Anderlecht: le mental, talon d’Achille des Mauves

En perdant à Eupen en raison d’une première mi-temps « indigne d’Anderlecht » dixit Hein Vanhaezebrouck, le Sporting a poursuivi sa saison sous forme de montagnes russes. Depuis l’entame de l’exercice 2018-19 au cœur de l’été, les hauts et les bas se succèdent dans les rangs des joueurs anderlechtois. Un yo-yo qui trouve sans doute sa genèse dans la fragilité mentale affichée par les ouailles de « HVH ». Un véritable talon d’Achille qui se voit comme le nez au milieu de la figure et se constate pratiquement lors de tous les matches du RSCA peu importe le résultat final. Un problème qui comporte plusieurs niveaux de lecture. Il y a d’abord le manque criant de leaders au sein d’un noyau où résident pourtant quelques joueurs dont l’expérience dans le football professionnel devrait amener à prendre les plus jeunes sous leur aile quand les choses tournent mal sur le terrain. Des jeunes lancés dans le grand bain dont il faut également gérer la dimension mentale de leur ascension fulgurante dans un monde où la critique peut surgir de n’importe quel côté qui plus est dans le plus grand club du pays. Une institution bruxelloise où le beau jeu a toujours été la norme mais qui ne doit en aucun cas servir d’excuse pour justifier un manque d’engagement lorsqu’il faut sortir son bleu de travail pour éviter les pièges tendus par des équipes comme l’Antwerp, Saint-Trond ou Eupen. Des manquements qu’il ne sera pas simple de gommer dans le chef des Bruxellois tant ils partent de loin. Pour preuve, chaque fois qu’un fait de jeu – qu’il ait un impact ou non au tableau marquoir – est en leur défaveur, leur mental en est affecté. Et ce qui est compréhensible quand on encaisse deux buts coup sur coup contre Fenerbahçe qui revient à votre hauteur l’est beaucoup moins lorsque l’adversaire réduit l’écart de 4-0 à 4-2 ou lorsqu’un ballon trouve le poteau sur un coup franc lointain comme ce fut le cas au Kehrweg dimanche. L’absence de leader dénoncée par « HVH » Rien de neuf sous un soleil de plus en plus rare à l’aube du mois de novembre. Actuellement, le groupe anderlechtois manque cruellement de leaders capables de donner un grand coup dans la fourmilière lorsque les choses tournent au vinaigre sur le terrain. Et comme Hein Vanhaezebrouck ne possède plus dans son groupe des garçons comme Olivier Deschacht, dont certains coups de gueule dans le vestiaire lui avaient valu des ennuis disciplinaires, ou Kara Mbodji, qui fait les beaux jours de Nantes où on l’a notamment engagé pour sa capacité à mobiliser un groupe et se placer au-dessus de la mêlée, l’entraîneur des Mauves a dû se résoudre à se tourner vers certains joueurs en leur demandant d’endosser ce costume particulier. Il s’agit des garçons amenés à prendre le brassard de capitaine comme Trebel, Didillon, Boeckx ou encore Kums. Cela ne porte pas vraiment ses fruits tant « HVH » s’est penché sur le sujet à plusieurs reprises. « À certains moments, les joueurs importants doivent être capables de relever la tête et de diriger les autres même s’ils font une erreur. Cela ne doit pas toujours venir de l’entraîneur », avait indiqué Vanhaezebrouck après la victoire contre le Cercle. « Il a raison de me demander cela », avait rétorqué Sven Kums quelques jours plus tard. « Mais il y a différentes leaders. J’en suis un de par mon exemplarité, mon expérience et par le fait que j’ai été capitaine. Mais, à 30 ans, je ne pense pas qu’on va changer mon caractère du tout au tout. » Est-ce que cette absence pourrait servir à révéler certains joueurs du noyau ? À Eupen, dimanche, Pieter Gerkens était l’un des seuls qui tentait vaille que vaille d’haranguer ses partenaires. À 23 ans, le Limbourgeois est l’un de ceux qui ont le plus grand vécu dans le noyau A du Sporting. Cela pourrait être aussi le cas des jeunes du cru. À commencer par Alexis Saelemaekers même si le joueur de flanc doit encore prendre de la bouteille pour pouvoir accéder à ce rôle particulier mais ô combien crucial au sein d’un noyau. Trop de coups pris sans en donner « Nous devons être plus forts et plus agressifs. On doit également faire preuve de davantage de mentalité, montrer qui on est quand on est sur le terrain. Et aussi faire des fautes, donner des coups, prendre des jaunes. » Le message d’Ivan Santini après le partage face à Fenerbahce jeudi dernier résume bien le sentiment global des observateurs du RSCA. Sur le pré, les Bruxellois sont trop souvent les seuls à prendre des coups. Et s’il est logique qu’en championnat de Belgique, l’adversaire d’Anderlecht use de tous les subterfuges plus ou moins licites pour arrêter les Mauves, c’est en Europa League que les chiffres sont les plus marquants (et les plus inquiétants). Ainsi, sur ses trois premiers matches de poule en Europa League, Anderlecht a écopé de six cartes jaunes (dont les deux de Vranjes contre Zagreb) pour 17 (!) du côté de ses adversaires (dont les deux de Téophile-Catherine, toujours face à Zagreb). Si le chiffre des adversaires est particulièrement élevé, celui du RSCA est trop faible en comparaison. Et il montre qu’Anderlecht peine à s’imposer dans l’impact physique. Face aux Turcs de