Le juge Moro entre au gouvernement Bolsonaro

Depuis Rio de Janeiro C’est une « belle prise » que vient de réaliser le nouveau président Jair Bolsonaro. Le juge Sergio Moro, en charge de l’enquête contre la corruption au sein de Petrobras (Lava Jato), sera donc son ministre de la Justice et de la Sécurité publique. Bolsonaro veut réduire le nombre de ministères de 29 pour 15 en créant des « super-ministères ». Sergio Moro aura aussi en charge des attributions réalisées jusqu’à présent par le ministère des Finances : la Transparence, le contrôle des comptes de l’Union et le Conseil de contrôle des activités financières (COAF), un organe important dans le combat au blanchiment d’argent. La presse brésilienne a ainsi titré que « Sergio Moro devient le ministre de la Justice le plus puissant de l’histoire contemporaine ». Un soulagement pour les politiques dans son viseur La décision du juge a surpris car jusqu’à présent, Sergio Moro avait toujours affirmé « ne jamais vouloir entrer en politique ». Dans un communiqué, il a justifié sa décision par « la perspective de mettre en œuvre un programme solide de lutte contre la corruption et le crime organisé ». Pour Sylvio Costa, fondateur du site d’information politique Congresso em Foco, le départ du juge de Curitiba a plusieurs conséquences : « Il va sans doute renforcer la lutte contre la corruption comme ministre mais l’effet immédiat de sa sortie est un grand soulagement pour les politiques, en particulier ceux qui n’ont pas été réélus et dont les affaires vont à Curitiba. Moro peut être remplacé par quelqu’un d’aussi dur que lui, mais l’effet psychologique de sa sortie est énorme. Moro était craint par les politiques et les entreprises pour sa capacité d’articuler ses décisions avec le pouvoir judiciaire et garantir la confirmation de ses jugements, l’obsession qu’il a mise pour condamner les plus grandes personnalités du PT et du monde économique. Sa sortie est d’ailleurs saluée ce jeudi par la bourse ». [scald=25391334:sdl_editor_representation] Impartialité ? Le juge a confirmé qu’il allait quitter son poste de magistrat et ne sera donc plus en charge du dossier de Lula, à nouveau jugé le 14 novembre prochain. Dans les considérations finales de ce jugement, ses avocats ont cité l’offre de Bolsonaro comme une preuve de la partialité du juge. Le vice président, le général Hamilton Mourão a confirmé que « Moro avait été approché par le futur ministre de l’Économie, Paulo Guedes, depuis plusieurs semaines ». Or le juge avait été très critiqué par la gauche pour avoir divulguer quelques jours avant le premier tour de l’élection, la délation récompensée de l’ancien ministre de Lula, Antonio Palocci, condamné par Moro à 12 ans de prison et qui tente d’obtenir une réduction de peine en échange de ses aveux. Interrogé par le Conseil National de la Justice (CNJ), pour ce calendrier, Moro avait répondu par écrit qu’il ne « pouvait arrêter de travailler pour cause d’élection ». Modèle italien Le juge a toujours considéré que divulguer des informations exclusives à la presse, faisait partie de son travail pour gagner l’opinion publique à sa faveur. Dans un article de 2014 sur l’opération « Mains propres » en Italie, qu’il a beaucoup étudié, il détaille justement la collaboration continue entre médias et juges italiens qu’il a reproduite au Brésil. Les grands médias brésiliens ont tous ouvert un bureau à Curitiba, et alimenter quotidiennement leurs pages de « révélations ». Moro est allé jusqu’à divulguer en 2015 une conversation privée de la présidente Dilma Rousseff, obtenue illégalement. Le juge s’est excusé pour la divulgation mais grâce à sa popularité, il n’a jamais été puni par ses supérieurs. Dans une interview cette semaine au magazine Intercept, son ancienne chargée de presse a détaillé l’organisation des divulgations faîtes à la presse. Chaque jour, les journalistes recevaient un code d’accès pour consulter le dossier judiciaire en cours de traitement. [scald=25391335:sdl_editor_representation] Christianne Machiavelli estime aujourd’hui que « la presse n’avait aucun regard critique sur nos informations au moins pendant deux ans. La divulgation de l’audio de Rousseff était une erreur mais la presse n’a rien questionné ». Sergio Moro a sans aucun doute gagné une partie de l’opinion publique qui le voit comme un héros. Mais une autre partie, considère qu’il a aidé l’ascension de Bolsonaro à la présidence. Comme ministre, il aura en charge la corruption mais devra aussi gérer des dossiers plus polémiques comme la libération du port d’armes, la qualification comme « terroristes » de mouvements sociaux comme celui des Sans Terres ou la proposition d’abattre les délinquants comme le veut le futur ministre de la Défense. Sur ces thèmes, sa vision n’est pas connue mais elle sera déterminante pour l’approbation ou non des projets de Bolsonaro.

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