Thierry Bodson sur la grève nationale : «Le fond de l’air est rouge, vert, jaune… et jeune!»
« De plus en plus de citoyens et citoyennes se politisent et s’engagent, à mesure qu’ils dénoncent la classe politique, sa déconnexion d’avec leurs préoccupations, sa coupable apathie face aux urgences sociales, climatiques, démocratiques », affirme Thierry Bodson.

La triple élection du mois de mai (régionale, fédérale et européenne) intervient à une époque inquiétante de replis identitaires, observés partout en Europe et dans le monde. Mais aussi à un moment particulièrement intéressant sur le plan des mouvements sociaux. Certains naissent, d’autres s’amplifient, d’autres encore se radicalisent. De plus en plus de citoyens et citoyennes se politisent et s’engagent, à mesure qu’ils dénoncent la classe politique, sa déconnexion d’avec leurs préoccupations, sa coupable apathie face aux urgences sociales, climatiques, démocratiques.
L’émergence des gilets jaunes, celle des gilets verts et la mobilisation soudaine et spectaculaire des jeunes en Belgique ont bousculé l’agenda politique et médiatique en quelques semaines.
Cette ébullition survient alors que depuis quatre ans, les centaines de milliers de personnes qui se sont mobilisées, notamment à l’initiative des syndicats, contre les régressions sociales imposées par le gouvernement Michel, n’ont suscité que son mépris. Pas étonnant, dès lors, qu’une partie de ces citoyens ignorés, appauvris, se tourne vers des actions plus directes, sans intermédiaire ni porte-parole, pour exiger une vie meilleure et… une démocratie directe. Il serait irresponsable de ne pas prendre très au sérieux les raisons qui les poussent à la réclamer, slogans dans le dos, infatigablement, depuis 13 semaines.
Nous aurions tort de croire que tout va redevenir comme avant. Les changements qui s’opèrent touchent à la démocratie représentative et aux institutions – dont les organisations syndicales – de la société belge telles qu’on les connaît depuis la Seconde Guerre mondiale. Ces « piliers » donnent aujourd’hui l’impression de fonctionner sans plus porter leurs fruits : ceux de la redistribution des richesses. Ce n’est pas tant payer ses impôts qui devient insupportable pour certains, c’est de ne plus en percevoir les effets retour.
Les décennies passent, mais c’est encore et toujours le rapport capital/travail qui fracture la société. Aujourd’hui, un CEO du BEL 20 gagne en 8 jours le salaire annuel médian belge. Malgré ce constat sidérant, la Fédération des entreprises de Belgique (FEB) refuse d’envisager des augmentations salariales au-delà de 0,8 %, soit 9,50 € net/mois pour le salaire minimum interprofessionnel. A ce rythme, les patrons des patrons maintiendront sûrement la compétitivité de l’économie mais en ayant engendré un monde de l’affrontement, de plus en plus violent, entre celles et ceux qui ont tout et celles et ceux à qui l’on prend le peu qu’il reste. Ce n’est pas la société que les interlocuteurs sociaux sont censés construire. Il est urgent de retrouver l’esprit qui a guidé le projet de pacte social de 1944. La transition écologique contient les éléments d’un nouveau pacte, d’un projet enthousiasmant qui inclut toutes les classes sociales. Urgence sociale et urgence climatique devraient constituer les bases d’un New Deal, qui mérite mieux que des opérations de communication dilatoires.
Le tournant est historique. Notre responsabilité aussi. Les syndicats savent qu’ils n’ont plus le monopole de la mobilisation de masse, ils doivent tisser des liens étroits avec celles et ceux qui partagent leur combat pour la solidarité et la justice. Les complémentarités sont évidentes.
Les luttes convergent vers les élections de mai. Une grève nationale en front commun syndical bloquera l’économie du pays ce 13 février. L’idée d’une grève des femmes le 8 mars pour dénoncer les discriminations de genre fait son chemin. Une grève internationale pour le climat est annoncée le 15 mars. Une manifestation nationale et citoyenne est programmée le 12 mai à l’initiative de la plateforme TAM-TAM. Les élèves du secondaire et les étudiants renforcent leur mobilisation.
Tous ces mouvements portent des propositions ambitieuses et concrètes. Entre les gilets rouges, les gilets jaunes et les gilets verts, il n’y a pas de cloison étanche. Le ras-le-bol partagé d’un système est en train de s’exprimer de façons différentes. Ne laissons aucune place à l’extrême droite qui fait son lit des peurs et de la misère sociale, ni aux discours qui voudraient nous diviser pour mieux continuer à régner. Forçons, grâce aux réponses globales et radicales que nous portons, l’alternative.
Pour poster un commentaire, merci de vous abonner.
S'abonnerQuelques règles de bonne conduite avant de réagir7 Commentaires
-
Posté par Byloos Dominique, mercredi 13 février 2019, 12:12
-
Posté par Philippe Pasman, mardi 12 février 2019, 20:48
-
Posté par godin Pierre, mardi 12 février 2019, 20:35
-
Posté par Dopchie Henri, mardi 12 février 2019, 20:05
-
Posté par Deswaef Luc, mardi 12 février 2019, 18:47
Plus de commentairesJe vois beaucoup de critiques concernant cette grève. Quelles sont les moyens pour des personnes mécontentes de se faire entendre ? Quelles sont les moyens de contester cette norme salariale grotesque ? Le gouvernement Michel a favorisé les entreprises pendant 4 ans et demi sans accorder d'importance aux personnes dans la misère ou ayant de failbles revenus. Faut il rappeler que le taux de pauvreté n'a jamais été aussi élevé en Belgique ? Les mesures prises ont principalement ciblé la classe moyenne et les personnes à faible revenu.
C'est le même problème avec les manifs des étudiants. Ils font chier ceux qui travaillent et qui payent pour leur bien être. Sans travailleurs plus d'universités faut peut être le rappeler de temps en temps
Lu sur une photo d'un calicot publiée dans Le SOIR: "On fait grève pour vous" ?! Sans blague, laissez-moi aussi travailler pour moi. Comme disait Coluche "Quand un syndicaliste fait grève, il appelle ça une journée d'action !
Ainsi, le Soir publie un article de T. Bodson de la FGTB. Il convient donc qu'il publie un article de la FEB sur le même sujet.
Que l’ont m’explique à quoi ça sert de faire la grève maintenant alors que le gouvernement est en affaires courantes,tout simplement à faire reculer l’economie et à mettre des indépendants en faillite et à « emmerder » ceux qui eux travaillent. Passer à autre chose s.v.p.