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«La campagne électorale est lancée», pour les éditorialistes francophones

Les prochains mois s’annoncent difficiles pour le gouvernement minoritaire.

Temps de lecture: 7 min

Si le MR a tenu tête à la N-VA sur la question du pacte de l’ONU sur les migrations, ce que saluent les éditorialistes francophones, les prochains mois s’annoncent difficiles pour le nouveau gouvernement minoritaire alors que se profilent les élections de mai 2019, préviennent-ils. Pour eux, c’est certain, la campagne électorale est lancée et elle risque d’être nauséabonde.

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« Marquer des grands coups »

«  Charles Michel s’est grandi ce week-end : il a choisi le bon côté du monde et des valeurs », estime nore éditorialiste en chef Béatrice Delvaux dans Le Soir.« On dira qu’il était acculé à trancher par le jeu de la N-VA, par l’opposition et même par les partis flamands de sa propre majorité… On dira qu’il a tout fait pour éviter de faire la clarté dans une crise née de calculs électoralistes. Mais au moment où l’ambiguïté devenait ingérable et envoyait un message surréaliste, sa main n’a pas tremblé : il a garanti la parole de la Belgique et ses engagements fondamentaux », poursuit-elle, soulignant toutefois que « la suite reste inquiétante ».

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« La N-VA a fait de l’identitaire son cheval de bataille qu’elle va d’autant moins lâcher qu’il séduit les foules et que c’est le meilleur point de son bilan au gouvernement fédéral », déplore ainsi Béatrice Delvaux qui relève « l’extrême fragilité » du gouvernement orange bleu, « notamment sur le plan constitutionnel ».

Dans ce contexte, « le Premier ministre aurait tout intérêt à renoncer aux tactiques de survie et à marquer de grands coups, notamment sur le climat. Ce serait le seul moyen de faire oublier le surréalisme politique des derniers jours, de redorer l’image d’un MR aveuglément scotché au parti nationaliste et de contrer l’autoroute identitaire que la N-VA a devant elle. Ce serait aussi une manière de montrer que la bravoure de ce week-end est plus qu’un sursaut tactique et isolé », ajoute notre éditorialiste. « Mais la nouvelle réalité consiste peut-être uniquement pour ce gouvernement à faire semblant d’encore exister », conclut-elle.

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« Un gouvernement minoritaire sans réel pouvoir »

Dans La Libre, Francis Van de Woestyne souligne lui aussi la fragilité « d’un gouvernement minoritaire, sans réel pouvoir », estimant que la Belgique « se retrouve de nouveau dans une situation politique ubuesque ».

« Il était temps que l’orage éclate. La N-VA exerçait, depuis quelques semaines un chantage malsain » et ses objections au pacte mondial sur les migrations « ont été tardives et purement stratégiques », conséquences du recul de la N-VA aux élections communales d’octobre dernier, écrit notamment l’éditorialiste de La Libre. «  Désormais confortablement installé dans l’opposition, le parti va utiliser les cinq mois à venir pour tirer sur ’Michel 2’. Ce sont surtout les partis flamands de la coalition, CD&V et Open VLD qui seront la cible privilégiée des nationalistes », Bart De Wever ayant intérêt à ménager le Premier ministre en vue d’une éventuelle nouvelle coalition après les élections de mai 2019, ajoute-t-il.

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« L’avenir ? Une épée de Damoclès sera suspendue au dessus du gouvernement » qui, à tout moment, « pourrait être sanctionné par un vote de défiance ». « Ceux qui aiment le spectacle et les grands frissons vont être servis. Pour la N-VA, les crises sont du pain bénit. En revanche, ce tangage est néfaste, tant pour les citoyens que les entreprises. La Belgique a besoin de stabilité politique comme de pain. Elle va en manquer », conclut-il.

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Charles Michel « gagnant »

Dans L’Echo, Alain Narinx estime pour sa part que « ce n’est pas le pacte de l’ONU sur les migrations qui a provoqué le crash de la coalition suédoise en bout de piste. Ce sont les élections. »

« À court terme, Charles Michel sort plutôt gagnant de cette séquence politique inédite. Il a affermi son statut d’homme d’État en soulignant que la Belgique respecte la parole donnée sur la scène internationale. Il a affûté son sens des responsabilités en cherchant un compromis jusqu’à la dernière minute, puis en poursuivant le gouvernement, fût-il minoritaire, pour finir le travail. Politiquement, il a joué finement », écrit-il, qualifiant par ailleurs « d’indigne » l’attitude de la N-VA. Le parti de Bart De Wever a en effet « mis en péril plusieurs chantiers socio-économiques qui devaient encore être concrétisés ou gérés : le jobsdeal, le dossier énergétique, le budget mobilité, le Brexit… Un soutien extérieur, à la carte, sur ces dossiers ne tempère que faiblement ce gâchis », poursuit Alain Narinx.

