Espagne: les réquisitions contre les indépendantistes fragilisent Sánchez

Depuis Bracelone, Les réquisitions annoncées vendredi dernier contre les dirigeants catalans fragilisent le gouvernement de Pedro Sánchez. D’un côté, le procureur a requis jusqu’à 25 ans de prison (pour l’ancien vice-président catalan, Oriol Junqueras), de l’autre, l’avocat de l’État – institution qui dépend directement du gouvernement en place – réclame jusqu’à 12 ans de prison. Une peine réduite de moitié. Il en est de même pour les autres ministres ou leaders d’associations indépendantistes pour lesquels l’avocat d’État réclame des peines moins lourdes que le Parquet. Alors que l’opposition a dénoncé ce « cadeau » du socialiste aux indépendantistes, le président catalan Quim Torra, lui, n’y a vu que la preuve que Sánchez est « complice de la répression ». Un an jour pour jour après l’emprisonnement préventif d’une partie des dirigeants catalans, c’est face à une foule de manifestants, devant l’une des prisons où ils sont retenus, que Torra a annoncé sa décision : « la réponse de l’État espagnol équivaut à plus de 200 ans de prison [pour tous les accusés, NDLR], alors, Président Sánchez, nous, le peuple de Catalogne, vous retirons notre soutien et nous ne voterons jamais votre budget annuel ». Un geste critiqué Même s’il dément formellement avoir fait « un geste », l’exécutif a pourtant – via le réquisitoire de l’avocat de l’Etat – adoucit non seulement les peines mais aussi les chefs d’inculpation des anciens leaders indépendantistes. Pour la première fois depuis le début de l’instruction, le Parquet et l’avocat de l’État ne s’entendent plus. À la « rébellion », requise par le Parquet et l’un des pires chefs d’inculpation du Code pénal espagnol, l’avocat d’État a préféré celui de « sédition », sorte de rébellion sans violence qui implique des peines moins sévères. Dans leurs conclusions préliminaires, lorsque le parquet décrit des épisodes de « force, agression et violence » tels que 17.000 policiers catalans ont dû intervenir, l’avocat de l’État parle de situations de « tension, désordre public et affrontements » sans faire mention au mot « violence », qui justifierait le qualificatif pénal de rébellion, si controversé. Pour l’opposition de droite, ce « cadeau » fait aux sécessionnistes mérite des explications. Ainsi, le chef de la droite conservatrice du PP, Pablo Casado, a réclamé que Sánchez explique devant les députés « son ordre » à l’avocat de l’État de ne pas les accuser de rébellion. Une demande à laquelle s’est unie Ciudadanos. Mais pour le leader catalan qui réclame l’absolution de tous les accusés, cette réquisition n’est pas non plus satisfaisante. Pour Torra, parler de cadeau de l’exécutif n’est qu’« une ultime humiliation » Un gouvernement fragile Arrivé au pouvoir en juin 2017 après avoir remporté la motion de censure contre le conservateur Mariano Rajoy grâce – entre autres – au soutien des députés de Podemos et à ceux des indépendantistes catalans, le socialiste est aujourd’hui dans une position délicate. De l’aveu de son allié le plus fidèle, le leader de Podemos, Pablo Iglesias, l’Espagne est « plus près d’élections anticipées après ces conclusions du Parquet ». Iglesias avoue « comprendre la colère » des indépendantistes même s’il réitère son soutien au gouvernement socialiste pour le budget annuel. Il est le seul. Mais l’exécutif a fait savoir ce lundi, par les voix de ses ministres en conférence de presse ou sur les plateaux de télévision, qu’il était disposé à « continuer la législature même sans approuver le budget annuel ». La ministre de la Défense, Margarita Robles, a défendu qu’il existait « d’autres voies » pour gouverner sans majorité. Sánchez semble ainsi être disposé à gouverner l’Espagne par ordonnance. La formation socialiste ne compte que 84 sièges sur 350.

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