Bruxelles bientôt chauffé par ses égouts

À Uccle, l’administration, aujourd’hui disséminée sur sept implantations différentes, s’installera prochainement dans un seul et même bâtiment, le bâtiment U composé de cinq tours, rue de Stalle. Bâtiment que le bourgmestre Boris Dilliès (MR) veut « exemplaire » et qui, d’un point de vue énergétique, aura la particularité d’être chauffé par... les égouts. « L’idée est venue parce que, quand on se promène dans les égouts et qu’il fait froid dehors, il y fait chaud et à l’inverse, il y fait frais quand c’est canicule dehors, explique Olivier Broers, directeur des études et des investissements au sein de l’intercommunale Vivaqua. C’est un milieu très stable, situé à environ 4 mètres de profondeur. » C’est ce que l’on a appelé la « riothermie », contraction néerlando-francophone de « riolering » (égout) et de thermie pour chaleur. Il s’agit d’utiliser les températures, chaudes ou froides, dégagées par les eaux usées pour les insuffler dans les bâtiments via des pompes à chaleur. « C’est un peu le même principe qu’un frigo, qui pompe les calories des plats et les fait ressortir par ailleurs, puisque, si vous glissez votre main derrière votre frigo, il fait toujours chaud », ajoute l’ingénieur. Invention brevetée Concrètement, ce qu’Olivier Broers a imaginé, c’est un échangeur à chaleur en polyéthylène haute densité – une sorte de plastique –, adapté au milieu agressif que sont les eaux souterraines et moins coûteux que les modèles classiques en aluminium, que l’on place dans le creux de l’égout lors d’une réparation. Souvent endommagé et érodé par le passage continu de l’eau, ce creux, appelé « cunette » dans le jargon, est traditionnellement réparé par un moule dans lequel est coulé du béton. Moule qui pourra donc être remplacé par des échangeurs à chaleur à Uccle, et plus tard, ailleurs dans la capitale en concomitance avec des projets de rénovation immobilière. Et c’est cette méthode de réhabilitation à valeur écologique qui fait l’objet d’un brevet européen. Le projet ucclois sera le premier bâtiment de ce genre à Bruxelles. Et le premier véritable projet mené par Vivaqua après des années de recherches, de prototypes et d’études statistiques. La maison communale de 15.000 mètres carrés représentait l’endroit idéal : en pleine rénovation et ré-isolation, situé en fond de vallée de l’Ukkelbeek et à proximité d’un bassin d’orage. Car « le débit a une influence prépondérante sur le nombre de kilowatts qu’on peut retirer », précise Olivier Broers. Quelque 72 mètres d’échangeurs devraient être installés d’ici novembre. « Aux pouvoirs publics de s’en saisir » Combinée à un système classique de chauffage, la riothermie subviendra à un quart des besoins énergétiques du bâtiment, qui servira de « laboratoire vivant » à l’intercommunale. Et permettra d’économiser entre 60 et 120 tonnes de CO2 par an. Une goutte d’eau dans un océan quand on sait que l’incinérateur bruxellois a produit 61.000 tonnes de CO2 en 2014. Mais l’ambition de Vivaqua est bel et bien d’équiper son réseau davantage en la matière. Vingt kilomètres d’égouts équipés d’échangeurs représentent déjà 26.000 tonnes de CO2 économisés. L’intercommunale s’est fixé comme objectif 50 kilomètres endéans les dix ans, explique le directeur des études et investissements : « Un objectif réaliste étant donné que 20 à 25 kilomètres du réseau sont rénovés par an. » Et pour cela, Vivaqua a besoin de subsides. Après s’être vu refuser plusieurs subventions européennes, l’intercommunale fait maintenant un appel du pied aux (futures) autorités régionales. « C’est un sujet de fierté, c’est long et compliqué mais c’est prometteur à condition que ce soit soutenu, souligne la directrice générale Laurence Bovy. Nous, on a fait notre job en développant, en investissant, en prenant un risque. Si le prochain gouvernement a plus d’ambition pour une ‘smart city’ et pour un air plus pur, il faut aussi qu’ils s’en saisissent ! »

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