Barbara Hendricks au «Soir»: «Il faut semer des graines d’humanité, comme le fait la Plateforme citoyenne»

Il y a d’abord son regard, aussi vif qu’attentif aux autres. Puis son sourire qui met du soleil dans votre journée. Barbara Hendricks a chanté sur les scènes les plus prestigieuses du monde : c’est une star qui arrive en manteau brodé, habituée aux autographes et aux photos. Mais c’est surtout un concentré d’humanité, de volonté et d’optimisme. [scald=26075483:sdl_editor_representation] Comment avez-vous entendu parler de la Plateforme citoyenne ? C’est via Olivier Vannieu : il dirige le label Off The Records qui publie mes derniers disques. Il a des amis qui hébergent des migrants via la Plateforme et m’a parlé de ce réseau citoyen. J’ai voulu en savoir plus. Je suis très admirative devant la solidarité manifestée par les familles d’hébergeurs : ils ont eu le courage d’inviter chez eux des inconnus. Ils n’ont pas détourné le regard face à ces personnes qui se retrouvaient dans la rue. C’est très touchant. On m’a parlé d’une famille dont le fils, inquiet, n’avait pas trop envie d’avoir des inconnus chez lui. Et puis c’est lui qui s’est mis à préparer les lits pour les hôtes. Cette solidarité, qui devrait être plus naturelle que le rejet, a prospéré : un hébergeur en a parlé à ses amis, racontant la richesse de ces échanges, et ils s’y sont mis aussi. En Suède, d’où est originaire mon mari, j’ai une amie qui loge un jeune Afghan, orphelin, mais je n’avais jamais entendu parler d’un réseau aussi étendu et organisé. [scald=26075484:sdl_editor_representation] Quand les Etats ne remplissent pas leurs obligations d’accueil et d’asile, c’est aux citoyens d’ouvrir la voie ? La plupart du temps, le changement vient des citoyens. Ce ne sont pas les Etats qui ont spontanément aboli l’esclavage, donné le droit de vote aux femmes ou les droits civiques aux Noirs américains : ce sont des citoyens qui se sont battus pour obtenir cela. Martin Luther King était critiqué par les bien-pensants qui trouvaient qu’il était trop pressé. Mais si on attend, il ne se passe jamais rien ! Ce pouvoir que peuvent prendre les citoyens, c’est le côté le plus fantastique des démocraties. C’est grâce à eux que cela fonctionne. [scald=26075606:sdl_editor_representation] Certains politiciens critiquent la Plateforme : selon eux, elle crée un « appel d’air » qui pousse les migrants à venir ici, de plus en plus nombreux… Ce n’est pas un langage que je parle. Pour moi, ce qui compte, ce sont les êtres humains. Que fait-on face à quelqu’un qui est dans le besoin ? On lui tend la main, et elle ne revient pas vide. Mon vocabulaire à moi, c’est l’amour et l’humanité. Pas la politique. Mais on voit que la question des migrants divise les opinions publiques, entre repli et ouverture, peur et confiance. Et les populistes progressent grâce à un discours xénophobe. Que dire à ces personnes qui ont peur de l’étranger ? Cela veut dire quoi, être un humain ? Cela veut dire prendre soin des personnes qui sont en face de vous : famille, voisins, migrants. C’est semer des graines de cette humanité. Certains trouvent qu’on en fait trop pour les migrants et pas assez pour les SDF ? On ne peut pas mettre les causes en concurrence. Je leur dis : que faites-vous pour les SDF ? Eux aussi ont besoin d’aide, allez-y ! [scald=26075486:sdl_editor_representation] Parmi ceux qui votent pour des leaders populistes, il y a des personnes qui ont peur de voir l’islam prendre trop de place dans leur pays, que la démographie entraîne un basculement culturel. Qu’en pensez-vous ? J’ai fait le choix de ne pas vivre avec la peur. Cela ne veut pas dire que je n’ai jamais peur. Mais je ne pense pas qu’il est utile de s’angoisser pour ce qui va peut-être se passer dans 20 ans, ou pas. Il faut vivre dans le moment présent et agir pour que les choses se passent bien, et non perdre son temps à fantasmer sa peur. Le féminisme se retrouve particulièrement dans la lumière aujourd’hui. Comment vous sentez-vous avec cette nouvelle génération ? J’ai eu 20 ans en 1968, et ma génération a développé un féminisme plutôt cool. Les jeunes femmes d’aujourd’hui veulent que leur voix soit entendue car elles sont des êtres humains comme les autres. Je voudrais essayer de créer un lien entre les différentes générations de femmes. Pour moi, il est évident que le féminisme commence à la maison : si la fille, la femme, s’y sent l’égale du garçon, de l’homme, alors ce sera plus simple pour elle de tracer son chemin. Aux Etats-Unis, Donald Trump mène une politique anti-migrants. Cela vous désespère ? C’est mal me connaître ! Je suis du genre à voir le verre à moitié plein, et pas à moitié vide ! C’est grâce au comportement outrancier de Trump qu’il y a eu tant de jeunes femmes élues au Congrès américain. J’adore les voir : les « native » américaines, celles qui sont musulmanes ou d’origine latino. Elles ont une totale légitimité, elles représentent tous ceux qui les ont élues. Et quand les vieux schnocks du Congrès tentent de les faire taire, elles dégainent leurs tweets, car elles, elles savent comment cela fonctionne ! Elles sont hypermotivées, et vont se battre aussi pour le climat. Elles sont pour moi une sacrée inspiration, qui me donne l’envie de continuer. [scald=26075485:sdl_editor_representation]

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