Pacte migratoire: les trois raisons pour lesquelles le MR affronte la N-VA

Ce n’est pas la première fois que le MR a des divergences avec la N-VA ou que celle-ci cause un souci au gouvernement. Dans le dossier du rapatriement des migrants soudanais, Theo Francken avait même osé qualifier d’« absurde » un propos de Charles Michel. Mais chaque fois, après recadrage éventuel, la température est retombée et les suédois se sont rabibochés sur l’air « tout va bien ». Ici, pour un pacte onusien non contraignant, le MR cale. Pas question de laisser passer l’affront de la N-VA. Pourquoi maintenant, après avoir avalé d’autres couleuvres ? Et pourquoi sur ce dossier, pas le plus important de la législature ? Explication en trois points. 1 Restaurer l’autorité du Premier ministre Certes, il y a déjà eu d’autres propos nationalistes peu appréciés par le MR mais ici, disent les bleus, c’est autre chose : « Il y a eu un accord sur ce pacte migratoire, et Charles Michel a engagé le gouvernement et le pays sur cette base. Une communication internationale du Premier ministre, ce n’est pas quelque chose de banal. On ne revient pas sur un tel accord. » Autrement dit : on a assez traité Charles Michel de « marionnette de la N-VA », il n’est pas question de laisser passer cette fois. « Theo Francken est allé trop loin ». L’heure est venue de restaurer l’autorité du Premier ministre. « La N-VA doit comprendre que, pour le MR, cela suffit : trop is te veel », entend-on dans les rangs bleus. Richard Miller développe : « Charles Michel n’a jamais été la marionnette de la N-VA, car le gouvernement mène une politique socio-économique libérale, mais c’est l’image qu’on a voulu donner et qu’il faut décolle. » Il confirme que le MR ne cédera pas : « C’est un dossier dans les matières de Theo Francken, qui est sur la table depuis deux ans et sur lequel il y a eu un accord, et tout d’un coup, il se réveille et dit qu’il ne signe plus : ce n’est pas correct. D’autant qu’il publie ensuite un tweet moqueur pour le Premier ministre. Pour le MR, ça suffit. » Et cette fois, tous les libéraux sont sur la même ligne. Car, ajoute un libéral, « il ne faut pas tomber dans le ridicule. Il y avait un accord, on l’a annoncé à l’ONU. On ne fera pas marche arrière. » Le pacte sera signé. Et l’honneur du Premier ministre sera sauf. 2 Entendre le signal de l’électeur Le 14 octobre dernier, le MR a perdu 4 % dans 4 des 5 provinces wallonnes, et 4 de ses 6 bourgmestres à Bruxelles. Sans doute, aussi, pour certaines positions jugées trop à droite, et pour sa grande proximité avec la N-VA. Le signal semble avoir été entendu au QG du parti, qui veut afficher un visage plus social, plus à l’écoute des préoccupations des citoyens. D’autant que le scrutin législatif s’annonce dans six mois : il ne faudrait pas que le verdict communal fasse tache d’huile le 26 mai. Alors, pas question que le MR soit déjà pris en défaut sur les grands principes migratoires, en acceptant de se ranger aux côtés d’Etats comme l’Autriche et la Hongrie dans le refus de signer le pacte de l’ONU, plutôt qu’aux côtés de la France. Sachant que les libéraux s’érigent par ailleurs en garant de l’image du pays. « On veut montrer que lorsque le pays prend un engagement, il s’y tient, explique-t-on. Charles Michel s’est engagé en faveur du texte, on ne veut pas transiger. Même si, comme le pacte n’est pas contraignant, cela ne nous empêche pas de mener la politique migratoire que l’on veut, dans le respect bien sûr des conventions internationales. » 3 Rester un partenaire pour 2019 En vue de ces élections de 2019, le MR doit garder à l’esprit une autre donnée : il lui faudra trouver des partenaires francophones s’il espère être au pouvoir aux différents niveaux. Or, pendant quatre ans, comme seule formation francophone de la suédoise, il s’est fait plus d’ennemis que d’amis. Cela doit changer. Et tergiverser sur un pacte négocié en Belgique et à l’ONU, parce que des nationalistes, eux-mêmes excités par des responsables d’extrême droite, refusent ce texte ferait (très) mauvais genre. Et enverrait un mauvais signal aux futurs alliés potentiels. « Il est évident que tout le monde réfléchit aux élections et que le MR a envie de parler aux autres partis, glisse un réformateur. Mais cela n’enlève rien au fait qu’on estime avoir mené une bonne politique socio-économique avec la N-VA et que l’on peut encore travailler ensemble. » Toujours maintenir deux fers au feu… Le MR espère donc toujours qu’un accord sera trouvé avec la N-VA. Et que la crise sera évitée. Grâce à une « interprétation du vote », qui préciserait la position belge sur certains points du pacte soulevés par les nationalistes. Mais, ajoute-t-on, « la N-VA ne doit pas résoudre ses difficultés internes sur le dos du gouvernement ». Car dans les rangs libéraux, on juge que ce sont les querelles de succession présidentielle, voire la déception de Francken de ne pas avoir été nommé ministre de la Défense, qui expliquent l’actuel positionnement de la N-VA, plus qu’un réel problème de fond sur la migration.

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