«Il ne faut pas précariser les gens en leur faisant payer la facture de la transition écologique»

Vous évoquez les difficultés sociales de la population, notamment mises en avant par les « gilets jaunes », mais aussi celles liées à la transition écologique. Car la transition écologique peut être brutale : je pense aux accises, à la TVA sur l’électricité, tout cela pèse sur l’ensemble de la population, et la population la plus fragilisée. Est-ce qu’il n’y a pas moyen de poser des gestes tout de suite au niveau du gouvernement pour soulager un peu le quotidien ? Le gouvernement dit que le tax shift, ça marche… Allons, dans les témoignages, on voit bien que beaucoup plus de personnes sont soit précarisées, soit au bord de la précarisation. La classe moyenne est en train de basculer. La partie de la population qui ne s’en sort plus augmente. Les premiers manifestants en gilets jaunes en France, ce sont ces gens-là, qui disent : on n’en peut plus. Alors, bien sûr, il y a la transition écologique, mais on ne peut pas piéger la population : cette transition doit être soutenable sur le plan humain. Beaucoup de personnes n’ont pas le choix, pour leur travail, leurs enfants, leurs parents, leur formation, d’avoir une voiture. Ce que propose Ecolo, ce n’est pas « soutenable » sur le plan humain ? Je reprends une proposition d’Ecolo, qui n’a heureusement jamais vu le jour : la taxation au kilomètre des véhicules légers. Qui va payer ? Ceux qui sont obligés de rouler en voiture. Oui, il faut un Pacte écologique qui permette d’atteindre des objectifs dans des délais rapides, mais aussi soutenables. Exemple : l’utilisation de certains pesticides, insecticides, fongicides, tout cela est en route en Wallonie, mais on laisse un peu de temps, pour qu’un exploitant agricole puisse entrer dans un autre modèle. Seule cette méthode de travail peut créer l’adhésion. Il ne faut pas précariser les gens pour leur faire payer la facture de la transition énergétique. Donc, vous dites : la transition écologique, ok, mais attention au social, attention aux gens ? L’objectif, tout le monde peut le partager, mais concernant la méthode de gouvernance pour y arriver, on a une autre vision. Je pense au Pacte d’excellence sur l’éducation ; tous les acteurs sont là, on avance sur le terrain, progressivement. Mais les verts disent qu’il y a une urgence absolue. Bien sûr, je le dis aussi. En termes de perte de biodiversité, c’est flagrant. Toute une série d’espèces sont en train de disparaître, c’est lié à nos modes de consommation, au réchauffement, bien entendu. Mais ce ne sont quand même pas ceux qui ont besoin de leur voiture, qui n’ont pas d’alternative, qui doivent payer ! Et la cohésion sociale dans tout ça ? On n’atteindra pas l’objectif de l’urgence de cette façon. Comment faire autrement ? Citez quelques mesures. Baisser la TVA sur le carburant, le mazout de chauffage. Remettre à 6 % la TVA sur l’électricité. Là où c’est possible, décourager le système des voitures de société. Je pense aussi aux zones de basse émission, une réalité en Bruxelles, la décision est prise aussi en Wallonie. Quid de la sortie du nucléaire ? On garde la date de 2025 ? On garde le cap, mais on doit garantir au maximum notre indépendance énergétique. En fait, il y a trois critères dont il faut tenir compte : la plus grande indépendance énergétique, le coût de l’énergie, le réchauffement climatique. Mais 2025 ou pas ? Oui, c’est le cap. Bon, en 2003, Ecolo annonçait que les premières centrales nucléaires fermeraient en 2015… On est en 2018, aucune n’est fermée, sinon parce qu’il y a des problèmes techniques. Donc, bien sûr qu’il faut se fixer des objectifs, s’y tenir, mais il faut sortir du fétichisme. Donc, l’objectif premier du CDH pour la prochaine législature, ce n’est pas jobs, jobs, jobs, mais… ? Redonner du pouvoir d’achat ? Redonner du bien-être. Une notion qui englobe des aspects liés au pouvoir d’achat, aux soins de santé, etc. Quand vous allez chez votre kiné et que vous n’avez plus droit qu’à 20 séances remboursées au lieu de 30, là vous comprenez