L’immobilier neuf profite de la conjoncture favorable
Sans exploser, le rythme des constructions neuves ne connaît pas de contretemps. La part des investisseurs parmi les acheteurs est toujours plus importante. La percée d’Ecolo inquiète.


Croissance démographique oblige, l’heure est à la construction de logements en Belgique. À Bruxelles, on ne compte plus les projets d’immobilier neuf qui fleurissent à chaque coin de rue. En Wallonie, c’est pareil, même si les règles diffèrent. Mais que construit-on ? Et comment le fait-on ?
Nous avons interrogé Aubry Lefebvre, l’administrateur délégué de Thomas & Piron Bâtiment, soit la branche du groupe qui est en charge de la construction-promotion des appartements. Lorsque 2018 ne sera plus qu’un souvenir, T & P en aura érigé 575 au cours des douze derniers mois. Si l’on ajoute 700 maisons déjà construites ou à terminer d’ici fin décembre, cela fait 1.275 logements en un an. En 2017, le groupe en avait construit 1.190.
Une belle manne qui confirme la bonne tenue du segment. « La qualité de nos projets reste un point essentiel mais il ne faut pas oublier la conjoncture favorable grâce à des taux qui restent très bas, confirme à ce sujet Aubry Lefebvre. Ajoutez à cela la réalité boursière qui n’est pas au top et vous comprendrez pourquoi l’immobilier reste une valeur sûre dans notre pays. »
Le phénomène est observé depuis plusieurs années : quand un immeuble sort de terre, il est pris d’assaut par une part toujours plus importante d’investisseurs, lesquels n’achètent pas dans le but d’occuper le bien, mais bien dans celui de le louer. Aujourd’hui, cette part frôle les 50 %. Voilà pourquoi quand un immeuble a été entièrement vendu, cela ne veut pas dire qu’il est entièrement occupé. Une situation inquiétante dans un domaine où, on le sait, l’accès au logement reste très difficile pour beaucoup. « J’avoue que par moments, cette part importante d’investisseurs m’a inquiété, avoue notre interlocuteur. Mais d’un autre côté, je constate que nous n’avons jamais eu un immeuble avec plus de 5 affiches “à louer”. La demande en location est présente, et bien présente. »
Les freins à l’achat sont connus et n’ont pas varié : prix du terrain en hausse, TVA à 21 % (12,5 % sur de l’ancien) et obligation pour l’acheteur d’apporter une part de fonds propres toujours plus importante. « Or, on constate que les parents et grands-parents contribuent moins à l’achat qu’avant, insiste à ce sujet Aubry Lefebvre. Cela rend la situation des jeunes difficile. Dans le même temps, on assiste de leur part à une tendance nouvelle : ils n’ont plus toujours envie de devenir propriétaires. De nos jours, les jeunes recherchent une flexibilité en matière de logement et d’emploi car ils ne raisonnent plus suffisamment à long terme. Plutôt que de rembourser 800 euros par mois, ils préfèrent en payer 600 et garder la différence pour s’offrir du divertissement, comme par exemple des city-trips. Le phénomène vaut surtout pour les appartements. Les maisons intéressent quant à elles davantage des acheteurs occupants. On le voit car la proportion de locataires dans les maisons est basse. »
Chez Thomas et Piron, qui réalise 75 % de son chiffre d’affaires en Wallonie et 25 % à Bruxelles, on assure observer un équilibre entre propriétaires et locataires. « Avoir 100 % de locataires dans une nouvelle construction n’est pas l’idéal pour la bonne vie de la copropriété et l’entretien à long terme du bâtiment, explique ainsi Aubry Lefebvre. Un minimum de 30 % de propriétaires occupants est préférable. Chez nous, ce taux flirte toujours entre 40 et 50 %. » Impossible d’évoquer l’immobilier neuf sans aborder les taux d’intérêt de l’emprunt hypothécaire. « S’ils montent, comme cela sera le cas dans le futur, ce n’est pas bon pour nous puisque cela éloignera une partie de la clientèle de l’achat immobilier, avoue l’administrateur délégué. Mais les prévisions parlent d’un point supplémentaire, pas davantage, dans les deux ans. On a le temps de voir venir… »
En attendant, beaucoup de promoteurs essaient d’adapter leurs produits à la nouvelle réalité du terrain. « Nous faisons deux fois plus attention aux matériaux que nous utilisons que par le passé, confesse Aubry Lefebvre. La localisation de nos projets est également complétée : en sus d’une localisation extraordinaire, on recherchera aussi un bon quartier où les prix sont plus abordables. Le fait d’être à la fois constructeur et promoteur nous permet évidemment d’être très compétitifs. »
L’autre inquiétude concerne les élections communales qui viennent d’avoir lieu et qui ont sacré les écologistes un peu partout en Belgique. Beaucoup de promoteurs redoutaient ce résultat car Ecolo est considéré, à tort ou à raison, comme un parti refusant une expansion de la construction neuve. Aubry Lefebvre a un avis nuancé. « Comme dans tous les partis, il y a toujours parmi les dirigeants les pragmatiques et les radicaux, dit-il. Les premiers considèrent le logement comme une nécessité, ils acceptent une densification raisonnée de notre territoire et comprennent que l’immobilier neuf, c’est bon pour les performances énergétiques. Les autres auront tendance à augmenter démesurément les contraintes apportées aux projets des promoteurs : isolation acoustique poussée à l’extrême, voiries onéreuses, espaces démesurés pour les vélos partagés, j’en passe et des meilleures… Ils doivent comprendre que ces exigences cumulées, même si elles sont louables, augmenteront encore le prix de l’immobilier… »
Les changements de majorité dans certaines communes ne rassurent pas non plus le secteur. « Ma grosse crainte reste la même qu’après chaque élection : une nouvelle majorité risque de détricoter par principe ce que la majorité précédente a réalisé en matière de permis. Si cela arrive, le promoteur n’aura d’autre choix que de tout recommencer… »
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