Avec le premier Forum pour la paix, Paris à la rescousse du multilatéralisme

Paris Ce sera le point d’orgue d’une longue semaine mémorielle. Après avoir sillonné l’Est et le Nord de la France pour rendre hommage aux poilus de 14-18, Emmanuel Macron sera ce week-end au cœur d’un intense ballet diplomatique. Non seulement une soixantaine de chefs d’État, parmi lesquels Donald Trump, Vladimir Poutine, Theresa May et Angela Merkel, viendront l’écouter dimanche à l’Arc de Triomphe prononcer son discours sur le centenaire de l’armistice. Mais il sera une nouvelle fois à l’initiative l’après-midi avec le premier « Forum de Paris sur la paix » qui se tiendra pour trois jours dans la grande halle de La Villette. Dirigeants de la planète, mais aussi représentants d’ONG, chefs d’entreprise, leaders locaux, animateurs de think tanks internationaux, etc. : au total, quelque 10.000 personnes sont attendues pour ce rendez-vous inédit qui se veut rien moins que le pendant, pour le multilatéralisme, du forum économique de Davos ou du forum sur la sécurité de Munich. « De moins en moins de coopération » Symboliquement, c’est la chancelière Angela Merkel qui ouvrira le Forum avec le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres. Mais c’est bien le chef de l’Etat français qui a voulu organiser ce qui se veut un rendez-vous annuel sur le multilatéralisme. Emmanuel Macron, qui compare l’époque actuelle à celle de l’entre-deux-guerres, considère que les années vingt et trente marquent aussi l’histoire de l’échec de la Société des nations qui n’a pas su réagir aux agressions des régimes autoritaires. « La crise du multilatéralisme ne date pas de Donald Trump. On voit partout une vague populiste et anti-gouvernance mondiale avec une crispation sur la souveraineté et les frontières. Ce Forum est né d’un constat assez simple. On sent qu’il y a de moins en moins de coopération et d’ordre dans le système international à un moment où on en a justement de plus en plus besoin pour répondre à des défis globaux, comme le réchauffement, les migrations, l’évasion fiscale, etc. », explique Justin Vaïsse, le président du Forum. « Les normes sont de moins en moins respectées (sur les armes chimiques, par exemple), le Conseil de sécurité des Nations unies est de plus en plus bloqué (il y a eu 16 vetos russes depuis 2001), le budget de l’ONU diminue alors que tous les budgets militaires augmentent, Internet est devenu une jungle où tous les propagandistes et les hackers règnent. » « Une gouvernance hybride » Depuis des mois, cet historien et diplomate est à l’œuvre pour tenter de mettre sur pied une nouvelle gouvernance « hybride » qui ne rassemblerait plus seulement les Etats mais aussi les entreprises, les experts et la société civile pour répondre aux défis nouveaux. Car comme l’a montré la Cop 21 sur le climat à Paris, les Etats ne sont plus seuls concernés. Les institutions internationales ne sont pas contournées (au contraire : il s’agit de rappeler leur importance) mais le Forum veut créer de nouvelles structures parallèles pour faire avancer des projets concrets. Plusieurs centaines de dossiers ont ainsi été déposés et l’organisation en a sélectionné 120, déposés par des gouvernements ou par la société civile, dans quarante-deux pays, sur les thèmes de la paix et de la sécurité, de l’environnement, du développement, de l’économie inclusive et des nouvelles technologies. Il s’agira par exemple de tendre vers de nouvelles normes. Un appel de Paris devrait ainsi être lancé en partenariat avec Microsoft pour une « paix digitale ». Le texte fixe les droits et les devoirs de l’internet, appelle à lutter contre la prolifération d’outils malveillants, à coordonner les efforts contre les ingérences lors d’élections. Le « hackback », la riposte après une attaque numérique, est aussi prohibé. Reporters sans frontières se mobilise contre les fake news. Avec une commission indépendante composée notamment de prix Nobel, de journalistes et de juristes, RSF a rédigé une « Déclaration internationale sur l’information et la démocratie ». Le Comité international de la Croix-rouge planche de son côté sur un projet d’échanges de bonnes pratiques pour la recherche de personnes disparues lors des conflits armés. Ce qui fera la réussite de ce Forum ? « Au-delà du soutien essentiel aux différents projets, le seul fait qu’il se tienne permettra déjà de réaffirmer l’importance du multilatéralisme », souligne le président du Forum, Justin Vaïsse. « Ce sera la prise de conscience qu’il peut disparaître ».

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