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Affaire Khashoggi : et si les Belges passaient aux actes en Arabie Saoudite

L’évidence est pour la Belgique de stopper toute vente d’armes à l’Arabie saoudite

Édito - Editorialiste en chef Temps de lecture: 3 min

Faut-il geler les ventes d’armes à l’Arabie saoudite ? Oui. Faut-il arrêter de vendre des armes à l’Arabie saoudite ? Oui.

Ces deux réponses étaient déjà évidentes avant l’assassinat de Jamal Khashoggi, au vu notamment des exactions au Yémen. Mais aujourd’hui, le régime de Mohamed Ben Salmane montre au monde le peu de cas qu’il fait des droits de l’homme et de la vie des êtres humains et de ses citoyens. Ce pays non seulement assassine ses détracteurs – même s’ils ont la parole et l’écriture pour seules armes –, mais en violation des conventions internationales (dans un consulat) et en se moquant du monde. Le régime a ainsi nié l’évidence, pour ensuite, sous la pression croissante de l’extérieur, livrer les versions les plus ridicules pour expliquer l’inexplicable. Cette multiplication de mensonges publics vaut même pour son principal allié, les Etats-Unis, décidément très mal récompensé de sa conscience ultra « élastique ».

Et donc, à la lecture de ces éléments, l’évidence est pour la Belgique de stopper toute vente d’armes à l’Arabie saoudite.

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Ce qui s’énonce aisément sur le plan éthique, se conçoit visiblement un peu moins bien par le prisme des intérêts économiques. On se rappellera qu’en juin 2017, mis en difficulté suite au vote (erroné) de la Belgique plaçant l’Arabie saoudite à la tête de la commission des droits de la femme des Nations unies, Didier Reynders avait renvoyé le problème aux régions, sommées de décréter un embargo sur les ventes d’armes à ce pays.

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La patate chaude revenait notamment vers Paul Magnette, placé devant le dilemme « éthique-emplois (de la FN) » très compliqué pour un ministre-président socialiste. Mais force fut de constater, quelques mois plus tard, que ces décisions d’embargo étaient difficiles aussi pour Willy Borsus soudain au pouvoir en Wallonie, bottant en touche vers l’Europe pour éviter d’interdire des contrats d’exportation wallons.

Résultat : un an plus tard, les raisons de renoncer au marché saoudien n’ont fait que s’amplifier mais la petite Belgique est toujours l’un de ses fournisseurs.

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Les Wallons ont raison : renoncer aux ventes d’armes ne sert à rien si les concurrents européens ne font pas de même. Mais nous ferons deux remarques :

1) La Belgique dans cette affaire fait preuve comme l’Europe d’une grande hypocrisie, tergiversant sur l’éthique pour éviter le conflit commercial avec l’un des plus riches acheteurs du monde.

2) Il en va du commerce des armes comme du nucléaire : en « sortir » demande de prendre d’abord une décision claire et ensuite les mesures qui en gèrent les conséquences sur une période de temps donnée.

Et donc aujourd’hui, si l’Arabie saoudite a les mains libres, c’est encore et toujours avec notre complicité.

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12 Commentaires

  • Posté par Constant Depièreux, mardi 23 octobre 2018, 8:19

    Limiter les relations belge-arabes aux seules livraison d'armes est une vision à très courte vue, puisqu'il faudrait aussi remettre en question d'autres types de partenariats économiques, les livraisons de pétrole par exemple ...

  • Posté par Lechat Nadine, lundi 22 octobre 2018, 16:52

    Il est bien commode de s'en remettre à l'Europe pour éviter d'avoir à assumer ses propres choix. Ne peut-on pas avoir une éthique personnelle en tant qu'Etat? L'Arabie Saoudite ne nous achète des armes que pour s'assurer de notre silence (comme celui d'autres pays européens). En plus des armes, les Saoudiens achètent donc (surtout?) notre soumission.

  • Posté par frederick joly, lundi 22 octobre 2018, 16:36

    Le jour où on verra la FGTB, le PTB & Mme Delvaux se rendre dans les locaux de la FN pour dire qu'on va vendre moins, donc fabriquer moins et donc licencier n'est pas demain la veille.... facile de donner des leçons de morale...les appliquer et en subir/accepter les conséquences est une autre chose...

  • Posté par Bachelart Bernard, lundi 22 octobre 2018, 16:36

    La championne des leçons de morale manque totalement de sens pratique. Ce qu'il faut faire, et qui est d'ailleurs fait par les autorités belges et wallonnes, c'est de s'adresser à l'Europe pour exiger un gel des fournitures d'armes à ce pays jusqu'au changement de régime. Le mieux évidemment serait de faire remonter l'affaire à l'ONU.

  • Posté par Petitjean Charles, lundi 22 octobre 2018, 16:15

    Au-delà des considérations éthiques, qui n'ont pas grand écho dans la lutte pour l'hégémonie mondiale (Un Etat n'a pas de morale, il n'a que des intérêts), il faut souligner l'importance économique des ventes d'armes et donc des guerres. En 2016, selon La Tribune, les ventes d'armes dans le monde représentaient 31.075 millions de dollars dont 33% pour les seuls Etats-Unis (la Russie 23%, la Chine 6,7%, la France 6% et l'Allemagne 5,6% ). La progression de l'industrie de l'armement et donc des guerres augmente le PIB mondial et participe à la croissance si chère aux capitalistes ... et aux forces sociales car c'est une extraordinaire créatrice d'emplois. Aux Etats-Unis, cette industrie de l'armement est la troisième activité économique après l'industrie pharmaceutique et l'industrie informatique. Si vous la supprimez, si vous supprimez les guerres l'économie des Etats-Unis devient une économie pauvre. (Pétrella). Il faut donc des guerres pour alimenter les dividendes des actionnaires capitalistes ... et pour donner du travail à des millions de travailleurs ! Considérations assez cyniques mais qui reflètent une réalité que nos irresponsables politiques cachent derrière de fallacieuses considérations stratégico-diplomatiques et -comble du cynisme si c'est possible- parfois derrière les droits de l'homme !

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