Déclaration universelle des Droits de l’Homme: les jours d’après
Depuis 70 ans, le monde a évolué. D’autres droits, qui ne pouvaient être prévus en 1948, devraient tout naturellement s’ajouter à la Déclaration.

Tant de néologismes inutiles viennent encombrer notre langue qu’en ajouter un – pertinent – ne gâcherait pas les dictionnaires. Le moment est venu d’y intégrer le « commémoratisme ». Ce mot désignerait la propension à célébrer des anniversaires liés aux décimales emblématiques.
Nous venons ainsi de magnifier La Déclaration universelle des Droits de l’Homme en saisissant l’opportunité de son 70e anniversaire. Personne n’oserait blâmer les initiateurs de cette célébration, bien au contraire. On ne peut que se réjouir des formidables manifestations qui réunirent en particulier des milliers de jeunes gens et féliciter celles et ceux qui organisèrent les événements.
Mais célébrer le passé ne présente aucun intérêt s’il ne s’agit pas de le projeter à la lumière du présent afin d’appréhender l’avenir.
Bafouée au quotidien
La Déclaration universelle des Droits de l’Homme est un sujet idéal pour se livrer à l’exercice. Constatons d’abord qu’elle n’a qu’un seul mérite, celui d’exister, afin que l’on puisse s’en servir pour dénoncer une atteinte à ses principes. Si l’on voulait la prendre au pied de la lettre, on devrait souligner qu’elle est bafouée tous les jours, à tout moment, quelque part sur la planète.
Née à Paris, dans la salle du Palais de Chaillot, d’une Commission présidée par Eleanor Roosevelt, veuve du président défunt (l’Histoire est toujours écrite par les vainqueurs…), elle fut adoptée le 10 décembre 1948 lors de l’Assemblée générale de l’ONU, à New York. Elle se veut en filiation avec la Déclaration des droits (Bill of rights) anglaise de 1689 et surtout avec la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen française, héritée des Lumières, du 26 août 1789.
Un recul
Si elle contient 30 articles alors que celle de 1789 n’en compte que 13, elle paraît toutefois en recul par rapport à celle que les philosophes du 18e siècle, dans la foulée de Locke, inspirèrent aux révolutionnaires qui abattirent l’Ancien Régime.
D’emblée, deux exemples flagrants illustrent cette différence. D’abord le titre. Celle de 1789 ajoute « … et du Citoyen ». C’est reconnaître à tous les êtres humains le statut d’acteurs de la vie de la Cité et des affaires publiques, ainsi que le définissait déjà Aristote. Stéphane Hessel, qui tenait la plume, précisait qu’il eût été impossible de suggérer le mot « citoyen » à plusieurs membres de la Commission. Ensuite l’article premier. Dans celle de 1789, il stipule : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. » Celle de 1948 proclame : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. » Le « … et le demeurent » si essentiel, si garant de la durée pour cette liberté, a sauté.
La nécessité d’une actualisation
Depuis 70 ans, le monde a évolué. D’autres droits, qui ne pouvaient être prévus, devraient tout naturellement s’ajouter. La Déclaration, sans avoir une portée juridique, doit continuer à définir les droits fondamentaux si on la veut toujours adéquate, appropriée à la marche du Temps. Une révision, une actualisation s’imposent. Nombreux domaines pourraient être énoncés. Trois d’entre eux apparaissent indispensables à mentionner : le droit de vivre dans un environnement sain, le droit de disposer de son corps, et un droit explicite se rapportant à l’ère numérique.
Un centenaire en danger
La tâche est intimidante. Elle semble cependant impossible. En 1948, seules 58 nations prenaient part au vote. La décolonisation n’avait pas encore eu lieu. Personne n’osa voter contre (on sortait d’un conflit mondial tellement meurtrier…) mais 8 pays s’abstinrent : l’URSS et quelques satellites, l’Afrique du Sud, toujours en apartheid, et l’Arabie Saoudite contre l’égalité hommes-femmes.
Aujourd’hui, le vote concernerait 193 États… Impossible ? Peut-être… Mais si l’actualisation de la Déclaration universelle des droits de l’Homme ne s’accomplit point, il n’y aura pas lieu de célébrer son centenaire ; hormis ses grands principes de base, elle sera devenue inadaptée à son époque.
La Belgique va bientôt siéger au Conseil de Sécurité des Nations Unies. Quel plus noble dessein pourrait-elle déclencher que d’ouvrir ce chantier-là ?
Impossible ? On connaît la fameuse phrase de Mark Twain : « Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait. »
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