Jean-Marc Nollet (Ecolo): «L’Agence de contrôle nucléaire agit totalement sous influence»
L’Agence, dirigée par le contesté Jan Bens, est dans le viseur des écologistes : « La sécurité est une question politique », lance Nollet.


Outre les déclarations de son directeur Jan Bens, l’indépendance de l’Agence de contrôle nucléaire (AFCN) fait également débat dans les rangs parlementaires. Et plus particulièrement au sein du groupe Ecolo/Groen. Ce mardi, c’est le chef de file Jean-Marc Nollet qui dégaine. Selon lui, l’indépendance de l’AFCN n’est « pas effective ». Elle agirait « totalement sous influence du gouvernement et d’Electrabel ».
Or, l’Agence a un rôle clé : elle devra donner son feu vert avant toute prolongation à Doel 1 et 2, car son avis est le seul qui importe sur les questions de sûreté nucléaire. « Sur tout le volet sécurité et sûreté, la ministre de l’Energie Marie-Christine Marghem s’en lave complètement les mains. Elle renvoie vers le ministre de l’Intérieur Jan Jambon. Et quand on interroge Jambon, il se retranche derrière l’Agence fédérale, comme si la question de la sécurité n’était pas aussi une question politique », commente Nollet.
L’Ecolo ne se limite pas à des accusations gratuites. Il étaye son discours par quatre exemples concrets où l’AFCN « aligne ses exigences vers le bas, comme si l’Agence s’était mise elle-même en position de soumission par rapport au calendrier déterminé par le gouvernement et aux exigences de rentabilité déterminées par Electrabel ».
1 L’enquête internationale. Pour prolonger la durée de vie de réacteurs nucléaires, l’Agence internationale du nucléaire est souvent appelée à la rescousse, histoire de s’assurer qu’il y a une certaine uniformité entre les exigences réclamées dans les différents Etats membres. Cette mission de surveillance, baptisée Salto, n’a pas de caractère légal obligatoire. Mais disons qu’elle est recommandée et que la Belgique a toujours plaidé pour qu’elle ait lieu. « L’enquête Salto, c’est la seule garantie qu’on a qu’il y ait un regard extérieur international. Car le nucléaire est un monde très fermé, et encore plus dans un petit pays. En Belgique, il y a donc une forme de consanguinité dans ce secteur. Seul ce regard international permet d’avoir la garantie qu’on agit en toute indépendance. Ça devrait d’ailleurs rassurer l’Agence d’avoir un second avis », résume Jean-Marc Nollet.
Sauf que cette mission Salto ne pourra pas avoir lieu avant 2016 dans le cas de Doel 1 et 2, soit après le quarantième anniversaire des réacteurs. Ce qui irrite Jean-Marc Nollet. « A Tihange 1, quand le gouvernement a pris la décision de prolonger, il a décidé de lancer ce “peer review” (regard critique international, NDLR). Et il a pris cette décision en 2012, avant même de voter la loi de prolongation. Mais lors d’auditions organisées par la commission Economie, l’Agence a dit que cette mission Salto serait peut-être difficile pour Doel 1 et Doel 2 compte tenu du délai réduit pour sa préparation. Mais on s’en fout. La question du calendrier ne rentre pas dans les compétences de l’Agence. Elle, elle est là pour veiller à ce qu’il y ait la sécurité nécessaire. Point barre. Je ne peux accepter ce qu’a dit Jambon en commission : une mission au rabais, en une semaine, en 2016. Cette mission Salto doit être complète et avoir lieu avant qu’on donne le feu vert à Doel 1 et 2. »
2 Le niveau d’exigence. Autre point qui inquiète l’Ecolo : les normes de sécurité qui seront imposées à Doel 1 et 2 avant de les relancer pour 10 ans. « Je suis retourné dans les documents historiques de l’Agence, explique l’ex-ministre wallon de l’Energie. Des documents publics, qui ont été préparés in tempore non suspecto, en 2009 (quand on parlait de prolonger Doel 1, 2 et Tihange 1, avec quelques années pour se préparer, NDLR). Il est demandé à l’exploitant de proposer des améliorations techniques afin de se rapprocher du niveau des centrales nucléaires les plus récentes. Donc pas les centrales belges, mais bien les centrales les plus récentes. Sauf que désormais, l’Agence utilise un document qui fait référence à un “niveau de sûreté au minimum égal à celui de la conception”. On a l’impression que l’AFCN glisse vers une solution laxiste en termes d’exigences et qu’on va se satisfaire du niveau exigé au moment de la mise en service des centrales en 1975. Mais, depuis, il y a eu Tchernobyl, Fukushima, les attentats du 11 Septembre. Et il y a des exigences qui n’existaient pas à l’époque qui doivent être reprises aujourd’hui. »
3 Le calendrier. « A plusieurs reprises, l’Agence a répété que pour l’aspect vieillissement, les modifications nécessaires doivent être réalisées avant que les centrales n’atteignent leur quarantième année d’exploitation. C’est-à-dire 2015. C’est un des points qui me fait dire que c’est impossible de redémarrer en décembre Doel 1 et 2 », poursuit Jean-Marc Nollet. Son argument ? Une interview dans L’Echo (le 30 août 2014) dans laquelle Jan Bens déclarait que « cela prendrait deux ou trois ans pour préparer la prolongation » de Doel 1 et 2. Mais le patron de l’AFCN a apparemment changé d’avis en cours de route. « Récemment, en commission, Jans Bens n’excluait plus une relance au mois de décembre, reprend Nollet. C’est totalement incohérent. C’est un estompement des exigences. Et là-dessus, je ne peux pas le suivre. »
L’Agence n’a-t-elle pas le droit de changer de discours vu le contexte de pénurie ? « Non, rétorque Jean-Marc Nollet. Je le redis, la mission exclusive de l’Agence, c’est la sûreté. Ce n’est pas son job de s’occuper de la sécurité d’approvisionnement. Elle ne peut pas intégrer dans son raisonnement des questions de rentabilité économique d’Electrabel ou d’urgence politique. »
4 L’avis juridique. Malmené par les députés de l’opposition sur des questions d’ordre juridique relatives à la relance du réacteur de Doel 1, Jan Bens avait fini par conclure qu’il commanderait un avis juridique pour commenter la stabilité du texte. Cet avis a depuis été distribué aux parlementaires, et il est très critique sur le projet de loi actuel. « Cet avis dit clairement qu’il n’y a plus d’autorisation pour Doel 1. Donc l’Agence fédérale doit signifier au gouvernement qu’il faut une nouvelle autorisation et une étude d’incidences, commente Nollet. Même si ces procédures ralentissent le calendrier espéré par le gouvernement, il n’est pas question que l’Agence néglige l’avis qu’elle a elle-même demandé. »
Et Jean-Marc Nollet de conclure : « Voilà les quatre points qui nous font craindre un certain laxisme de l’Agence, qui sort clairement de sa mission initiale de contrôle de la sécurité. Nous (le groupe Ecolo/Groen, NDLR) voulons lui envoyer un avertissement sans détour. Une carte bien jaune. »
Reste à voir comment l’Agence se comportera dans les mois qui suivent. Car un autre gros dossier va débarquer sur la table du gendarme : celui des deux réacteurs micro-fissurés de Doel 3 et Tihange 2, qu’Electrabel devrait remettre dans les prochains jours. Une chose est sûre : il y a du boulot !
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