Marcourt: «Acquérir moins de 60 crédits n’est en rien une réussite»

Procrastination institutionnalisée, sentiment tronqué de réussite, dévalorisation des diplômes, lourdeurs administratives… Mi-septembre, 400 professeurs d’université sonnaient une charge jamais vue contre le décret réformant l’enseignement supérieur. Une charge sous forme de lettre ouverte adressée au ministre Marcourt et publiée dans Le Soir. Aujourd’hui, le même ministre adresse aux auteurs, mais aussi à leurs milliers de collègues actifs dans les universités et hautes écoles, une lettre tout aussi ouverte. Le ton se veut conciliant, mais ferme. Genre, je suis conscient des difficultés rencontrées pour la mise en pratique, je travaille à les aplanir, je suis ouvert au dialogue mais… ne comptez pas sur moi pour revoir le fond et la philosophie générale du dispositif. « L’objectif de la réforme – et cela faisait l’objet d’un très large consensus – était de remettre l’étudiant au cœur du dispositif. Donnons-nous le temps de nous l’approprier », commente-t-il au Soir en marge de la lettre ouverte. On n’efface pas les crédits non validés On l’accuse de brader la réussite ? Il s’inscrit en faux.« Le 10/20 n’est rien d’autre qu’une convention qui harmonise les mécanismes d’évaluation en s’alignant sur des exemples étrangers ». En faux également contre le procès de la très polémique « réussite » à 45 crédits. Pour mémoire, au terme de la première année, l’étudiant peut poursuivre s’il a engrangé au minimum 45 crédits sur les 60 de son programme mais devra, quoi qu’il arrive, valider le solde par la suite. À ce sujet, il martèle : « acquérir entre 45 et 59 crédits n’est en rien une réussite, c’est une situation d’échec partiel qui autorise juste à poursuivre. Je le répète à l’attention des étudiants : on n’efface pas les crédits non validés. Avec le recul, je pense qu’il y a, de leur part, davantage de prise de conscience ». S’il cherche à responsabiliser les étudiants, il entame la même démarche à l’égard des jurys d’examen. « Le rôle de ces derniers n’a en aucune manière été modifié par le décret. Je rappelle qu’ils restent souverains. Or je constate que certains jurys appliquent mathématiquement l’échec à 8 ou 9/20 alors qu’ils gardent la possibilité – comme cela se pratiquait couramment dans l’ancien système – de valider une connaissance acquise en fonction du niveau d’exigence fixé ». Pour le ministre, ce changement d’attitude expliquerait en partie la baisse (qui reste à confirmer) du taux de réussite à 60 crédits et la hausse des cas d’échec partiel. Intensifier la remédiation précoce Conviendrait-il, comme le suggèrent des professeurs, de baliser davantage la durée du parcours ? « On peut en parler mais dans la mesure où on ne raisonne plus en années d’étude mais en accumulation de crédits c’est plus facile à dire qu’à faire. N’oublions pas que la finançabilité de l’étudiant (NDLR : lorsque le jeune persiste à faire du surplace, il n’est plus financé par les pouvoirs publics) est en soi un garde-fou. Tout le monde souhaite qu’un cursus dure le moins longtemps possible mais reconnaissons qu’entre le 20e et le 21e siècle, la manière de faire des études a fondamentalement évolué : il y a aujourd’hui davantage de séjours à l’étranger, davantage de masters complémentaires, davantage de jeunes contraints de travailler pour subvenir à leurs besoins… ». Et davantage d’étudiants tout court… alors que « les résultats des élèves dans le secondaire n’ont pas connu d’évolution significative ». Les professeurs ne disaient pas vraiment autre chose en pointant le fait que « nombre de jeunes ne disposent pas des compétences indispensables à un niveau universitaire ». Pourtant, Jean-Claude Marcourt fait le pari inverse : intensifier la remédiation précoce pour combler les lacunes de l’enseignement obligatoire inégalitaire. Même si… « ce n’est pas toujours ceux qui en ont le plus besoin qui y font appel ».

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