«Tabarnak», le Cirque Alfonse débarque à Mons

Montréal De notre envoyé spécial Autour du lac, invisibles de la route, maisons et chalets sont posés au bord de l’eau, protégés par les forêts qui perdent déjà leurs belles couleurs automnales pour céder la place à l’hiver. Un peu plus loin, la ville s’étend autour de quelques rues sagement alignées et d’une petite église d’une blancheur éblouissante sous le soleil pâle de fin de journée. Une de ces églises comme on en trouve dans tous les villages du Québec et qui ont inspiré les joyeux drilles du Cirque Alfonse pour leur nouveau spectacle : Tabarnak. L’anniversaire du père Pas vraiment étonnant quand on sait comment est né ce drôle de cirque familial. « Tout a commencé à Saint-Alphonse, sourit Antoine Carabinier, l’un des fondateurs. Installé à une petite table d’une microbrasserie dont il entend bien nous faire découvrir les (excellentes) bières, il se souvient. « Au départ, je me suis lancé dans le cirque tandis que ma sœur se tournait vers la danse contemporaine. J’ai beaucoup travaillé avec le Cirque du Soleil, le Cirque Eloise… Ma sœur tournait avec des compagnies québécoises. Quand notre père a eu 60 ans, on a voulu célébrer ça de manière originale. Il avait toujours rêvé de monter sur scène et n’en avait jamais eu l’occasion. On a donc décidé de monter un show avec lui. On a rameuté quelques copains : quatre musiciens, trois acrobates et au milieu, notre père. Dans un personnage clownesque. C’était il y a douze ans, les prémices de la compagnie. C’était un petit spectacle pour le village et on l’a joué deux étés. » Les rendez-vous de Saint-Alphonse Une jolie aventure qui ne devait pas avoir de suite. « Ma sœur, nos copains et moi sommes tous retournés à nos engagements dans diverses compagnies durant quatre ans. Mais quelque chose s’était passé. Mon beau-frère, moi-même et un troisième de la bande, on a tous fait l’école de cirque de Montréal il y a 20 ans. Mais on ne trouvait plus vraiment notre compte dans les compagnies pour lesquelles on travaillait. De son côté, ma sœur ne se sentait plus à l’aise dans le milieu de la danse. On l’a d’abord fait engager avec nous au Cirque Knie en Suisse. Puis, en 2011, on a décidé de remonter l’équipe des 60 ans de manière permanente. On a créé Timber, notre premier spectacle et le succès a suivi. » Saint-Alphonse reste la base de la petite bande qui se baptise tout naturellement Cirque Alfonse. « On répétait chez moi, dans la grange. Et pendant trois mois, tout le monde habitait chez mes parents. Et puis on est parti en tournée. » Traditions québécoises, succès international Dès le départ, Antoine et ses potes s’inspirent du monde dans lequel ils baignent et destinent leur spectacle au public québécois. « La source de notre travail, ce sont nos racines québécoises. Cela donne une couleur très particulière qu’on pensait un peu hermétique en dehors de chez nous. Et en fait, on a très vite commencé à tourner à l’étranger. Beaucoup plus qu’au Québec. » Après une première apparition au festival Complètement Cirque, ils sont repérés et invités en Asie, en Europe et un peu partout dans le monde : 400 représentations en 6 ans dans une quinzaine de pays. En 2014, ils créent un nouveau spectacle : Barbu. « Timber partait de l’univers des bûcherons. Avec Barbu, on est dans le monde du cabaret, de la fête foraine, un peu freak show. » Une fois encore, le succès est au rendez-vous avec une tournée internationale qui les emmène pour la quatrième fois cette année en Australie et qui les a vus jouer trois mois à Londres. Mais sans jamais perdre le côté familial et convivial de leur projet. Ni le look bûcheron des garçons arborant tous de bonnes grosses barbes d’hommes des bois. Des lieux de rassemblement Avec Tabarnak, ils restent fidèles à la culture québécoise.« Cette fois, on s’est inspiré de ces petites églises qu’on trouve un peu partout, de ce que ça représentait avant et de ce que c’est devenu. Tout le monde connaît ces jurons québécois, comme Tabarnak !, directement inspirés de la religion. Pour nous, il y a quelque chose de magique dans ces petites églises où tout le monde se rassemblait. En même temps, parler de religion, aujourd’hui, c’est un peu complexe. On n’a pas voulu faire un spectacle “religieux” ou “antireligieux”. On a plus opté pour l’imagerie, l’architecture des lieux. Ces petites églises sont des endroits de rassemblement avant tout. On y joue au bingo, on y organise des événements sociaux, il y en a même une, pas loin d’ici, où on organise des matchs de lutte tous les samedis. Nos parents, nos grands-parents ont baigné dans cet univers. » [scald=25908090:sdl_editor_representation] La famille, la famille Et à propos de parents, ceux d’Antoine sont toujours de la partie. « On est allé répéter à Saint-Alphonse, comme toujours. Mais cette fois-ci, ils ne voulaient plus nous accueillir tous à la maison. Ils deviennent un peu vieux pour ça. Donc on a logé chez ma sœur, à quinze minutes de là. Mais mes parents gardent nos enfants : ma sœur en a deux et j’ai un petit de huit mois. Son copain et ma copine sont aussi dans le spectacle et nos parents nous accompagnent en tournée pour s’occuper des gosses. Ça reste totalement familial. » Jonglage avec les encensoirs Ce qui n’empêche pas d’être aussi très professionnel. Du côté de la mise en scène, on retrouve Alain Francœur avec qui Antoine avait sympathisé lorsqu’il travaillait au Cirque Eloise. Il est de l’aventure depuis les débuts, mettant en forme la succession de numéros liée à chaque thème. « On n’a jamais vraiment raconté une histoire. C’est plus comme un livre d’images. On laisse le public faire les liens, se créer sa propre histoire. Ici, sur le thème de l’église, chacun y voit ce qu’il veut. On est tous un peu jongleurs donc, ici, par exemple, on s’amuse avec des encensoirs. À un autre moment, il y a un travail à la perche avec trois couples. On n’y avait pas du tout pensé mais des gens y ont vu une allusion au Golgotha. » Musique religieuse et humour pince-sans-rire Côté musical aussi, le Cirque Alfonse s’inspire de la tradition. « La musique est créée par David Simard qui part de musiques traditionnelles québécoises avec quelques textes anciens. Dans notre région, la musique traditionnelle est encore très présente, même pour les jeunes. Ailleurs au Québec, c’est juste pour la Saint-Jean et le Nouvel An. David a aussi rassemblé des musiques d’autres religions à travers le monde. » Tout cela, le titre l’indique d’emblée, n’empêche pas de s’amuser.« Il y a des moments humoristiques mais notre humour est un peu pince-sans-rire. On n’est pas des clowns. On est nous-mêmes sur scène. Par exemple, on pratique un baptême avec un gros tonneau d’eau. Et il faut bien reconnaître qu’un baptême, c’est déjà rigolo en tant que tel. » Ce mercredi 5 décembre à 18 heures au Théâtre royal de Mons, www.surmars.be

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