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La dure course au sommeil du Solar Impulse

Les pilotes du Solar Impulse n’ont droit qu’à des siestes de 20 minutes pendant six jours. Des techniques existent pour arriver à une telle prouesse.

Temps de lecture: 5 min

C omment vais-je vivre dans cet environnement minuscule en grimpant l’Everest tous les jours, en passant de l’hiver à l’été chaque jour du fait des changements de température, en me reposant seulement 20 minutes à chaque fois ? » Ces interrogations, André Borschberg, le pilote suisse du Solar Impulse 2, les confiait récemment à l’agence France-Presse. Il est vrai qu’en guise d’Everest, la montagne que cet homme doit escalader est plutôt vertigineuse : six jours et six nuits dans une minuscule cabine, tentant de relier l’est de la Chine à Hawaï (8.500 km).

A quoi ressemble la vie à l’intérieur du cockpit ? L’infographie ci-dessous dévoile quelques éléments pratiques : un même endroit pour piloter, dormir et satisfaire ses besoins naturels, de la nourriture personnalisée en conditionnement réduit… On est loin d’une sinécure.

Mais le plus grand défi de cette étape, c’est la gestion du sommeil. Un enjeu essentiel également rencontré dans d’autres secteurs, comme l’armée, la marine ou l’aviation, chacun le gérant à sa manière. En ce qui concerne les avions, la question de la fatigue des pilotes a déjà été maintes fois évoquée par les médias. En juin 2014, un vol charter dirigé par des pilotes de Brussels Airlines a dû être intercepté par un avion de chasse français, après avoir perdu tout contact avec les contrôleurs aériens. Le pilote s’était endormi !

© Solar Impulse.
© Solar Impulse. -

Hypnose, méditation et… élastiques

Philippe Blockmans, directeur de la Belgian Flight School, la principale école de formation des pilotes de ligne en Belgique, expliquait alors qu’un pilote a plus de risques de s’endormir qu’un quidam au niveau du sol, en raison du manque d’oxygène dans une cabine pressurisée en altitude.

C’est un obstacle ; le pilote du Solar Impulse 2 en affronte d’autres : la solitude, la longueur exceptionnelle du voyage, le confinement à l’intérieur d’un cockpit non pressurisé dans lequel il ne peut même pas se mettre debout.

« L’être humain est capable de dormir n’importe où, explique Fabrice Jurysta, chef de service de psychiatrie au centre hospitalier Jolimont (La Louvière). Il est tout à fait capable, en s’entraînant, d’améliorer ses conditions d’endormissement. » Mais il faut, précise-t-il, un entraînement adapté à la mission et à la personne (jeune ou âgé, petit ou gros dormeur…).

Des entreprises privées proposent même des coachings personnalisés pour y arriver, par exemple pour des navigateurs solitaires. Pour l’avion solaire, les pilotes André Borschberg et Bertrand Piccard misent sur la méditation et l’auto-hypnose.

En décembre 2013 déjà, le second homme, psychiatre de formation, s’installait dans un stimulateur pendant 72 heures pour mettre ces techniques en pratique, sous contrôle médical. Fabrice Jurysta précise : « L’hypnose correspond à la première phase du sommeil, celle de l’endormissement. Dans cet état, on est semi-conscient. Dans l’hypnose classique, on ne laisse pas la personne s’endormir, on la retient grâce à certains procédés. Avec le Solar Impulse, la personne tombe rapidement dans le sommeil. »

© AFP, Solar Impulse.
© AFP, Solar Impulse. -

La méditation est, de son côté, un moyen d’évacuer le stress, d’induire des images plaisantes mais aussi d’avoir un rituel avant de s’endormir.

En plus de ces techniques, le pilote de l’avion solaire dispose aussi d’élastiques pour faire des exercices et stimuler ses muscles. En cas de sieste trop longue, des radars retentissent si l’angle d’inclinaison de l’appareil devient trop élevé.

Dès que l’avion redécollera du Japon, le pilote devra redoubler d’attention pour parvenir à se reposer. Les risques liés au manque de sommeil sont nombreux : troubles d’anxiété, confusion, inattention, hallucinations. Si le cockpit du Solar Impulse est constamment relié aux équipes restées à terre, l’état de santé et le mental du pilote seront aussi capitaux que la météo durant cette traversée du Pacifique.

 

 

Un cockpit optimisé

A peine 3,8 m3 d’espace

Les deux pilotes, André Borschberg et Bertrand Piccard, doivent vivre dans un cockpit de 3,8 m3 lorsqu’ils sont à bord du Solar Impulse. La structure du cockpit est pensée de manière à être la plus légère possible et l’espace est parfaitement optimisé. Dans ce cockpit non pressurisé, les pilotes ont à leur disposition : six bouteilles d’oxygène, un parachute, un canot de sauvetage, de l’eau et de la nourriture pour une semaine, ainsi qu’une toilette. Afin d’adapter cette cabine aux aléas du voyage, les équipes de « Solar Impulse » ont dû faire face à toute une série de difficultés comme, notamment, la température externe. Celle-ci peut être extrême et osciller entre –40°C et 40°C.

Un toilettage difficile

Le cockpit est pensé dans le souci d’économiser de l’espace : pour ses ablutions, le pilote devra rétracter le siège car les toilettes se trouvent sous celui-ci ! Ses besoins seront ensuite envoyés dans un sac. Petit détail amusant : pour éviter que les poils de barbe ne gênent les pilotes sous leurs masques à oxygène, ils utiliseront une crème spéciale qui empêche les poils de pousser.

Une nutrition et une santé contrôlée

Nestlé Health Science a mis au point une alimentation personnalisée pour les deux pilotes. Pour Amira Kassis, chercheuse au Nestlé Research Center, « il est important de proposer une alimentation équilibrée, qui ait du goût mais aussi qui soit adaptée à un voyage autour du monde et qui soit, donc, facilement compactable ». Il est aussi essentiel de respecter les habitudes alimentaires du pilote, les plats chauds ne sont pas exclus. L’alimentation fournie aux pilotes respecte un quota de 2,5 kg de nourriture, 2,5 l d’eau et 1 l de boisson énergétique par jour. L’état de santé du pilote est, quant à lui, contrôlé avant et pendant le vol. A cet effet, les deux pilotes transmettent régulièrement leurs pouls et leurs tensions au centre de contrôle où se tiennent à disposition des médecins internistes et des spécialistes de la haute altitude.

Un siège très confortable

Le siège, à l’instar du reste du cockpit, se doit d’être le plus léger possible : son squelette est donc en carbone. Il est polyvalent, vu le peu d’espace dont dispose le pilote, et peut aussi servir de couchette – position utilisée par le pilote pour ses exercices physiques – ; le parachute et le canot de sauvetage sont intégrés dans son dossier. Particularité de ce siège : celui-ci n’est pas en mousse mais rempli d’air afin d’être plus ajustable aux besoins du pilote. Il peut donc se reposer en rendant le siège plus « doux » mais aussi activer un « massage », par exemple, afin de se réveiller et restimuler l’afflux sanguin pour éviter d’être distrait.

 

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