Cecilia Malmström: «L’Europe défendra les frites européennes!»

No pasarán ! La Belgique est montée au créneau, vendredi, pour obtenir le soutien collectif des Européens dans une affaire sans conteste… d’intérêt national : la défense de nos exportateurs de frites (congelées), à qui la Colombie a déclaré la guerre commerciale. Et c’est un front commun de pays européens qui a emporté l’engagement de la Commission européenne dans cette bataille – l’Allemagne et les Pays-Bas sont également dans le collimateur de Bogotá, tandis qu’une proportion des frites produites par des PME belges sont fabriquées à partir de pommes de terre françaises. « L’Europe défendra les frites européennes ! », a assuré Cecilia Malmström, la commissaire européenne en charge du Commerce, à l’issue d’un conseil des ministres de l’UE. Le ministre des Affaires étrangères Didier Reynders avait plus tôt annoncé avoir reçu le soutien de la Commission et du Conseil pour que l’UE porte le dossier devant l’Organisation mondiale du Commerce (OMC) afin de contester la décision colombienne. Bogotá accuse les exportateurs européens de pratiquer des prix artificiellement bas (Le Soir de jeudi). La Colombie a dès lors décidé d’appliquer des « mesures anti-dumping ». Soit des taxes douanières « jusqu’à 60 % voire 100 % » : des « mesures très lourdes », dénonce Reynders. La Commission, précise Malmström, est engagée « depuis deux ans » avec la Colombie pour lui signifier que leurs enquêtes sur le dumping européen allégué n’étaient « pas solides ». « Nous attendons l’annonce officielle (NDLR : dans les heures à venir) mais nous préparons les analyses légales pour éventuellement aller à l’OMC avec ce cas », affirme la commissaire. Une phase de consultations devrait s’ouvrir, avant une possible plainte et l’adoption de « contre-mesures » – des représailles. La ministre autrichienne Margarete Schramböck, dont le pays assure la présidence semestrielle tournante de l’UE et soutient pleinement la démarche des pays exportateurs lésés, ajoute que « c’est un sujet à prendre très au sérieux », car ce qui « commence par des frites peut continuer avec d’autres produits ! ». Ou tenter d’autres pays. Non, ce n’est pas la énième « histoire belge »… La crédibilité des accords commerciaux en jeu D’ailleurs, souligne Reynders, la Belgique est déjà frappée par des mesures similaires prises par le Brésil et l’Afrique du Sud, comme les Pays-Bas et l’Allemagne. L’an passé, les exportations du secteur en Belgique « pesaient », toutes destinations confondues, 1,3 milliard d’euros, 2,2 millions de tonnes de frites et 4.400 emplois directs, indique le ministre. « Nous ne pratiquons pas dumping : nous avons seulement une meilleure productivité ! Cela n’a rien à voir… », plaide le chef de la diplomatie. Quelque 61 % des patates surgelées importées en Colombie proviennent de Belgique, selon le journal économique colombien Portafolio. Pour la Belgique et l’UE, cette affaire est d’autant moins « folklorique » que c’est aussi la crédibilité des accords de libéralisation commerciale, négociés et conclus tous azimuts, qui est en jeu. Notamment dans le secteur agricole, qui exporte, mais subit aussi les effets d’une vive concurrence avec l’ouverture des marchés, au moment où l’Amérique de Trump fait le forcing pour mettre ce secteur sur la table d’une négociation avec les Européens (lire ci-contre), tout en décidant unilatéralement de sévères mesures protectionnistes et en menaçant de torpiller le dernier rempart contre la loi de la jungle (et du plus fort) : l’OMC… Mais en défendant ses producteurs européens, l’Europe ne serait-elle pas en train d’étouffer le « pauvre » petit paysan colombien, d’autant plus submergé que l’accord de libre-échange UE-Colombie-Pérou de 2013 a entraîné un boum des exportations européennes vers la Colombie ? Si les 100.000 agriculteurs (selon Portafolio) sont bien colombiens, l’entreprise à l’origine de la démarche anti-dumping serait Congelagro, la filiale locale du. géant nord-américain McCain. « D’autres opérateurs sont présents sur ces marchés, y compris nord-américains », relève Reynders. Qui se réjouit entre-temps du soutien européen : pour le prochain Conseil des ministres, « je leur ai promis des frites ».

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