Le scandale Danske Bank éclabousse le régulateur danois

Mon premier est une « lessiveuse » installée en Estonie. Mon second, la première banque danoise. Et mon tout, une énorme affaire de blanchiment – on parle de 200 milliards d’euros ! Le scandale a conduit à la démission du patron de la Danske Bank, Thomas Borgen, et du président de l’autorité danoise de contrôle. Il ébranle également toute l’Europe, s’ajoutant à d’autres affaires du genre (mais pas de la même ampleur) aux Pays-Bas, en Espagne, en Allemagne et en Lettonie. L’histoire, comme souvent, est affaire de gros sous. Elle commence en 2007, quand Danske Bank rachète la banque finlandaise Sampo et hérite ainsi d’une filiale estonienne. Celle-ci va se révéler être une vache à lait. En 2001, elle assure ainsi 11 % des profits totaux du groupe danois, alors qu’elle ne représente que 0,5 % des actifs. Mais quel est donc ce « business » est donc très rentable ? La gestion de comptes bancaires pour non-résidents. Sous l’égide de Thomas Borgen, à la tête de division internationale du groupe danois entre 2010 et 2012, Danske Bank décide de développer cette activité… malgré les mises en garde précoces. Dès 2007, l’autorité de contrôle danoise est ainsi avertie par la Banque de Russie des soupçons portant sur les transactions effectuées par les clients russes de Sampo Bank. Il est question évasion fiscale et de sortie illégale de capitaux, mais aussi de blanchiment d’argent criminel. Une raison suffisante d’ouvrir une enquête ? Le régulateur danois se contente de faire suivre le courrier à Danske Bank, qui répond que sa nouvelle filiale respecte les règles en vigueur. D’autres mises en garde suivront, pareillement ignorées par le conseil d’administration de Danske Bank. Ainsi, en 2013, JP Morgan cesse d’assurer le rôle de banque correspondante pour les transactions en dollars de la filiale estonienne du groupe danois, en raison justement de soupçons de blanchiment. Mais, à la même époque, Thomas Borgen, désormais grand patron du groupe danois, exclut pourtant de réduire l’activité « non-résidents » de la filiale estonienne. De nouveaux avertissements, ainsi qu’un rapport très critique du comité d’audit interne de Danske Bank, sont à nouveau ignorés en 2014. Ce n’est qu’au début de l’année suivante que le groupe danois décide de mettre un terme à ces comptes bancaires « non-résidents » en Estonie. Des contre-feux qui échouent à contenir l’incendie L’affaire aurait pu ainsi être classée… sans les révélations de la presse danoise l’an passé. Depuis, le scandale n’a cessé de prendre de l’ampleur. Malgré les contre-feux. Ainsi, en mai dernier, le régulateur danois clôt son enquête sur… de simples réprimandes. Mais doit la rouvrir en août. De son côté, la banque commandite un « rapport indépendant », le mois passé, qui reconnaît des lacunes importantes dans le contrôle de la filiale estonienne, mais conclut que le conseil d’administration et le management n’ont pas manqué à leurs obligations légales. « Le cabinet d’avocats qui a été chargé de ce rapport n’est ni indépendant ni impartial. Il était en relations commerciales avec Danske Bank depuis plusieurs années et avait représenté le conseil d’administration dans le cadre d’enquêtes antérieures menées par les autorités de contrôle danoises et estoniennes, explique Edouard Fremault, du cabinet de défense des actionnaires Deminor. Nous demanderons, lors de la prochaine l’assemblée générale, la nomination d’un enquêteur indépendant chargé de faire rapport aux actionnaires, ainsi que le permet le droit danois. » Deminor a été mandaté par plusieurs investisseurs institutionnels pour défendre leurs intérêts – l’action Danske Bank a en effet perdu 30 % depuis le début de l’année. L’enjeu va bien au-delà de la banque – et de ce que savaient ou non le conseil d’administration et le management. « L’autorité de contrôle n’a jamais sérieusement enquêté ni imposé de réelle sanction », note Edouard Fremault. Il n’est pas le seul à se demander jusqu’à quel point le gendarme danois a voulu protéger un « champion national. »

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