L’avis du nutritionniste: «Manger local ne coûte pas plus cher, au contraire»

Le professeur Yvan Larondelle est biochimiste et nutritionniste à la faculté des bioingénieurs de l’UCLouvain. Il évalue les aliments et leur impact positif sur la santé humaine. C’est quoi, manger sain et durable ? Une alimentation saine, c’est respecter un équilibre nutritionnel tel que recommandé par les diététiciens. L’idéal, c’est de consommer un peu de tout, dans les bonnes proportions. Pour s’y retrouver, le « Vlaams Instituut Gezond Levn » (Vigez) a réinventé en septembre dernier la traditionnelle pyramide de l’alimentation. Après la publication des dernières recommandations du Conseil Supérieur de la Santé en 2016, elle avait besoin d’être actualisée. En retournant le triangle, les scientifiques ont classé tous les aliments selon leur effet sur la santé et l’environnement : des aliments « sains » jusqu’à ceux qu’il « faut éviter ». L’accent est mis sur les produits d’origine végétale. Ils forment, avec l’eau, la base de la pyramide. Cette base est à compléter, avec modération, par des produits d’origine animale. Pas trop de viande rouge ni de beurre, car ces aliments sont riches en matières grasses saturées… Mais ça ne veut pas dire pas qu’il ne faut pas en manger pour autant ! Ces produits aussi contiennent aussi des nutriments essentiels pour notre organisme, comme le fer dans la viande rouge ou les vitamines liposolubles dans le beurre. Il faut manger moins de matière animale, mais meilleure. Quitte à payer un peu plus cher, mais au moins en payer le juste prix. Les aliments très transformés sont, quant à eux, à consommer avec modération. Les plus problématiques d’entre eux sont d’ailleurs bien séparés de la pyramide dans un cercle rouge. Pour l’alimentation durable, plusieurs facteurs entrent en compte : consommer local, de saison et raisonnablement, sans excès. Comment franchir le pas ? La clef qui permettra de faire évoluer les choses selon moi, c’est d’impliquer le corps enseignant et les élèves dans le processus de production des denrées alimentaires et dans les préparations culinaires. Rendre les enfants acteurs de leur alimentation, qu’ils comprennent d’où vient ce qu’ils trouvent dans leurs assiettes ! Les produits alimentaires peuvent même devenir objets d’étude. Avec ce que l’on mange, on peut faire de la biologie, des mathématiques, de la physique… Énormément de notions et de valeurs peuvent ainsi être transmises aux enfants. Autre élément-clef vecteur d’évolution pour les cantines : revenir à la simplicité de l’aliment pour minimiser l’impact écologique mais aussi les coûts. Manger local et de saison ne coûte pas plus cher, au contraire. Un « truc » pour encourager les enfants à manger mieux dans les cantines ? Outre remettre l’alimentation à sa juste place, on peut valoriser les aliments dans le self-service. Beaucoup de cantines fonctionnent avec ce système. Or, la manière dont on agence les choses influence beaucoup nos choix. Si l’on place au début du self les pâtes et à la fin les légumes, les enfants risquent de prendre moins de légumes… Réfléchir à la disposition permet de susciter une démarche alimentaire plus équilibrée. Autre truc : la taille des assiettes. Une grande assiette stimule la prise alimentaire excessive. Il vaut mieux charger une petite assiette et avoir la possibilité de se resservir. Oui, ces transitions demandent un certain investissement. Mais ne devrait-on pas consacrer plus d’énergie à ce que l’on donne à manger à nos enfants qu’à d’autres préoccupations moins vitales ?

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