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Nos prisons doivent retrouver une dimension humaine

Le président du CAL va effectuer jeudi une visite de la prison de Saint-Gilles. Il s’inquiète de la surpopulation carcérale et ses conséquences sur le quotidien des détenus, et plaide pour une prison semi-ouverte à taille plus humaine.

Carte blanche - Temps de lecture: 5 min

Ce 31 janvier, les organisations religieuses et philosophiques non-confessionnelles sont invitées par le Ministre de la Justice à une visite de la prison de Saint-Gilles.

Certes, cette visite sera l’occasion de saluer le travail des conseillers religieux et moraux. Mais le Centre d’action laïque entend surtout rappeler que si les années se succèdent, les condamnations de l’Etat belge aussi.

Ainsi, le 9 octobre 2018, le tribunal de Première instance de Liège déclarait l’Etat belge responsable de la surpopulation carcérale à la prison de Lantin. Et ce 9 janvier 2019, le Tribunal de Première instance de Bruxelles faisait de même pour les prisons de Saint-Gilles et Forest.

Ces décisions de justice ne font que rappeler ce que nul responsable politique ne peut ignorer : la surpopulation carcérale est la honte de notre démocratie et une plaie ouverte dans notre Etat de droit. Plus de 10.400 personnes sont détenues dans les prisons belges alors que la capacité moyenne est de 9.231 places. Depuis les années 80, le nombre de détenus a augmenté de 63 % alors qu’en 10 ans, la criminalité a baissé de 15 % en moyenne en Belgique et de près de 20 % à Bruxelles.

Pourtant, dans un arrêt du 25 novembre 2014 condamnant la Belgique pour traitements inhumains et dégradants, la Cour européenne des droits de l’Homme a qualifié cette surpopulation dans les prisons belges de « structurelle ». Comme si nos autorités publiques s’y étaient en quelque sorte résignées…

Violation des droits de l’Homme

Les conseillers laïques sont parmi les premiers, au quotidien, à pouvoir en mesurer les conséquences concrètes en termes de violations de droits de l’Homme : tensions entre détenus, hygiène dramatique, activités réduites, impossibilité pour le personnel médical et social d’assumer leurs fonctions, liens avec le monde extérieur rendus encore plus compliqués… Ainsi que le relevait la section belge de l’Observatoire international des prisons dans sa Notice de 2016, « le phénomène de surpopulation touche tous les aspects de la gestion des établissements ».

Face à cela, les solutions prônées depuis fort longtemps par nos responsables politiques semblent se réduire à, d’une part, une extension du domaine de la répression couplée à un alourdissement du régime de sanction et, d’autre part, une course folle aux places de prison supplémentaires.

Peu importe les innombrables études scientifiques ou rapports démontrant que ces mesures sont loin de produire les effets attendus, de façon générale, dans le domaine de la sécurité, il « remonte à longtemps ce mépris affiché pour l’intelligence au bénéfice de postures martiales ».

Dans son rapport daté de 2018, le Comité européen pour la prévention de la torture a cependant encore indiqué à la Belgique que la lutte contre la surpopulation carcérale « doit avant tout être axée sur la réduction et la maîtrise de la population carcérale et non sur l’augmentation sans fin du nombre de places ».

Deux démissions fracassantes

Et en effet, aujourd’hui, la sanction trop souvent réclamée est aussi devenue le problème. S’attaquer aux causes de la surpopulation carcérale est donc essentiel mais, visiblement, pas aux yeux de tous.

La démission fracassante en octobre dernier de deux membres de la Commission de réforme du Code pénal en témoigne à suffisance : pour Damien Vandermeersch, loin des options retenues par le Ministre de la Justice, « un droit pénal moderne ne doit pas juste s’appuyer sur la peine de prison. (…) Il y a d’autres réponses (…) Car on sait que la prison est contre-productive, et qu’elle produit la récidive ».

Il est temps de changer de paradigme. Le Centre d’action laïque propose de réformer en profondeur le Code pénal afin que la peine de prison ne puisse être prononcée qu’en dernier ressort et que les alternatives à la détention soient véritablement investies. Ceci implique de revoir la législation relative au casier judiciaire et la loi sur la détention préventive dans une optique réductionniste.

Pour une prison semi-ouverte

Par ailleurs, le Centre d’action laïque dénonce la volonté de l’Etat fédéral de construire de nouvelles prisons (via les divers Master Plan des dernières années) qui augmentent de manière très importante le parc carcéral via des Partenariats publics-privés et qui grève le budget de l’Etat pour plusieurs décennies. Comme l’écrivait Mark Twain, « celui qui ouvre une prison doit savoir qu’on ne la fermera plus ». Le CAL préconise de rénover les anciennes prisons en privilégiant la création de petites unités et de prisons ouvertes et semi-ouvertes.

Enfin, il recommande de s’atteler réellement à la réinsertion des détenus par le biais notamment de la mise en œuvre des articles relatifs aux droits des détenus contenus dans la loi de principe du 12 janvier 2005, d’un meilleur suivi psychosocial par les services internes et d’une augmentation de leur cadre, de formations qualifiantes et certificatives, de remises de peine en cas de réussite de formations de base. De plus, le Centre d’action laïque appelle à l’adoption urgente du projet d’arrêté royal conférant un véritable statut aux conseillers laïques et religieux en prison, ainsi que le rééquilibrage du cadre afin de mieux coller à la réalité de la population carcérale. En cette période préélectorale, le Centre d’action laïque invite les partis à faire preuve de courage politique et à ouvrir un débat sur l’enfermement guidés par des considérations humanistes plutôt que la crainte d’une certaine impopularité.

 

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