Trois visions s’opposent autour du sort de l’Avenir

Initialement, c’était le sort des Editions de L’Avenir (EDA) et plus globalement de l’avenir de la presse quotidienne francophone qui étaient au menu d’une séance exceptionnelle d’auditions au Parlement wallon. Celle-ci réunissait des députés de la commission économie et des députés de la commission média du Parlement de la Communauté française. Le second point a finalement été largement occulté. L’annonce, le 23 octobre dernier, de la suppression d’un quart des effectifs des EDA (60 emplois) a eu pour effet prévisible de resserrer les débats autour du plan de restructuration de L’Avenir et des différents scénarios pour assurer son sauvetage. [scald=25677985:sdl_editor_representation] Trois visions différentes se sont opposées. Celle de Nethys, l’actionnaire des EDA, qui veut conserver son groupe de presse et prône une intégration plus grande avec son pôle télécom (Voo…). Celle du groupe IPM (La Libre, la DH…) qui propose de racheter les EDA. Et enfin, celle des représentants des journalistes et du personnel qui proposent une troisième voie : sortir L’Avenir de Nethys via un portage réalisé par les pouvoirs publics histoire de se donner le temps de réfléchir, puis constituer une structure coopérative qui permettrait d’associer capitaux publics et privés. Un quatrième scénario qui revient souvent lorsqu’on évoque ce dossier – mais qui est démenti par les intéressés –, à savoir un rapprochement entre Rossel (Le Soir, Sudpresse.) et les EDA a été peu abordé en raison de l’absence de l’administrateur délégué de Rossel, Bernard Marchant. [scald=25677985:sdl_editor_representation] Rapprocher le contenu des télécoms Jos Donvil, le patron du pôle télécom/média de Nethys, s’est employé à justifier la lourdeur de son plan social, estimant qu’il y avait urgence et « qu’il en va de l’avenir de la société ». « Les EDA vont perdre 2 millions d’euros cette année. Et si on ne fait rien, cette perte sera triplée l’année prochaine », évoquant notamment des recettes publicitaires en chute de plus de 10 %. Il a pointé le cas particulier des EDA en matière d’emploi. « Ces dernières années, nous n’avons pas suivi la tendance à la réduction des effectifs en cours chez nos concurrents. Au contraire, en dix ans, nos effectifs ont augmenté de 6 % ». Pour retrouver le chemin de la croissance, Jos Donvil veut notamment créer des synergies avec les activités du pôle télécom (Voo, BeTv, Win.) de Nethys. « Nos concurrents ont eu tendance à se rapprocher d’éditeurs en France ou aux Pays-Bas pour mutualiser les coûts. Nous, nous voulons explorer une autre voie en nous rattachant à un business externe : les télécoms. Le contenu devient très important pour les télécoms ». Plusieurs exemples de synergies ont été présentés : intégration des fonctions support (RH, finance…) et IT entre les EDA et Voo, partage du call-center, offres commerciales croisées… Jos Donvil prévoit le retour à la croissance en 2020 avec un objectif de rentabilité fixé à 8 %. Une société à gestion coopérative et participative C’est peu dire que ce plan suscite le scepticisme des employés des EDA. « Remplir les tuyaux des télécoms avec du contenu, on nous l’a déjà faite il y a quatre ans. On n’a rien vu de concret », lance Emmanuel Wilputte, président de la Société des rédacteurs. Pointant « une gestion défaillante », il a dénoncé l’absence de confiance du CA dans sa rédaction. « On n’a même plus notre mot à dire sur des choix aussi importants que le nouveau format du journal ». Philippe Leruth, journaliste et représentant CNE, a pointé « le mépris des actionnaires » et a réagi fermement aux propos de Jos Donvil qui expliquait dans une interview à L’Echo que si rien n’avait bougé en quatre ans en matière de synergies, c’était à cause de l’inaction du management des EDA. « C’est inique et injuste de l’incriminer. Le management des EDA a proposé des choses mais ne recevait jamais de réponses ». Il estime que la situation financière est loin d’être aussi catastrophique que celle décrite par les dirigeants de