« La fin de la coalition suédoise porte aussi en elle les germes de lendemains difficiles après les prochaines élections. Un gouvernement « Michel II » devient plus difficile. La N-VA a abîmé ses relations avec le seul parti francophone prêt à gouverner avec elle. Si la N-VA reste incontournable en Flandre, la constitution d’une prochaine majorité ne s’annonce pas une sinécure », estime-t-il enfin.

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« Les priorités des citoyens en prennent un coup »

« Ce qui est sûr, c’est que la N-VA et les membres délaissés de la majorité ont préféré recouvrer leur indépendance, à six mois du prochain scrutin, pour montrer à leurs électeurs respectifs qu’ils sont inflexibles sur leurs positions de principe », estime Philippe Martin pour L’Avenir. «  Et tant pis si ce gouvernement minoritaire s’en sort fragilisé, si les urgences économiques, sociales, budgétaires, climatiques et de mobilité risquent de pâtir de cette inaction programmée. Désormais, ce sont les priorités de chacun, les besoins électoraux propres à chaque parti qui fixent l’agenda politique, au détriment de l’action et des intérêts collectifs », ajoute-t-il.

Et de conclure : « chacun, à ce stade, tentera de faire croire à l’électeur qu’il sort grandi de l’aventure gouvernementale et de la crise des derniers jours. Mais ce sont les priorités du citoyen qui en prennent un coup. »

MR et N-VA, « des intérêts liés »

« Les mariages de raison se révèlent souvent plus durables que les mariages d’amour. Dans le second, si l’amour disparaît, le couple tangue. Dans le premier, les intérêts communs le pérennisent, en dépit des coups de canif dans le contrat de mariage. Le MR et la N-VA se sont-ils jamais aimés d’amour ? Peu probable. En revanche, l’un comme l’autre semblent avoir la conviction que leur destinée, comme leurs intérêts, sont intimement liés », écrit pour sa part Adrien de Marneffe dans la DH.

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« La N-VA a sauté à l’eau mais refuse de brûler le navire. Le MR, de son côté, continue de voir dans la N-VA le partenaire de majorité idéal pour accomplir les réformes auxquelles il aspire. Si le résultat des urnes le leur permet, le couple tentera probablement de recoller les morceaux pour cinq nouvelles années de vie commune », ajoute-t-il.

« L’heure des hommes d’État »

Enfin, Christian Carpentier, dans SudPresse, évoque « l’heure des hommes d’État ». « Il n’y a pas 36 façons de sortir de la crise majeure déclenchée par le claquement de porte de la N-VA, samedi soir. Il n’y en a que deux : aller revoter ou tenter de faire avec dans les quatre prochains mois qui restent avant la dissolution des chambres. Ne pas reconvoquer les citoyens aux urnes a quelque chose de très interpellant, en démocratie. Mais soyons de bon compte : se lancer dans une aventure électorale dans un climat aussi délétère et sur une thématique aussi délicate que la migration n’est pas la meilleure chose qui soit », souligne-t-il notamment.

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« La seule option réaliste est donc celle de ce gouvernement minoritaire qui n’a rien de glorieux pour les trois partis qui le forment. Il est la preuve noir sur blanc du vrai visage de la N-VA. Il va aussi les condamner à quémander des soutiens de l’opposition, dont celui de la N-VA, sur plusieurs dossiers socio-économiques », ajoute Christian Carpentier.

Selon ce dernier, enfin, « c’est dans ce moment douloureux et dangereux qu’on mesurera vite s’il existe encore des hommes d’État, capables de sang-froid et de sens de l’intérêt commun, dans ce pays. »

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1 Commentaire

  • Posté par Poels Jean-pierre, lundi 10 décembre 2018, 10:13

    @lesoir.be => les éditorialistes francophones, OK, mais on aimerait aussi de temps en temps disposer de l'avis des éditorialistes et de la population du nord du pays. Les prochaines élections seront fédérales et les votes de la Flandre auront leur poids dans la formation du futur gouvernement!

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