Fenerbahce, Zakaria Bakkali ou Kenny Saief se sont régulièrement retrouvés au tapis alors qu’aucun joueur adverse n’a semblé souffrir dans ses duels avec les Anderlechtois. Et ce dimanche à Eupen, Knowledge Musona – qui a pourtant tenté ce qu’il a pu – s’est fait complètement bousculer par Siebe Blondelle dans le rond central sans montrer de réelle réaction sur la phase du 1-0. Moins de 5 secondes plus tard, Luis Garcia ouvrait le score sur une frappe déviée par le pauvre Sebastiaan Bornauw. Les rares joueurs du noyau qui amènent suffisamment de hargne sont finalement Ivan Santini – à quatre jaunes depuis la cinquième journée de championnat –, Kenny Saief ou Andy Najar, mais cela ne suffit pas à insuffler une vague réactionnaire à l’ensemble (fragile) des Anderlechtois. Manque de révolte face à l’adversité Bien que la deuxième mi-temps au Kehrweg ce dimanche ait montré une réaction de la part des hommes de Hein Vanhaezebrouck, le sentiment est trop souvent qu’Anderlecht ne parvient pas à retourner en sa faveur une situation compromise. D’ailleurs, sur les huit fois où Anderlecht a été mené cette saison toutes compétitions confondues, il n’est parvenu à éviter la défaite qu’à deux petites reprises : à Charleroi (1-2) et contre le Standard (2-1). Dans les six autres cas, les Mauves ont perdu le match. Et il n’y a seulement lors de la défaite au FC Bruges (2-1) que les Bruxellois étaient revenus à hauteur de leurs adversaires avant de les voir reprendre le dessus. Lors des autres parties, ils ne sont jamais parvenus à revenir au score. D’ailleurs, sur ces six défaites, quatre l’ont été sans marquer le moindre but, la plus flagrante étant évidemment celle face à l’Union Saint-Gilloise en Coupe de Belgique (0-3). Outre le fait d’être mené au marquoir, de petits grains de sable ont parfois suffi à enrouer une machine bruxelloise qui semblait pourtant sur la bonne voie. À Zulte Waregem (0-2 puis 1-2) ou face au Cercle (4-0 puis 4-2), Anderlecht menait tranquillement avant de se faire très peur en fin de rencontre, tandis que les mots de Hein Vanhaezebrouck ce dimanche sont éloquents : « On n’a pas mal commencé la rencontre, mais dès que Luis Garcia a envoyé son coup franc sur notre poteau, notre audace s’est envolée comme par enchantement. » Il n’a donc même pas fallu que le score soit défavorable au Sporting bruxellois pour que la peur le gagne ce dimanche à Eupen. Et les germanophones ne se sont pas priés pour faire payer cher l’apathie des hommes de Vanhaezebrouck en prenant ensuite très facilement les commandes du match. Individuellement non plus, les Mauves ne parviennent pas assez souvent à se remettre de leurs erreurs individuelles. Ainsi, face à Zagreb, les minutes qui ont suivi l’énorme erreur d’Andy Najar sur le 0-1 ont montré que malgré son expérience, l’international hondurien n’avait pas su relever la tête directement. Quant à Pieter Gerkens contre Fenerbahçe, sa passe en retrait suicidaire sur le 2-1 a précédé une fin de match très compliquée de l’ancien Trudonnaire, pourtant bon ces dernières semaines. Plus fragiles, les jeunes doivent être protégés Il n’est nullement question d’incriminer les jeunes pousses ou de leur demander de prendre en main le reste du noyau. Mais, avec les Saelemaekers, Amuzu ou Bornauw pour ne citer que ceux qui ont un temps de jeu régulier en équipe première, l’aspect mental est un élément clé à maîtriser pour ne pas les « casser ». L’exemple de Sebastiaan Bornauw est parlant. Pas vraiment attendu comme un titulaire en puissance avant le début de la saison, celui dont les intérêts sont gérés par Daniel Van Buyten s’est révélé dès la préparation estivale. Une arrivée en D1A qui a été saluée. En cette fin octobre, la vision n’est plus aussi angélique pour le défenseur central de 19 ans dont les deux dernières performances – face à Fenerbahçe en Europa League et à Eupen en championnat – ont été vivement critiquées. Pas de quoi remettre en question les qualités d’un garçon qui, sur le plan mental, va devoir gérer un premier moment délicat dans sa jeune carrière. Il ne serait d’ailleurs pas très étonnant que Hein Vanhaezebrouck opte pour Ognjen Vranjes lors de la réception de Lokeren jeudi après-midi (14h30). Pour protéger son poulain en lui faisant comprendre qu’il ne s’agit en rien d’une punition mais que cela fait partie de son apprentissage. Une situation qui peut arriver à un jeune à qui on ne peut pas exiger une constance dans les performances quand il a fait le grand saut dans le football professionnel quelques semaines ou mois plus tôt. Un rite de passage sur le plan mental qui n’est pas simple à surmonter sans doute encore davantage dans le chef de joueurs qui ont connu une grande partie de leur formation au Sporting d’Anderlecht où on est habitué à écraser ses adversaires et très peu connaître l’adversité. Cela vaut pour Bornauw mais également pour d’autres éléments du noyau à qui on a fait de beaux discours et qui retournent quelques mois plus tard disputer les rencontres de la réserve pour avoir du temps de jeu. Une épreuve que seuls les plus costauds sur le plan mental traverseront sans séquelle.

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