«De la nécessité de combattre concrètement l’antisémitisme»
L’antisémitisme agglomère dans un même élan des mouvements hétéroclites, apparemment antagonistes sauf lorsqu’il s’agit de stigmatiser les Juifs, certes maquillés en «sionistes», note le Professeur Joël Kotek dans cette carte blanche.

Qui oserait encore nier le lien patent entre l’antisémitisme classique et l’antisionisme radical, à part ce quarteron de Juifs antisionistes, évidemment toujours à la une de nos médias?
Les récents événements et incidents antisémites de ces dernières semaines révèlent pourtant au grand jour les véritables convergences vertes-rouges-brunes de Paris à Washington, en passant par Bruxelles. A Paris, les manifestations de haine à l’égard des Juifs ne cessent de s’amplifier. 50% des attaques racistes visent désormais les Juifs de France qui ne comptent pourtant que pour 1% de la population totale française. N’en déplaise à Edwy Plenel – exemple parmi tant d’autres de ce gauchisme culturel qui triomphe dans nos salons–, les nouveaux Juifs ne sont pas les musulmans mais, hélas, encore et toujours ces mêmes… Juifs. Pour preuve de cette peste antisémite: ces «Juden» tagués sur des vitrines de restaurants (supposés) juifs, ces croix gammées qui ont profané des portraits de Simone Veil, cet arbre planté à la mémoire d’Ilan Halimi, scié, ces cris de haine de gilets jaunes à l’adresse du philosophe Alain Finkielkraut, le 15 février dernier: « La France est à nous ». « Rentre chez toi en Israël ». « Sale race », « grosse merde sioniste », « nous sommes le peuple ». « Nous sommes le peuple français ». « Palestine ». « Palestine ». « Facho ». « A Tel Aviv, à Tel Aviv ». « Sale merde de sioniste, t’es un haineux. Tu vas mourir! ».
Le plus étonnant est que rien dans les prises de position de l’Académicien français ne l’aurait laissé présager, n’était précisément sa qualité de Juif (supposé) sioniste. Alain Finkielkraut est, en effet, non seulement un sioniste modéré (signataire de JCall, donc partisan d’un Etat palestinien) mais un défenseur obstiné, désespéré de l’identité française; d’où son soutien initial au mouvement des gilets jaunes. Une colère mal ciblée Plus que jamais et, pour paraphraser Léopold Sédar Senghor, les antisémites sont bien et avant tout des gens qui se trompent de colère. Depuis le XIIe siècle, en effet, dans la foulée des croisades, les Juifs se sont retrouvés périodiquement désignés comme les responsables des crises et ce, tant par les puissants (antisémitisme d’en haut, politique et religieux) que les exclus du système (antisémitisme d’en bas, populaire et social). Ces deux courants qui ont donné naissance, ici, à l’antisémitisme conservateur, là, progressiste culminent aujourd’hui, associés à l’antisémitisme arabo-musulman, dans l’antisionisme radical. Pour preuve les slogans totalement contradictoires à l’adresse du philosophe français où se mêlent, confusionnisme imbécile oblige, haine des Juifs traditionnelle (« rentre chez toi à Tel Aviv », « Nous sommes le peuple français ») et antisionisme radical (« sale sioniste de merde », « facho », « Palestine »). Le Juif est appelé à devoir disparaître pour n’avoir nulle place à vivre, pas plus en diaspora (antisémitisme traditionnel) que sur sa terre d’origine (antisionisme radical).
Un assemblage de haines L’antisémitisme a cette plasticité inégalée, d’agglomérer dans un même élan des mouvements hétéroclites, apparemment antagonistes sauf lorsqu’il s’agit de stigmatiser les Juifs, certes maquillés en sales sionistes. Ainsi de cet hommage de François Ruffin, l’une des icônes du mouvement des Insoumis, à Etienne Chouard, le très médiatique copain d’Alain Soral qui se plaît à dénoncer pêle-mêle la banque et le colonialisme guerrier du sionisme. Ainsi encore de ce soutien assumé, début février, du négationniste américain David Duke, l’ex-«Grand Sorcier» du Ku Klux Klan, à la toute nouvelle Représentante démocrate de confession musulmane, Ilhan Omar ; cet espoir du Parti démocrate ayant cru bon – avant de s’en excuser publiquement – d’accuser les sionistes américains de contrôler financièrement le Congrès américain. Manifestement lorsqu’il s’agit de dénigrer les Juifs, avec ou sans habillage antisioniste, les islamo-néonazis et les islamo-gauchistes partagent la même rhétorique que leurs frères islamistes. L’antisémitisme a cette capacité de réunir des individus a priori politiquement divisés et en désaccord sur à peu près tout, sinon sur la haine du sionisme, totalement imaginaire et fantasmé. La bête immonde rôde en Belgique aussi Le procès Nemmouche est là aussi pour nous rappeler que notre pays n’est pas étranger à cette nouvelle judéophobie. Ici aussi règne le confusionnisme antisémite. L’extrême gauche mais aussi l’extrême droite ont depuis longtemps choisi leur camp, celui de l’opposition obsidionale à Israël, le seul Etat de notre planète qui n’aurait pas droit à l’existence et ce, à l’instar de l’ex-député Laurent Louis ou encore du chrétien intégriste Alain Escada, sans oublier les tenants d’un certain parti maoïste belge. Faudra-t-il encore rappeler que Sébastien Courtoy et Henri Laquay, les deux avocats belges de l’auteur «présumé» de l’attentat au Musée juif de Bruxelles figurent parmi les récipiendaires de la Quenelle d’or (2012), création de l’antisémite halluciné Dieudonné, et ce aux côtés de Robert Faurisson, de Thierry Meyssan, de Hervé Ryssen, de Jacob Cohen, de Souhail Chichah, d’Alain Soral, de Laurent Louis et de l’ex-président iranien Mahmoud Ahmadinejad? Il serait temps que la Belgique adopte au plus tôt la définition opérationnelle de l’antisionisme ratifiée d’ores et déjà par le Parlement européen et de nombreux Etats tels la Grande-Bretagne ou encore l’Allemagne fédérale. Cette définition adoptée par l’ensemble des 32 Etats membres de l’International Holocaust Remembrance Alliance (IHRA), cette quasi-organisation internationale dont fait partie l’Etat belge, ne condamne que la forme radicale, antisémite de l’antisionisme, c’est-à-dire en aucune manière la critique raisonnée du gouvernement israélien.
Il est urgent d’agir. Les Juifs ne sont toujours que les premières cibles des ennemis de la démocratie.
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Cette carte blanche a fait l’objet d’un droit de réponse de Souhail Chichah
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