de Zoug est partie intégrante de la Suisse depuis 1352. Les lieux. La tuerie de jeudi matin s’est déroulée dans l’un des vingt-six parlements locaux de Suisse. L’austère bâtiment du parlement de Zoug, caractéristique de l’architecture allemande de la fin du XIX e siècle, se situe en plein coeur de la ville. Il abrite aussi le gouvernement local, comme dans beaucoup d’autres cantons. Devant le bâtiment, qui fait face au lac de Zoug, une place accueille la poste centrale et trois banques. L’institution. Les cantons suisses disposent d’une très large autonomie par rapport au gouvernement central, au conseil national et au conseil des Etats, les instances politiques confédérales. Chaque canton a une Constitution, un gouvernement et un Grand Conseil, qui est élu au suffrage universel. Les cantons sont notamment autorisés à organiser leur propre fiscalité. Ils disposent de compétences exclusives en matière d’éducation et de culture.

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