Nethys. « La preuve, c’est que L’Avenir intéresse beaucoup de monde ». Pour lui comme pour son collègue Albert Jallet, délégué de l’Association des journalistes professionnels, il faut sortir L’Avenir de Nethys. Plutôt qu’un rapprochement avec Rossel ou IPM qui nuirait au pluralisme, ce dernier plaide pour la création d’une société à gestion coopérative et participative (SCOP). « Le personnel aurait son mot à dire dans la gestion de la société mais on pourrait aussi accueillir des investisseurs privés qui croient dans le projet, un opérateur industriel pour faire des économies d’échelle et un partenaire public ». [scald=25677984:sdl_editor_representation] Le 13 juin dernier, j’étais avec le directeur général de Voo pour discuter de L’Avenir Avec François le Hodey, l’audition a pris une tournure encore plus polémique. La semaine dernière, le patron d’IPM a fait sensation en proposant de racheter les EDA. Un appel rejeté de manière assez ferme, par Nethys qui, dans un communiqué, a rappelé, en substance, que L’Avenir n’était pas à vendre et qu’aucune proposition « officielle » n’avait été déposée. Celle-ci a néanmoins reçu un certain soutien côté politique. Aussi bien le ministre de l’Economie, Pierre-Yves Jeholet que le ministre président wallon, Willy Borsus, ont estimé qu’elle méritait d’être examinée. François le Hodey a profité de la tribune du parlement pour décocher quelques flèches. « Nethys affirme qu’il n’y a eu aucun contact direct en vue de ce rachat alors que j’étais encore dans le bureau de Stéphane Moreau pas plus tard que lundi. Le 13 juin dernier, j’étais avec le directeur général de Voo pour discuter de L’Avenir. Et il m’a interrogé pour savoir si IPM était à vendre ! Et ce alors que vous, parlementaires, débattiez de la nécessité de céder certaines activités de Nethys. J’ai vraiment des difficultés à décoder ce groupe ! ». Jos Donvil se fait taper sur les doigts Il a aussi répondu à Jos Donvil qui, dans une interview à L ’Echo, évoquait la situation financière « pas brillante » d’IPM. Piqué au vif, il a souligné que son groupe s’était diversifié (paris en ligne, voyage…) et que son endettement avait pratiquement disparu. Il s’est ensuite plu à souligner « les risques » liés à Voo. « Cet opérateur va faire face à de grands défis financiers car il ne pourra plus compter sur les transferts d’argent provenant de Resa (NDLR : gestionnaire de réseau gaz et électricité). Il devra s’associer à un autre opérateur pour financer ses investissements et il y a peu de chances que celui-ci s’intéresse à la presse ». Il s’est livré à une critique en règle de la manière dont Nethys avait géré L’Avenir ces quatre dernières années, pointant en particulier le retard dans le digital. « Rien n’a été fait. Le site de Sudpresse, principal concurrent de L’Avenir, fait 360.000 visiteurs uniques. L’Avenir est à 145.000… Et que dire des abonnements digitaux payants. Cela n’a pas été développé ». Pour lui, vouloir créer des synergies avec le télécom ne fait aucun sens. « Partout dans le monde, on consolide entre opérateurs de presse mais ici en Wallonie, magie, on a trouvé le Saint-Graal ! ». Il a présenté IPM comme le bon partenaire pour permettre à L’Avenir de développer un modèle digital payant crédible. « Je suis d’accord pour dire qu’on a perdu beaucoup de temps ces quatre dernières années » Face à l’avalanche de critiques, Jos Donvil a adopté un profil bas. « Je suis d’accord pour dire qu’on a perdu beaucoup de temps ces quatre dernières années. Il n’y avait pas de grande volonté de créer des synergies avec le pôle télécom. Mais maintenant, ça va changer ». Il n’a guère convaincu les parlementaires qui lui demandaient avec insistance comment il allait réussir à continuer à produire un journal de qualité avec un quart d’effectifs en moins. « On va digitaliser davantage, améliorer les process, intégrer des services… Tout le monde va contribuer à l’effort. Pas uniquement les journalistes. C’est le seul moyen de sauver la société », a-t-il répondu.

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