L’Office des étrangers à la Chambre: ««Tout ce qu’on avait, c’était un nom, une date de naissance»

Premières salves d’auditions à la Chambre pour faire le clair sur le système d’octroi de visas humanitaires, après le scandale de l’arrestation d’un conseiller communal N-VA, Melikan Kucam, suspecté d’avoir extorqué des centaines de milliers d’euros en échange du sésame. Le Malinois faisait partie des quelques personnes auxquelles le cabinet du secrétaire d’Etat faisait confiance pour fournir des listes de personnes à faire venir. Très attendu, le directeur de l’Office des étrangers, Freddy Roosemont, était entendu mardi avec le commissaire général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA), Dirk Van den Bulck, et des représentants de Myria. Myria qui a sorti ses plus beaux tableaux. [scald=26086968:sdl_editor_representation] C’est qu’il n’est pas évident de faire la clarté entre les différentes formes de visas humanitaires, selon qu’il s’agisse de réinstallations, d’opérations de sauvetage ou de demandes de rapprochement familial. Pas évident surtout d’identifier qui se cache derrière ces « sauvetages ». La première opération était celle d’Alep, organisée par l’ancien diplomate Mark Geylen en 2015, qui a permis de faire venir près de 250 personnes sélectionnées par les églises orthodoxes de Syrie. Le CGRA est alors associé, raconte Dirk Van den Bulck : « La situation était dramatique, les gens étaient dans des situations très précaires, à tous points de vue. Nous avons procédé à une évaluation de vulnérabilité au niveau de la situation sur place et sur base individuelle à partir de fiches qu’on nous transférait. Nous vérifions si des éléments pouvaient s’avérer problématiques mais ça ne permettait pas une enquête approfondie. » Le commissaire général fournira par la suite un avis juridique sur d’autres formes de réinstallations envisageables. « Cela impliquait d’avoir une enquête préalable pour établir des critères. » Les opérations se poursuivent, sans le CGRA. Et sous une tout autre forme. « On recevait une liste, associée à un nom – “la liste Kucam”, par exemple, oui. Le cabinet demandait à l’Office des étrangers de consulter l’Ocam et la sûreté pour le screening de sécurité, explique Freddy Roosemont. On devait ensuite prendre contact avec le poste diplomatique pour qu’il fixe un rendez-vous avec les personnes sélectionnées. » Aucune vérification de vulnérabilité n’est faite. « L’Office n’avait aucune idée d’où venaient les noms ou les intermédiaires. On savait juste que c’était des chrétiens. » Enfin, des chrétiens, « on suppose qu’ils étaient chrétiens, d’après ce que le secrétaire d’Etat a dit. Nous, tout ce qu’on avait c’était un nom, une date de naissance et éventuellement un numéro de passeport. » S’il est inhabituel, le fonctionnement par liste n’est pas nouveau, précise le directeur ; lors de la crise au Rwanda en 1994 ou pour faire venir des enfants Haïtiens en 2010, l’Office a déjà procédé ainsi. « Le problème ici, ce sont les intermédiaires, mais il faut comprendre que ce n’est pas une situation simple, le Haut-Commissariat aux réfugiés n’est pas présent sur place. » A aucun moment, Freddy Roosemont n’interroge le secrétaire d’Etat sur sa pratique. « Le contrôle de vulnérabilité, ce n’est pas notre boulot. C’est la décision du secrétaire d’Etat pas celle de l’Office des étrangers. » Alors pour le reste, « c’est à lui qu’il faudra poser vos questions ». [scald=26086969:sdl_editor_representation] Plus de 600 Syriens seraient arrivés en Belgique en 2018, via ces listes. Un chiffre allé croissant depuis 2015. Faute d’informations précises par catégorie, Myria a dû croiser plusieurs jeux de données, pour tenter de comprendre ce que ces flux recouvraient réellement. « Les chiffres, tout ce que l’on demande depuis le début, s’agace la SP.A Monika De Coninck. J’ai posé seize questions écrites sur ces visas. Seize questions. Et je n’ai jamais obtenu de réponse. » Les rapports annuels ultra-minimalistes de l’Office des étrangers n’étant pas d’une grande aide. Les analyses, c’est du personnel, on n’a pas les moyens, siffle Freddy Roosemont. « Je peux comprendre qu’il y ait des priorités, poursuit la SP.A. Mais si nous avions vu les chiffres, nous aurions remarqué que la voie d’exception des visas humanitaires avait été détournée pour devenir une voie parallèle d’accès au territoire. » Une voie ne faisant l’objet d’aucun contrôle. Nahima Lanjri (CD&V) résume l’inquiétude : « Pour des demandes individuelles similaires, il y a deux procédures : une longue, fastidieuse et incertaine via l’Office des étrangers, qui aboutit à beaucoup de refus, et l’autre, un raccourci via le cabinet, avec la garantie d’un traitement préférentiel. Quand bien même Melikan Kucam n’aurait pas demandé de payer, il est problématique que le premier venu puisse déterminer qui peut être sur la liste ou pas. Toute personne doit pouvoir faire la demande. Les auditions devraient se poursuivre mardi prochain avec des représentants des Affaires étrangères, de l’ambassadeur au Liban et de St Egidio, à l’origine d’un programme de réinstallations par parrainage. Maggie De Block, ministre de l’Asile et de la Migration sera entendue le 12 février.

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