Patrick Davin: «Gounod est le plus européen des compositeurs français»

Un opéra de tubes pour le public, et pas seulement, grâce à Hergé. Pour l’occasion, à l’exception du Mephistofélès du grand Ildebrando d’Archangelo, Stefano de Mazzonis, le directeur général et artististique de l’ORW, a réussi l’exploit de réunir une distribution 100 % belge. Elle ravit Patrick Davin qui dirige le spectacle. Une distribution 100 % belge pour interpréter le chef-d’œuvre du compositeur français Charles Gounod, ça ressemble à quoi ? C’est un véritable tour de force qui en dit long sur la qualité de nos chanteurs. Mac Laho a aujourd’hui le timbre idéal pour le rôle, Lionel Lhote est un admirable Valentin. Et dans le plus petit rôle de Wagner, on découvrira le tout jeune Kamil Ben Hsaïn Lachiri qui a une superbe voix et dont on n’a pas fini de parler. Et puis il y a la Marguerite d’Anne-Catherine Gillet qui distille une admirable fraicheur tout en assumant l’assaut vocal final. Elle nous démontre que l’« air des bijoux » est juvénile et naïf, aux antipodes du panache démonstratif de la Castafiore. Mais justement le défi de « Faust » n’est-il pas d’inscrire dans une continuité dramatique ce véritable florilège d’airs célèbres ? Il faut en tout cas les mettre en situation et la ligne globale évoque le moment de la création. Au-delà du mythe inapprochable, « Faust » nous parle des gens, dans la simplicité de leur vie bourgeoise. Face à la simplicité du héros, on pourrait presque l’imaginer dans un salon sous Napoléon III. C’est sans doute pour cette raison que nombre de commentateurs ont trouvé que l’opéra de Gounod ne rendait pas justice à la dimension mythique du texte de Goethe. Mais dans sa conception, Gounod a parfaitement réussi son objectif de nous offrir un drame humain. [scald=26068904:sdl_editor_representation] Et cette approche concerne même le chœur des soldats ? Absolument, la tradition était de nous montrer des sortes de poilus avant l’heure qui rentraient triomphalement de la guerre. Depuis, Lavelli a osé nous montrer que c’étaient des hommes qui avaient souffert et étaient diminués. On ne revient pas intact d’une guerre, même si on n’est pas blessé. Et cette douleur, à la fois individuelle et collective, on la ressent dans la musique de Gounod qui dans sa partie lente se fait poignante pour évoquer la souffrance des soldats. Vous définissez « Faust » comme un opéra essentiellement européen ? Oui parce que Gounod y introduit toutes les références de la musique européenne. Les classiques, bien sûr mais aussi Beethoven, Schubert et Mendelssohn qui restent sans cesse en référence mais de manière sous-jacente. Et c’est pour cette raison que l’œuvre parle aussi ouvertement au grand public parce que, en l’écoutant, il se sent chez lui. Et tout cela 16 ans avant « Carmen » et 25 ans avant les grands Massenet. « Faust » est donc bel et bien un opéra français européen. L’opéra français est devenu votre répertoire de référence à Liège ? Stefano Mazzonis m’a fait confiance en me nommant dès le départ premier chef invité et en me confiant la direction des opéras français. C’est assez amusant car, à la fin de mes études, Marcel Désiron, qui était mon mentor, trouvait déjà que je devais me spécialiser dans l’opéra français alors que moi je ne rêvais que de Puccini et de Wagner ! C’est vrai que cette musique exige une prosodie et une transparence où je me sens à l’aise. Il n’empêche que je suis encore loin d’en avoir fait le tour. Quand vous pensez que c’est la première fois que je dirige « Faust ». [scald=26068905:sdl_editor_representation] Comment jugez-vous l’orchestre aujourd’hui ? On a fait des progrès fous. Non seulement sur le plan technique mais aussi au niveau de l’implication des musiciens. Aujourd’hui, ils arrivent préparés à la première répétition, de sorte que l’on peut faire de la musique dès le premier jour. Ces progrès ont été accomplis insensiblement et grâce à une foule de petits détails qui font avancer les choses. Ainsi, est née cette idée d’inclure, dans une production, quelques jeunes élèves du conservatoire, soigneusement sélectionnés. C’est pour eux une merveilleuse expérience dans la mesure où ils travaillent ici durant un bon mois en ajoutant les représentations aux répétitions et non pas pour un remplacement épisodique. Mais leur présence provoque aussi une émulation chez les autres musiciens et le résultat final est hautement bénéfique. Liège, Théâtre Royal, du 23 janvier au 2 février. Réservation : www.opéraliege.be ; Charleroi, Palais des Beaux-Arts, 3 février. Réservation : www.pba.be

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