concrètement ce que ça signifie d’avoir coupé 1,2 milliard dans le budget des soins de santé. J’ajoute : formation, formation, formation, et éducation, éducation, éducation. Ce sont nos priorités. Egalement : il faut redonner des moyens à la Justice, remettre sur pied les justices de paix, ces endroits de médiation, profondément humains. Electoralement, Ecolo a monté, alors tous les partis veulent faire de l’écologie. Vraie prise de conscience ou couche de peinture verte ? Quand on sait les actes que j’ai posés comme ministre wallon de l’Environnement il y a quelques années, puis comme mandataire dans ma commune, c’est presque une injure cette question ! Voyez aussi l’action de Carlo Di Antonio et Céline Fremault. Il faut quand même regarder les bilans : combien d’éoliennes quand le CDH était au pouvoir et quand c’était Ecolo ? Combien de réseaux de chaleur ? Quelles mesures contre la pollution de l’air ? Je suis pour l’écologie des résultats, pas de l’incantation. Pour nous, l’écologie doit être au service de l’homme, et nous sommes des hyperpragmatiques. C’est la différence. Prenez les dix communes qui produisent le plus d’énergie verte en Wallonie : cinq d’entre elles sont CDH. Dans un même environnement, Bastogne est classée 8e, Feauvillers, avec un bourgmestre Ecolo, est 243e. La facture du photovoltaïque, disent les verts, c’est la faute d’André Antoine… Venant de Jean-Marc Nollet… … qui dit aussi que le CDH est un parti du XIXe siècle. Il se trompe : nous ne sommes pas du XIXe siècle, mais du XVIIIe ! Le siècle des Lumières, de l’esprit critique, où la démocratie a pris ses racines. Donc, on est encore un peu plus arriérés ! Mais une fois qu’on a dit ça, quoi ? Bien sûr, Ecolo a une légitimité dans la population, j’ai moi-même hésité dans mon engagement politique entre Ecolo et le CDH, mais il y a pour moi un manque de pragmatisme. L’urgence, faisons-y face tous ensemble et faisons en sorte que ce soit soutenable. Prenez l’idée d’une coopérative communale de production d’énergie : je fais ça dans ma commune et je vais demander qu’on le fasse dans toutes les communes. A Bastogne, je vais inscrire 160.000 euros en budget extraordinaire 2019, chaque habitant va recevoir 10 euros et chaque année, on fera un appel à projets (production d’énergie éolienne, de chaleur…). Si toutes les communes deviennent autonomes en matière de production d’énergie, on va y arriver – chez nous, on est déjà à 80 %. Je suis contre l’écologie punitive, qui frappe les gens qui n’ont pas d’autre choix que d’utiliser leur véhicule ou de se chauffer. Ce n’est pas comme ça qu’on va lutter contre le réchauffement climatique. On va juste mettre des gens au bord du chemin, les uns après les autres. Et les gens piégés, essayez après de les convaincre que le réchauffement climatique, c’est important ! A chaque élection, on dit que le CDH risque de disparaître… On avait 68 bourgmestres, on en a 67 ; on était présents dans 151 majorités, on est à 155 ; on avait 1.090 mandataires communaux et provinciaux, on a dépassé les 1.000, et il y aura encore des apparentements. Voilà la situation. En septembre, vous avez dit, concernant les futures alliances fédérales : sans la N-VA et sans le PS. Quant à la N-VA, moi et ma formation politique sommes les seuls à avoir été confrontés à cette question, en 2014, et à y avoir répondu clairement. Il n’y a aucune raison de changer de position. Si la N-VA renonce à son article 1, si son programme change, si elle n’est plus la N-VA, plus une formation nationaliste, excluante, qu’elle signe les Pactes… Quant au PS ? Il y a toujours un problème à propos de l’impact du PS au nord du pays. On a une responsabilité aussi en tant que francophones. Quand je vois le PS, intoxiqué par le PTB, dire qu’on va passer de 38 heures à 32 heures dans l’administration wallonne en étant payés de la même façon, tout cela alors que la Région flamande exerce la solidarité financière à notre égard… C’est irresponsable. Vous imaginez l’effet sur les Flamands dans la rue ?

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